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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 115

Le mardi 25 avril 2023
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 25 avril 2023

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine nationale du tourisme

L’honorable Karen Sorensen : Honorables sénateurs, je suis fière de me joindre aux exploitants d’entreprises touristiques afin de souligner la Semaine nationale du tourisme. Des représentants de l’industrie sont à Ottawa cette semaine pour mettre en valeur les diverses contributions du tourisme à notre économie, à nos collectivités et à notre pays, ainsi que ce qu’il a à offrir pour le futur. Il n’est pas exagéré de dire que le Canada est propulsé par le tourisme. Le tourisme a créé des emplois dans chaque province et territoire, employant un travailleur sur dix. Avant la pandémie, ce secteur a créé 748 000 emplois directs et 2 millions d’emplois indirects. Mais les retombées ne sont pas qu’économiques. D’un océan à l’autre, le tourisme fait vivre nos collectivités et permet à notre culture canadienne de s’épanouir alors que nous partageons nos traditions avec des visiteurs de partout au pays et dans le monde.

Par contre, ce secteur a connu des moments très difficiles ces dernières années et il n’est pas encore tiré d’affaire. Si nous voulons que le tourisme soit florissant, nous devons remédier aux pénuries de main-d’œuvre tout en investissant dans nos richesses touristiques afin que le Canada puisse continuer d’offrir cette expérience avant‑gardiste et sans pareil pour laquelle nous sommes connus partout dans le monde. Nous devons aussi soutenir des réussites telles que le tourisme autochtone, qui est fort populaire parmi les touristes canadiens et étrangers et qui est un puissant moteur de développement économique et de revitalisation culturelle pour les Autochtones. Par ailleurs, nous devons promouvoir le Canada en tant que destination touristique tant au pays qu’à l’étranger, et encourager les divers secteurs industriels à tenir leurs congrès et leurs événements ici.

J’ai appris hier, lors de notre événement, que le Centre Shaw à Ottawa a été classé au premier rang des centres de conférences au monde, ce qui est très intéressant. Je ne connaissais pas cette information.

Nous sommes heureux de constater que le dernier budget fédéral appuie le tourisme et nous avons hâte de voir la stratégie fédérale pour la croissance du tourisme du gouvernement. Les attraits du Canada sont de classe mondiale et la beauté de nos merveilles naturelles est inégalée, tout comme la nature accueillante des Canadiens. J’encourage tout le monde à se joindre à moi pour soutenir les exploitants d’entreprises touristiques qui présentent le Canada au monde entier.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Raymond Mong et de Christina Chong. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Woo.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les Jeux Invictus

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, jeudi dernier, les sénateurs qui sont passés devant l’hôtel de ville d’Ottawa ont sans doute vu un nombre impressionnant de soldats et d’athlètes en uniforme se rassembler dans le hall principal. C’est à cette occasion que la fondation La patrie gravée sur le cœur a informé les principaux intéressés de ses préparatifs en vue des Jeux Invictus de 2025, qui se tiendront à Vancouver et à Whistler. La fondation a souligné à ce moment-là l’incidence et l’héritage que les jeux auront sur les militaires, les anciens combattants et leur famille de partout dans le monde.

Depuis leur création en 2014, les Jeux Invictus continuent d’inspirer les anciens combattants à atteindre de nouveaux sommets. Ils ont démontré l’important pouvoir de guérison du sport tout en favorisant une meilleure compréhension et en prônant un plus grand respect envers ceux qui ont servi leur pays. Beaucoup d’entre nous au Sénat ont eu l’honneur de discuter avec d’anciens combattants pour écouter leurs histoires et ont découvert que beaucoup d’entre eux ont éprouvé des difficultés lors de leur retour au pays. Parfois, ces blessures sont visibles, mais, d’autres fois, elles sont bien cachées.

Les traumatismes liés au stress opérationnel, comme le syndrome de stress post-traumatique, sont fréquents chez les soldats qui rentrent au pays. Les traitements pour ces traumatismes ont progressé, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Le sport adapté s’est révélé être un outil puissant dans le processus de rétablissement. Il permet aux anciens combattants blessés de se mobiliser et d’être actifs. Il leur donne un objectif à atteindre et leur permet de revêtir de nouveau l’uniforme du pays qu’ils ont si fièrement servi.

Ces jeux sont particulièrement axés sur la famille et les amis des participants. En 2015, en plus des athlètes d’Invictus, je me suis entretenue avec des centaines de leurs proches. Ceux-ci accompagnent les athlètes, ce qui rend ces jeux tout à fait uniques. Le mouvement Invictus a pour but d’accompagner non seulement les militaires dans leur processus de guérison, mais aussi les membres de leur famille. Je garde un excellent souvenir du moment où, aux côtés du premier ministre, j’ai rencontré les membres de l’équipe Invictus du Canada dans la rotonde de l’édifice du Centre. C’était en 2018, peu de temps avant qu’ils partent pour l’Australie à bord du vol Invictus.

Les jeux de 2025 à Vancouver et à Whistler seront exceptionnels. Comme nous sommes au Canada, il s’agira des premiers Jeux Invictus d’hiver, ce qui veut dire qu’il y a aura une série de nouvelles disciplines pour lesquelles les anciens combattants du monde entier pourront s’entraîner. Pendant les préparatifs, les organisateurs des jeux collaborent aussi avec les nations Musqueam, Squamish, Tsleil-Waututh et Lí’lwat, sur les terres ancestrales desquelles auront lieu les jeux. Cette collaboration, qui tient compte des recommandations formulées dans les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, permet de respecter les protocoles autochtones dans tous les aspects des jeux.

Honorables collègues, le mot « invictus » signifie invaincu. Il exprime l’esprit combatif des militaires malades ou blessés et ce que ces femmes et ces hommes persévérants peuvent accomplir après leur blessure ou leur maladie. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que ces athlètes ont déjà surmonté de nombreuses difficultés que, Dieu merci, nous ne connaîtrons jamais. Le courage et la bravoure dont ils ont fait preuve en servant leur pays les marquent déjà du sceau de l’excellence. Ce sera un honneur pour notre pays de les accueillir en 2025, et je suis persuadée que tous les sénateurs leur souhaitent, tout comme moi, la meilleure des chances pendant qu’ils s’entraînent et se préparent pour ces jeux.

Je vous remercie. Meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de John Philpott et de Sam Dugestani. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Ravalia.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La cérémonie de reconnaissance pour les jalons de service du Sénat

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs et sénatrices, vendredi dernier, pour la première fois depuis la pandémie, les Ressources humaines du Sénat ont remis des certificats méritoires. Plusieurs sénateurs ont assisté à l’événement dont notre Président George Furey, notre greffier Gérald Lafrenière, ainsi que Pascale Legault et Philippe Hallée.

[Traduction]

C’est un exploit digne de reconnaissance que de se consacrer autant au service public. On a décerné des prix à 130 employés du Sénat, de nos bureaux et de l’Administration du Sénat, pour leurs 10, 15, 20, 30 et 40 années de service. Je ne pourrais pas nommer tout le monde dans le temps de parole dont je dispose, mais j’aimerais féliciter les employés du Sénat que nous voyons chaque jour, ainsi que ceux à qui nous demandons conseil.

(1410)

Je pense par exemple à l’huissier du bâton noir, Greg Peters, qui cumule 40 ans de service au total; au légiste et conseiller parlementaire, Philippe Hallée, 30 ans de service; à Till Heyde, 25 ans de service; à Jodi Turner; 20 ans de service; à Adam Thompson, 20 ans de service; et à Shaila Anwar, 15 ans de service.

C’est le cœur rempli de gratitude que je tiens à vous remercier aujourd’hui de votre excellent travail, de votre dévouement pour notre institution et de tout ce que vous faites pour notre grand pays.

Chers collègues, la plupart des 130 valeureux employés qui ont été honorés, nous ne les voyons pas, car ils travaillent dans l’ombre, que ce soit au service informatique, aux finances, au service responsable des procès-verbaux, au service à la clientèle, au courrier, à l’impression, à la planification, au nettoyage et j’en passe. Je crois m’exprimer au nom de tous mes collègues quand je dis que notre travail serait impossible sans vous et sans le soutien exceptionnel que vous nous fournissez tous les jours et — plus souvent qu’on le voudrait — certains soirs aussi.

Si les sénateurs sont le visage du Sénat, les adjoints politiques en sont le cerveau et l’âme, qui font de notre assemblée la Chambre de second examen objectif qu’elle est. Les connaissances institutionnelles, le jugement hors pair, l’intuition affûtée et le soutien indéfectible de nos employés sont la force qui nous permet d’avancer, nous et notre institution.

À tous les membres du personnel, merci de votre excellent travail et de votre dévouement, car c’est grâce à vous s’il fait bon travailler au Sénat. C’est d’ailleurs un plaisir de vous côtoyer. Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le Jour de la Terre

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en cette Chambre pour soulever l’importance du Jour de la Terre, célébré le 22 avril dernier. Plus de 50 ans se sont écoulés depuis le premier Jour de la Terre, et pourtant, les neuf limites planétaires nécessaires à notre survie sont confrontées à des menaces sans précédent. Nous avons déjà dépassé la limite sécuritaire pour quatre d’entre elles, notamment la perte de biodiversité et les changements climatiques.

Nous ne pouvons plus nous permettre de retarder l’action. Le Canada, comme le reste du monde, doit prendre des mesures audacieuses pour faire face à la crise climatique. En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité d’agir, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les générations futures.

Nous devons adopter une nouvelle approche économique qui est durable, juste et équitable. Nous devons opérer une transition vers un avenir à faibles émissions de carbone, tout en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte. Cela signifie qu’il faut investir dans des technologies et des infrastructures propres et résilientes, et assurer une transition juste pour les travailleurs et les communautés.

[Traduction]

Les institutions financières doivent jouer un rôle de catalyseur en fournissant les fonds nécessaires à cette transition. Nous avons besoin d’un secteur financier qui s’aligne sur les objectifs de l’Accord de Paris et qui intègre les perturbations climatiques dans les processus de prise de décision. Nous serons ainsi plus compétitifs par rapport à d’autres territoires comme l’Europe et les États-Unis, qui ont déjà modernisé leurs cadres réglementaires.

Même les banques multilatérales comme la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et la Banque asiatique de développement alignent déjà leurs activités sur l’Accord de Paris.

Nous devons également reconnaître l’importance de la protection de la nature, de la biodiversité et des écosystèmes qui assurent le maintien de la vie sur terre et qui représentent plus de 80 % de notre PIB. Pour ce faire, il faut préserver et restaurer les sols, réduire la pollution et protéger les océans et les forêts.

Chers collègues, la crise climatique est le plus grand défi de notre époque. Elle nécessitera une transformation sans précédent. Elle nous fera sortir de notre zone de confort, certes, mais nous donnera aussi l’occasion de nous rassembler pour construire un avenir meilleur. Profitons de cette Journée de la Terre pour réaffirmer notre engagement à protéger notre planète et à travailler ensemble en vue d’un avenir durable pour tous.

Merci, meegwetch.


PÉRIODE DES QUESTIONS

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd’hui l’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités, pour lui poser des questions concernant ses responsabilités ministérielles.

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, les sénateurs ne sont pas tenus de se lever. Les questions sont limitées à une durée d’une minute et les réponses à une durée d’une minute et demie. Le greffier lecteur se lèvera 10 secondes avant l’expiration de ces délais. La période des questions sera d’une durée d’une heure.

Le ministère des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités

Le mandat du rapporteur spécial indépendant

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Bienvenue, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, le rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère dont le poste a été créé par le premier ministre est resté silencieux depuis sa nomination le 15 mars.

Évidemment, c’est précisément ce que souhaitait le premier ministre en nommant à ce poste un vieil ami de la famille, qui est également un voisin et un membre de la Fondation Trudeau. Le mandat du rapporteur spécial, une fonction que vient de créer le premier ministre, consiste à « fournir des rapports sur une base continue ». Monsieur le ministre, songez à toutes les sérieuses révélations d’ingérence du régime de Pékin dans les affaires canadiennes qui ont été rapportées au cours des six dernières semaines. De toute évidence, une enquête publique s’impose, mais le rapporteur spécial ne s’est pas prononcé à ce sujet.

Monsieur le ministre, quelles communications ont eu lieu entre le rapporteur spécial et votre gouvernement depuis le 15 mars? Des rapports ou des recommandations vous ont-ils été présentés? Le rapporteur spécial a-t-il interrogé des ministres ou des membres de leur personnel?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Votre Honneur, il va sans dire que je répondrai à la question du sénateur Plett par votre entremise. J’espère que vous me permettrez de m’écarter du sujet quelques instants étant donné que c’est peut-être la dernière fois que j’ai le privilège d’être invité dans cette enceinte alors que vous y occupez la présidence. Le sénateur Furey et moi sommes amis depuis plus de 30 ans, et je n’ai que 55 ans. Le sénateur Furey a été pour moi un mentor politique et un bon ami, et nos familles se sont également liées d’amitié. Votre Honneur, au moment où vous vous apprêtez à quitter le Sénat, je tenais à souligner les remarquables services que vous avez rendus au Canada et à affirmer que ce fut pour moi un privilège de travailler avec vous et de voir pour la première fois un représentant de Terre-Neuve-et-Labrador présider une des institutions parlementaires canadiennes. Je vous souhaite une retraite bien remplie et heureuse sous le signe de la santé.

Des voix : Bravo!

M. LeBlanc : Votre Honneur, si vous me le permettez, j’aimerais répondre à l’excellente question du sénateur Plett. Les honorables sénateurs ne seront pas surpris d’apprendre que je ne corrobore pas toutes les facettes de cette question. Dire que l’ancien gouverneur général, qui a servi honorablement notre pays au sein d’un grand nombre d’établissements d’enseignement et d’institutions publiques, est uniquement un ami de la famille du premier ministre dévalue son service et son intégrité. Ce sera aux Canadiens d’en juger.

Le rapporteur s’est dévoué à la tâche. J’ai discuté à plus d’une occasion avec les fonctionnaires et les conseillers qui l’appuient. D’ailleurs, je le rencontrerai dans le cadre d’une réunion avec d’autres collègues du Cabinet au cours des prochains jours. Je sais aussi qu’il a déjà rencontré des hauts fonctionnaires. Comme le premier ministre l’a ouvertement souligné au moment de sa nomination pour exécuter cet important mandat, le rapporteur spécial présentera un rapport aux Canadiens dans les prochaines semaines pour établir s’il est utile de mener une enquête plus approfondie, publique ou autre, afin de les rassurer sur leurs institutions démocratiques. Il s’agira d’un effort soutenu et nous nous attendons à ce qu’il agisse de manière transparente et ouverte à l’égard des Canadiens au cours des semaines et des mois à venir.

Pour terminer, j’espère que les sénateurs ont remarqué que le mandat du rapporteur spécial est délibérément large et inclusif. Cela permettra au très honorable David Johnston de s’appuyer sur les éléments de preuve et de faire ce qu’il jugera nécessaire pour offrir les meilleurs conseils possible au gouvernement et aux Canadiens.

(1420)

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, toujours selon les paramètres du mandat, le rapporteur est autorisé à « recevoir les observations écrites sur ces questions de la part des personnes concernées ». J’espère que figurent, parmi les « personnes concernées », les dénonciateurs, les candidats qui ont été la cible de l’ingérence de Pékin et les Canadiens qui ont été harcelés ou intimidés par le Parti communiste chinois ici même au Canada. Cela dit, monsieur le ministre, on ne fournit pas d’adresse postale ni d’adresse courriel où il serait possible d’envoyer ces observations écrites.

Monsieur le ministre, savez-vous comment les « personnes concernées » peuvent communiquer avec le rapporteur spécial du premier ministre?

M. LeBlanc : Je transmettrai avec plaisir la réponse aux sénateurs en passant par votre intermédiaire, Votre Honneur, ou par le greffier.

Il a communiqué avec moi et nous avons eu une bonne discussion. D’un côté, comme il s’agit d’un rôle indépendant, le gouvernement ne peut pas prescrire de qui le rapporteur devrait recevoir des renseignements ni de quelle manière. D’un autre côté, il est important que les Canadiens, notamment ceux qu’a mentionnés le sénateur Plett, aient une façon de communiquer avec le très honorable David Johnston et de lui fournir des avis et des renseignements. Je transmettrai donc au Bureau du Conseil privé votre excellente question : je lui demanderai comment les gens peuvent transmettre au rapporteur spécial leurs avis et leurs observations, qui touchent à une partie cruciale de son travail. Je verrai aussi à ce que la réponse soit transmise aux sénateurs.

La Banque de l’infrastructure du Canada

L’honorable Elizabeth Marshall : Bienvenue au Sénat du Canada, monsieur le ministre.

Tout juste avant la création de la Banque de l’infrastructure du Canada, en 2017, votre gouvernement nous avait dit qu’elle allait attirer de 4 à 5 dollars d’investissements privés par dollar de fonds publics. Comme vous le savez, ce n’est pas ce qui s’est produit, loin de là. Lors de son témoignage devant le Comité sénatorial des finances nationales, en février, le président-directeur général de la Banque de l’infrastructure du Canada nous a dit que, selon lui, il faudrait encore des dizaines d’années avant d’atteindre le ratio de 4 pour 1.

Lors de votre comparution devant un comité de la Chambre, en février 2022, vous avez admis être insatisfait que la banque ne réussisse pas à susciter davantage d’investissements privés. Puisque vous étiez insatisfait, monsieur le ministre, avez-vous demandé à la banque quand elle prévoit atteindre le ratio de 4 pour 1? Si oui, que vous a-t-on répondu? Sinon, pourquoi ne l’avez-vous pas fait?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie, madame la sénatrice. Bien sûr que je leur ai posé la question. J’ai eu une longue réunion mardi dernier avec le président-directeur général de la Banque de l’infrastructure et la présidente de son conseil d’administration, Tamara Vrooman, et c’est exactement le genre de sujets que nous avons abordés.

Je suis aussi déçu que tous ceux qui déplorent le fait que la Banque de l’infrastructure n’atteigne pas le rendement attendu — vous avez tout à fait raison là-dessus, madame la sénatrice — dans le budget où figurait cette décision. Les ratios escomptés n’ont pas encore été atteints.

Je crois que la banque, et je l’ai dit publiquement, a dû surmonter plusieurs obstacles. Il lui a fallu du temps avant de trouver son erre d’aller et de prendre son essor. Selon ce que j’entends de la part des premiers ministres des provinces, des maires et du secteur de l’énergie, le financement qu’elle offre gagne en accessibilité, en disponibilité et en visibilité, mais je crois qu’il y a encore du chemin à faire. J’en ai parlé aux gens de la banque.

Je trouve malgré tout encourageant qu’elle ait réussi à attirer quasiment 9,7 milliards de dollars en investissements privés et institutionnels et que 46 projets soient en cours.

Les choses ne vont jamais assez vite. Bon nombre de ces projets s’étendent sur des années et nécessitent énormément de travail préparatoire. Quoi qu’il en soit, je partage l’avis des Canadiens qui estiment que la Banque de l’infrastructure du Canada est un instrument d’investissement intéressant, mais qu’elle doit prendre son essor plus rapidement et le faire plus visiblement.

Je vais continuer de travailler avec les gens de la Banque de l’infrastructure. Si tout va bien, nous allons nommer de nouveaux directeurs d’ici quelques semaines, et c’est le message que je vais leur transmettre.

[Français]

La collaboration avec les provinces et les territoires

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Bienvenue, monsieur le ministre.

Je m’intéresse aux affaires fédérales-provinciales, aux affaires intergouvernementales qui sont dans votre portefeuille. Je constate que la pandémie a forcé les gouvernements de tous les ordres, dans un contexte d’urgence, à s’entendre pour le bien commun des citoyens et à s’entendre dans le respect des compétences.

J’aimerais connaître votre vision pour la suite des choses. Est-ce qu’on peut miser sur les acquis, sur le plan des relations fédérales‑provinciales, que cette pandémie nous a apportés? Quelle est votre vision des prochaines étapes pour négocier les dossiers les plus prioritaires dans le respect des compétences, et ce, de manière efficace?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie, monsieur le président, et merci pour la question.

Vous avez absolument raison. La crise sanitaire de la COVID a fait en sorte que tous les ordres de gouvernement ont agi d’une façon collaborative que nous n’avions jamais vue. C’était dans l’intérêt supérieur des Canadiens.

Je pense que c’est un exercice, en matière de fédéralisme canadien, qui a fonctionné. À un moment donné, j’ai assisté avec le premier ministre Trudeau aux téléconférences hebdomadaires avec les premiers ministres des provinces et des territoires.

Vous avez aussi absolument raison de le dire, cela fait en sorte que le gouvernement fédéral est devenu le banquier de toutes sortes de programmes qui autrefois, auraient été bel et bien et probablement de compétence provinciale. Je constate cela dans mon travail de député. Les Canadiens voient de plus en plus — et je pense, pas tout à fait avec raison — le gouvernement fédéral comme une Cour d’appel pour les décisions des provinces qui sont pourtant de leur juridiction et leurs compétences constitutionnelles. Je m’inquiète pour ce qui est de rétablir la bonne façon de faire, et évidemment, d’une façon de travailler de façon collaborative avec mes homologues des provinces et des territoires.

Je reconnais cependant que c’est plus difficile de retourner en arrière. Les Canadiens s’attendent à ce que nous travaillions ensemble, y compris en ce qui concerne les garderies, les projets d’infrastructure, la lutte contre les changements climatiques. Il y a de plus en plus d’appétit à travailler ensemble.

Les postes vacants au Sénat

L’honorable René Cormier : Bonjour, monsieur le ministre. Bienvenue au Sénat.

Monsieur le ministre, considérant que la Constitution garantit une représentation équitable des régions au Sénat et que vous avez vous-même affirmé dans cette enceinte qu’il est primordial de bien représenter les communautés linguistiques en situation minoritaire dans les nominations sénatoriales;

Considérant aussi qu’il existerait une convention constitutionnelle voulant que les communautés francophones et acadiennes aient droit à une représentation au Sénat;

Considérant que la spécificité constitutionnelle du Nouveau-Brunswick relativement aux droits linguistiques et tenant compte aussi des inégalités économiques et sociales entre le nord et le sud de notre province;

Considérant enfin que le siège du sénateur acadien Paul McIntyre, retraité depuis 2019, n’a pas été pourvu, privant les régions du Restigouche et de Chaleur, au nord du Nouveau-Brunswick, d’une représentation dans la Chambre haute;

Quand le premier ministre entend-il recommander à la gouverneure générale du Canada la nomination d’une sénatrice ou d’un sénateur francophone issus du nord du Nouveau-Brunswick, qui sera en mesure de donner voix aux intérêts de cette région?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie, sénateur Cormier, pour votre question. Je salue aussi le travail que vous faites pour les minorités francophones du pays, surtout pour nos chers compatriotes acadiens, dans le cadre de votre service, ici, à la Chambre haute. Je partage entièrement votre inquiétude quant à la représentation des groupes minoritaires ici, au Sénat.

Je crois que nous sommes à la veille de faire des nominations et j’espère que vous serez très content des décisions que le premier ministre prendra. Je ne veux pas parler, évidemment, j’ai appris qu’en politique, on ne parle pas facilement au nom de son patron, on le laisse parler par la voie de ses nominations. D’après mes discussions avec lui, il est tout à fait sensible à ce que vous avez avancé en matière de principes constitutionnels.

Pour ce qui est de la question géographique de notre province, on pourrait en discuter longuement aussi. Je pense que l’équilibre linguistique est important. On peut peut-être trouver différentes façons d’ajuster la géographie, la spécificité géographique. On verra, ultimement, dans les nominations que le premier ministre va annoncer. Je comprends l’urgence d’agir. Je ne suis pas en train de dire qu’on devrait prendre du retard, mais la question linguistique est importante et peut-être qu’on aura ultimement un petit désaccord sur la géographie, mais on verra bien lorsque les nominations seront bel et bien annoncées.

[Traduction]

L’infrastructure du Canada

L’honorable Jim Quinn : Bonjour, monsieur le ministre. Ma question porte sur le projet d’adaptation aux changements climatiques de l’isthme de Chignecto. Par le passé, le gouvernement fédéral a pris en charge 100 % des coûts d’investissement pour les digues et les barrages dans la région de Tantramar, en vertu de la loi de 1948 sur la réhabilitation des marais maritimes.

(1430)

Le Parlement du Canada peut user du pouvoir déclaratoire pour décréter que le gouvernement fédéral assumera la responsabilité de travaux qui sont à l’avantage général du Canada. Il s’agit d’un corridor commercial et d’une infrastructure de transport qui sont vitaux et qui profitent à l’économie nationale. Le nouveau pont Champlain, bien que situé uniquement au Québec, a été déclaré à l’avantage général du Canada, et le gouvernement fédéral paie la totalité des 4,2 milliards de dollars que coûte le pont et non la moitié, et il y a d’autres exemples.

Les premiers ministres du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse vous ont écrit le 14 mars pour demander au gouvernement fédéral de financer entièrement le projet de l’isthme de Chignecto dans le cadre de ses obligations constitutionnelles. En tant que Néo‑Brunswickois et membre clé du Cabinet fédéral, allez-vous promouvoir et soutenir la demande du premier ministre de financer à 100 % le projet de l’isthme de Chignecto?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie de votre question, sénateur Quinn, et du travail que vous faites au Sénat pour notre province. Vous avez raison de dire que ce projet d’infrastructure est une priorité nationale. Il y a quelques mois, j’ai entamé une conversation pour proposer une contribution de 50 %, éventuellement par l’intermédiaire d’un fonds d’atténuation des catastrophes et d’adaptation au sein du ministère de l’Infrastructure. Vous ne serez pas surpris d’apprendre que les premiers ministres provinciaux ont répondu qu’ils souhaitaient un financement à hauteur de 100 %.

Pour répondre à la question de votre collègue sur les conflits de compétence entre le fédéral et les provinces, les provinces n’hésitent pas à envoyer la facture à Ottawa immédiatement. La pandémie leur a donné l’occasion de continuer à attendre que le gouvernement fédéral... Certaines de ces provinces, dont la nôtre, soit dit en passant, critiquent le gouvernement du Canada pour son déficit, mais, en même temps, elles enregistrent des surplus budgétaires et elles continuent à nous envoyer leurs factures. Je pense que nous devons faire preuve d’une certaine cohérence dans notre façon de gérer les réalités financières du gouvernement du Canada et de nos partenaires provinciaux et territoriaux. Les gouvernements provinciaux bénéficient de surplus considérables alors que le gouvernement fédéral accuse des déficits de plusieurs milliards de dollars. Je pense qu’une contribution de 50 % à ce qui est aussi un projet d’infrastructure municipale pour les villes de Sackville, au Nouveau-Brunswick, et d’Amherst, en Nouvelle-Écosse, est adéquate. Je suis convaincu que nous pouvons trouver un moyen d’y parvenir.

J’ai répondu aux provinces que leur exemple du pont de la Confédération n’était pas le bon. Cela dit, monsieur le sénateur, j’examinerai de plus près la question du pouvoir déclaratoire que vous avez mentionné. Je pense que c’est un angle intéressant, auquel je n’avais franchement pas pensé. Je demanderai au ministère de la Justice de m’aider à examiner cette question.

Les postes vacants au Sénat

L’honorable Jane Cordy : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Ma question fait suite à celle du sénateur Cormier. Monsieur le ministre, le principe fondateur de la Confédération repose sur une représentation adéquate de toutes les régions au sein du gouvernement. La représentation de la population à la Chambre des communes était équilibrée par la représentation régionale au Sénat du Canada. En fait, monsieur le ministre, les historiens ont dit que, sans la représentation régionale au Sénat, la Confédération n’aurait pas été créée en 1867. Malheureusement, ces principes ont été de plus en plus ignorés au cours des six dernières années. Le Sénat compte actuellement 16 sièges vacants et il en comptera deux de plus dans les prochaines semaines.

Je vais vous interroger aujourd’hui sur la région de l’Atlantique. Monsieur le ministre, trois sièges au Sénat pour le Nouveau-Brunswick sont vacants, ce qui signifie que 30 % des sièges pour la province sont vacants. Trois sièges sont vacants pour la Nouvelle-Écosse, ce qui signifie que 30 % des sièges pour la province sont vacants. Pour l’Île-du-Prince-Édouard, 50 % de la province n’est pas représentée, car deux sièges sur quatre sont vacants. De surcroît, un tiers des sièges pour Terre-Neuve-et-Labrador deviendront vacants dans les prochaines semaines. Ainsi, un siège sur trois au Sénat pour les régions de l’Atlantique sera vacant, et certains le sont depuis plus de trois ans.

Monsieur le ministre, quand le premier ministre rétablira-t-il la représentation régionale au Sénat et pourvoira-t-il ces sièges vacants? Une telle situation serait inacceptable à la Chambre des communes et elle devrait l’être aussi au Sénat.

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Sénatrice Cordy, je vous remercie de la question et de soulever à l’égard de ces postes vacants des préoccupations compréhensibles et raisonnables. En tant que Canadien de l’Atlantique, je crois, comme vous, que notre région est importante, mais on peut en dire autant des autres régions. Je souscris entièrement à votre analyse quant aux exigences de la Confédération et au rôle que le Sénat doit jouer pour représenter les régions et ainsi faire contrepoids à la Chambre où je siège, qui assure une représentation en fonction de la population des provinces. C’est un exemple de dossier où nous devons agir rapidement, madame la sénatrice.

Comme je l’ai dit, je suis convaincu que, dans les prochaines semaines, voire les prochains jours, vous recevrez de bonnes nouvelles concernant des collègues que vous aurez le plaisir d’accueillir au Sénat. Compte tenu de certaines conversations que j’ai eues, je peux dire que je suis emballé par les femmes et les hommes compétents qui souhaitent travailler avec vous au Sénat et qui ont présenté leur candidature dans le cadre d’un processus transparent auquel bon nombre d’entre vous ont aussi participé. Par ailleurs, sénatrice Cordy, d’après ce que j’ai entendu de la part des fonctionnaires du Bureau du Conseil privé responsables de ce processus, je crois comprendre qu’à certains égards, nous sommes victimes de notre succès. Dans ma province, des dizaines de personnes très qualifiées ont offert leurs services.

Nous avons dû attendre plus longtemps qu’il ne le faudrait pour recevoir comme il se doit l’avis de ces groupes consultatifs, mais la bonne nouvelle, c’est que je pense que le processus tire à sa fin, et les bonnes nouvelles arriveront très bientôt.

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Judith G. Seidman : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. Comme vous le savez sans doute, nous sommes en train d’étudier le projet de loi C-22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Beaucoup d’intervenants nous ont dit qu’ils craignent que les provinces et les territoires ne réduisent les prestations et les mesures d’aide que les personnes handicapées reçoivent en ce moment quand celles-ci commenceront à recevoir cette prestation.

La ministre Qualtrough a dit ceci au comité :

Les critères d’admissibilité diffèrent d’une province et d’un territoire à l’autre. Il existe différentes définitions de handicap, différents traitements des autres revenus, différents taux de réduction, etc.

En tant que ministre des Affaires intergouvernementales, avez‑vous participé à des discussions avec les provinces et les territoires concernant la prestation canadienne pour les personnes handicapées? Y a-t-il moyen de veiller à ce qu’il y ait une collaboration avec les provinces et les territoires afin qu’ils concluent rapidement des ententes et, surtout, qu’il n’y ait pas de réduction des prestations? Merci.

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Je partage entièrement votre inquiétude quant à ce qui pourrait être une aide très importante et innovante pour certains des Canadiens les plus vulnérables, ceux qui vivent avec un handicap.

Lorsque ma collègue la ministre Qualtrough, que vous avez mentionnée, parle au caucus et lors de nos réunions du Cabinet de la situation économique et sociale d’un grand nombre de ces personnes qui ont besoin de cette aide supplémentaire, il nous incombe à tous — et j’applaudis le travail que cette Chambre fait elle aussi — de penser aux façons dont nous pouvons soutenir ces personnes de la meilleure manière possible. Il s’agit d’un pas important dans la bonne direction, mais il serait pervers, comme vous l’avez noté, qu’au même moment, les provinces et les territoires réduisent leur propre soutien ou accompagnent ce que nous espérons être un soutien fédéral supplémentaire par une réduction correspondante des mesures d’aide provinciales.

Quant à votre question sur mes discussions avec Mme Qualtrough, la réponse est oui. Lors de nos discussions avec nos collègues du Cabinet, y compris avec la ministre des Finances, avons-nous évoqué des moyens qui nous permettraient d’encourager les provinces — pour ne pas dire les « contraindre », ce qui, bien sûr, serait inapproprié — à se joindre à nous dans cet effort pour mieux soutenir ces personnes? Je suis encouragé par ces discussions, notamment celles qui ont été tenues avec de grandes provinces comme l’Ontario et d’autres. Je pense que nous y parviendrons, mais, vous avez raison, nous devons rester très concentrés sur cette question.

[Français]

L’aéroport régional de Bathurst

L’honorable Rose-May Poirier : Bonjour, monsieur le ministre. Bienvenue au Sénat et merci d’être parmi nous cet après-midi.

Ma question porte sur la situation de l’aéroport régional de Bathurst.

Comme vous le savez, l’aéroport de Bathurst risque de fermer ses portes si aucune aide financière d’environ 1 million de dollars n’est accordée. Avant la pandémie, l’aéroport de Bathurst allait bien et avait des plans ambitieux pour l’avenir, mais depuis, c’est une question de survie.

Cet aéroport est un moteur économique pour la région. Il est essentiel que l’aéroport de Bathurst demeure ouvert pour le nord du Nouveau-Brunswick.

Comme ministre des Affaires gouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités originaire du Nouveau-Brunswick, pouvez-vous nous indiquer si le gouvernement fédéral a l’intention d’aider l’aéroport de Bathurst avant qu’il soit trop tard?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Merci pour la question, sénatrice. Je suis heureux de vous voir en bonne forme parmi nous aujourd’hui.

Je peux vous assurer que nous sommes tout à fait au courant de l’importance économique de l’aéroport de Bathurst. Mon collègue le député Serge Cormier nous en parle souvent. J’ai eu des discussions avec lui et ma collègue la ministre Ginette Petitpas Taylor à ce sujet, il y a quelques semaines.

(1440)

Comme vous le savez, notre gouvernement, pendant la pandémie de la COVID, a été très généreux à l’égard des aéroports, comme il se devait et comme il fallait le faire pour veiller à ce qu’une fois que la pandémie serait derrière nous, cette infrastructure essentielle ne soit pas incapable de fonctionner.

Il y a des défis en ce qui concerne les services aériens dans notre région, et je ne suis pas économiste en la matière, mais une partie de ces défis est liée à la pandémie, alors qu’une autre est liée au déclin de l’offre de service régional des compagnies aériennes — de plusieurs compagnies aériennes.

J’ai rencontré un des vice-présidents d’Air Canada récemment, à la Chambre de commerce du Canada. C’est un grand défi dans toutes les régions du Canada, tant dans les régions du Québec que chez nous. Oui, on essaiera de travailler avec l’aéroport régional de Bathurst pour ne pas perdre cette infrastructure, mais c’est un double problème, parce qu’il faut le restaurer et trouver une façon d’inciter des compagnies aériennes à occuper les places disponibles dans les aéroports. Si l’on maintient l’aéroport, mais que l’on n’a pas de services aériens, ce n’est pas mieux.

On va continuer de faire le nécessaire pour y arriver.

Le tunnel Québec-Lévis

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Monsieur LeBlanc, vous êtes à la fois ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités, vous êtes donc directement concerné par le fameux projet du troisième lien, à Québec.

Le gouvernement du Québec vient d’annoncer qu’il abandonnait l’idée d’un lien autoroutier à la faveur d’un tunnel réservé au transport collectif. On sait encore bien peu de choses de ce projet, on ne connaît pas le tracé, le mode de transport, l’achalandage, ni l’évaluation des coûts. Pour être franche, on ne sait même pas si la Coalition avenir Québec va aller de l’avant.

Je sais que c’est impossible pour vous de dire si le gouvernement fédéral financera ou non ce projet hypothétique, mais pourriez-vous préciser quels critères seront considérés par votre gouvernement? En particulier, comment la question de l’acceptabilité sociale sera‑t‑elle évaluée?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Je comprends entièrement la façon dont vous avez décrit les différentes versions d’un projet qui existe en théorie depuis plusieurs années déjà. Il n’y a pas de doute que la décision du gouvernement du Québec annoncée récemment, d’aller vers un projet qui sera uniquement réservé au transport collectif, offre des occasions potentielles pour un financement fédéral qui n’existerait pas si facilement s’il s’agissait du prolongement d’une autoroute provinciale.

Comme vous le dites, il n’y a pas de projet précis qui a été déposé; les effets environnementaux doivent être étudiés. Cela constitue un mégaprojet sur le plan financier. Mes collègues de la ville de Québec nous en parlent souvent au caucus et dans le cas de M. Duclos, au Conseil des ministres.

Nous allons attendre de voir si un projet est ultimement déposé et nous allons veiller, comme vous l’avez bien dit, à ce que l’acceptabilité sociale soit évaluée, tant à l’échelle municipale qu’à l’échelle provinciale.

Cependant, je dois le préciser, nous avons avec le gouvernement du Québec une collaboration, pour ce genre de projets, qui est très encourageante; qu’il s’agisse du tramway de Québec ou de la ligne rose à Montréal. Nous avons beaucoup de collaboration et beaucoup de discussions en ce qui a trait aux priorités.

[Traduction]

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Frances Lankin : Bienvenue, monsieur le ministre. Je vais donner suite à la question de la sénatrice Seidman à propos du projet de loi C-22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, et vous demander de compléter les commentaires que vous avez faits. Vous avez dit que de contraindre les provinces — à ne pas récupérer des sommes — serait inapproprié.

Je sais que vous jouez un peu sur les mots et je suis consciente que nous voulons une coopération fédérale-provinciale, mais je vais vous dire ce qui était inapproprié. Dans la province que je représente, lorsque je siégeais à l’Assemblée législative de l’Ontario, un certain gouvernement a réduit les prestations d’aide sociale de plus de 20 %, ce qui a fait basculer les bénéficiaires sous le seuil de la pauvreté. Voilà qui était inapproprié. J’ai vu la mise en place, l’annulation et le rétablissement de toute une série de mesures de recouvrement dans les provinces et les territoires du pays.

C’est une véritable source d’inquiétude. Si nous passons à des prestations fédérales qui finissent par être récupérées par les provinces, la situation des gens que nous tentons d’aider ne s’améliore pas. Je me demande s’il est possible d’aller plus loin que la persuasion douce. Avez-vous le pouvoir, par exemple, d’en faire une condition des transferts en santé...

Son Honneur le Président : Sénatrice Lankin, votre temps de parole est écoulé.

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Je ne veux pas prétendre que nous mettrons en jeu les accords en matière de santé que nous venons de négocier avec les provinces, alors que nous cherchons à collaborer avec les provinces, comme je l’ai dit dans ma réponse à votre collègue, sur l’aide à offrir aux Canadiens les plus vulnérables. J’ai évidemment pris acte de la façon dont certains gouvernements provinciaux et territoriaux du pays ont utilisé leur budget des services sociaux lorsque leurs citoyens avaient grandement besoin de cette aide.

Nous demeurons optimistes. Certes, ma collègue Carla Qualtrough dispose d’enveloppes budgétaires pour la formation, par exemple. Le gouvernement du Canada transfère des milliards de dollars aux provinces aux fins de formation. Il s’agit d’une mesure active. Je pense que cet argent provient en grande partie du Compte d’assurance-emploi, mais c’est un outil que nous employons pour aider les gouvernements provinciaux et territoriaux dans le perfectionnement de la main-d’œuvre.

Il y a tant de façons dont nous pouvons collaborer avec les provinces. Je ne prévois pas que nous nous retrouverons dans une situation où un gouvernement provincial souhaiterait, de manière perverse, réduire l’aide que j’espère que le Parlement du Canada désirera accorder à ces personnes vulnérables. Nous partons d’une position positive et optimiste, mais nous ne sommes pas naïfs : nous savons que nous aurons peut-être besoin des outils appropriés au moment opportun. Je suis encouragé, du moins pour l’instant, par le désir des provinces de collaborer avec nous. Nous tenterons de maintenir ce climat de bonne entente.

L’entretien des infrastructures internationales

L’honorable Jim Quinn : Monsieur le ministre, contrairement à l’Ontario et au Québec, le Nouveau-Brunswick est responsable à un degré inégal de l’entretien des ponts internationaux qui relèvent de la compétence fédérale. Le Nouveau-Brunswick assume 100 % des coûts pour les 10 ponts internationaux de la province, et le Nouveau-Brunswick compte plus de ponts internationaux que toute autre province.

En 1990, le gouvernement fédéral a transféré la propriété et l’entretien de cinq de ces ponts entre le Maine et le Nouveau-Brunswick au gouvernement du Nouveau-Brunswick, qui a également reçu un paiement unique de 5 millions de dollars. Avec le recul, il s’agissait d’une très mauvaise affaire pour la province, mais, comme nous le savons tous, certains gouvernements ont annulé et modifié de mauvais accords par le passé.

Pour mettre les choses en perspective, l’Ontario et le Québec réunis ne sont responsables que de 3 de leurs 16 ponts internationaux. Aujourd’hui, le gouvernement fédéral assume 100 % du coût des tronçons canadien et américain du pont international Gordie-Howe de Windsor.

En tant que Néo-Brunswickois, n’êtes-vous pas d’accord pour dire que le soutien fédéral aux ponts internationaux du Nouveau-Brunswick devrait être réévalué par souci d’équité?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie encore une fois, sénateur Quinn, de votre question pertinente, qui est importante pour notre province, le Nouveau-Brunswick. Mon ministère est responsable de l’Autorité du pont Windsor-Detroit en ce qui concerne la construction du mégaprojet qu’est le pont international Gordie-Howe. Ce projet a connu beaucoup d’embûches. Il pourrait bientôt devenir un exemple de réussite internationale, mais ce mégaprojet ne se compare pas aux ponts dont vous parlez, dans notre province.

En 1990, c’est le gouvernement provincial de Frank McKenna et le gouvernement fédéral du très honorable Brian Mulroney qui ont pris cette décision. C’est ce qu’on a vu un peu partout, dans les ports pour petits bateaux. Le gouvernement fédéral, et le gouvernement libéral suivant — le ministre Doug Young, de notre province — ont fait croire qu’il était préférable, pour une somme qui paraissait considérable à l’époque, de transférer la responsabilité d’une série d’infrastructures publiques aux autorités locales et à des groupes communautaires. Mais comme vous le savez, sénateur Quinn, puisque vous avez été haut fonctionnaire responsable du port de Saint John, 30 ans plus tard, ô surprise, on se rend compte que ces fonds ne sont pas garants de l’avenir.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne m’a pas encore présenté de demande en ce sens. Cela dit, je suis convaincu que le premier ministre Blaine Higgs m’enverra très bientôt une lettre. Il n’hésite jamais à écrire au gouvernement du Canada pour lui faire part des différentes façons dont l’argent fédéral pourrait être dépensé au Nouveau-Brunswick.

(1450)

Si c’est le cas, je la lirai attentivement. Comme je le disais plus tôt, je n’y avais pas réfléchi, si ce n’est pour prendre acte des exemples que vous avez donnés, mais depuis des dizaines d’années, les gouvernements ont tous tendance — quelles qu’en soient les couleurs — à laisser les autres ordres de gouvernement s’occuper de ce qui constitue traditionnellement des responsabilités et des actifs fédéraux.

Les postes vacants au Sénat

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Merci de vous être déplacé aujourd’hui, monsieur le ministre. Ma question recoupe celle des sénateurs Cormier et Cordy et porte sur les postes vacants du Sénat, surtout dans la région du Canada atlantique. Je vous remercie de vous être fait encourageant tout à l’heure, mais j’aimerais aller un peu plus loin.

Même si, depuis six ans que je suis ici, nous avons accueilli un certain nombre de sénateurs issus de la diversité, je constate que deux groupes historiquement sous-représentés demeurent à peu près absents du Sénat. Premièrement, notre assemblée ne compte aucun Acadien ou Acadienne de la Nouvelle-Écosse. Il en faut un. Deuxièmement, pour la première fois de l’histoire du Canada, notre institution compte six personnes d’ascendance africaine, mais aucun homme.

Monsieur le ministre, que fait le comité de sélection pour que la candidature des personnes issues de ces groupes historiquement sous-représentés soit prise en compte, surtout si elles viennent du Canada atlantique?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Sénatrice Bernard, je vous remercie de votre question fort pertinente; je souscris entièrement à la prémisse de celle-ci.

Notre processus a, je l’espère, encouragé une grande variété de Canadiens à envisager de servir honorablement les Canadiens au Sénat, y compris des membres des communautés historiquement sous-représentées dans cette enceinte. Cela s’inscrit dans une démarche sociétale élargie à l’échelle du pays vers l’inclusion et la reconnaissance du fait que les institutions évoluent et n’ont pas toujours accueilli le genre de personnes qu’elles aspirent à servir dans ce pays.

Madame la sénatrice, votre nomination est un exemple et ne devrait être que le commencement d’une démarche élargie. Je souscris entièrement à la prémisse de votre question. Étant moi‑même Acadien, je comprends qu’il est important que la communauté acadienne de la Nouvelle-Écosse soit représentée au Sénat. Le sénateur Comeau, que j’aimais beaucoup, s’est acquitté honorablement de ses fonctions et a fait de l’excellent travail pour les gens de la Nouvelle-Écosse et les francophones durant ses années de service au Sénat. J’espère que de bonnes nouvelles en ce sens seront bientôt communiquées à cette assemblée.

Je prends également note de vos observations concernant d’autres groupes pour lesquels nous pourrions encourager une représentation accrue. Soyez assurée que je les transmettrai au premier ministre. Toutefois, vous comprendrez que nous ne donnons aucune directive aux groupes consultatifs indépendants; nous établissons simplement les paramètres généraux, comme vous l’avez si bien dit, madame la sénatrice.

La Banque de l’infrastructure du Canada

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le ministre, au fil des années, j’ai posé un certain nombre de questions au sujet de la Banque de l’infrastructure du Canada. Lors d’une période des questions au Sénat, en février, j’ai posé une question au sujet du secret qui entoure l’examen quinquennal obligatoire, qui est présentement mené sous votre direction. D’après des documents obtenus au moyen d’une demande d’accès à l’information faite par le Syndicat canadien de la fonction publique, vous avez entamé votre examen derrière des portes closes en juin 2022. Depuis, très peu d’informations ont filtré au sujet du processus suivi ou des consultations publiques menées.

Monsieur le ministre, combien de temps a duré la période de consultations publiques qui s’est conclue le 31 mars? Avait-elle commencé le 13 mars, la seule date mentionnée par votre ministère dans Twitter? Si la période avait commencé plus tôt, pourquoi n’y a-t-il pas eu plus de communications à ce sujet? En outre, est-ce que les contrats octroyés par la banque à la société d’experts-conseils McKinsey & Company feront partie de votre examen?

Je n’avais pas obtenu de réponses en février, alors j’espère que vous serez en mesure de nous en donner aujourd’hui. Merci.

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Merci, sénatrice, de votre question.

Vous avez raison, l’examen de la Banque de l’infrastructure du Canada prévu par la loi après cinq ans était dûment prévu par la mesure législative qui a institué la banque. Elle ne prévoyait pas d’examen public de grande envergure. C’est Infrastructure Canada qui devait procéder à cet examen. D’après les mises à jour régulières qui m’ont été faites, cet examen a été approfondi et a donné lieu à certaines interactions — et je me fie à ma mémoire, car je n’ai pas mes notes sous les yeux —, mais c’est un sujet qui a été abordé très récemment avec la sous-ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, le président-directeur général de la Banque de l’infrastructure du Canada et la présidente du conseil d’administration.

Je présenterai au Parlement les résultats de cet examen d’ici la fin juin. Je vous communiquerai, madame la sénatrice, les dates précises du début des consultations publiques. Nous avons reçu des dizaines de mémoires d’instances provinciales, d’instances municipales et de fonds de pension institutionnels, par exemple.

Le taux de participation qui m’a été communiqué est encourageant, et je veillerai à ce que vous obteniez la date précise du début de ces consultations et des renseignements détaillés sur leur accessibilité. Je crois que d’ici deux mois, vous disposerez d’un examen très transparent et, je pense, approfondi, fondé sur les renseignements qui nous ont été transmis, que nous communiquerons, bien entendu, aux parlementaires, et dont nous aurons le plaisir de débattre aux comités concernés, que ce soit au Sénat ou à l’autre endroit.

L’aide aux municipalités

L’honorable Stan Kutcher : Bienvenue, monsieur le ministre. J’ai une question à vous poser au nom de la sénatrice Moodie, qui est malade et ne peut être parmi nous aujourd’hui.

Monsieur le ministre, votre lettre de mandat reconnaît la nécessité de tenir compte des priorités municipales dans le programme fédéral. En effet, les municipalités jouent un rôle important, car elles veillent à ce que les Canadiens aient accès à des services essentiels et à une bonne qualité de vie.

Ministre LeBlanc, qu’est-ce que le gouvernement du Canada est prêt à faire pour soutenir les grandes municipalités — comme Toronto, la ville où vit la sénatrice Moodie — qui peinent actuellement à fournir des services essentiels sans disposer des ressources nécessaires pour le faire? Plus précisément, la sénatrice voudrait une réponse concernant les services sociaux dont les grandes municipalités ont cruellement besoin, comme des soins de santé mentale et des traitements contre la dépendance.

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie de votre question, sénateur Kutcher, ainsi que de l’excellent travail que vous avez fait à titre de clinicien, de professeur et d’ardent défenseur de tout ce qui touche à la santé mentale, aux mieux-être et aux dépendances. Dans notre région, vous êtes une figure incontournable dans ce domaine, et votre présence au Sénat révèle l’importance que l’ensemble des Canadiens accorde à ces questions.

Pour ce qui est de l’aide financière aux municipalités, cette année, le gouvernement fédéral transfère près de 2,4 milliards de dollars des recettes tirées de ce qu’on appelait la taxe sur l’essence, et ce, pratiquement sans condition. Ce transfert n’est plus lié à la taxe d’accise sur le carburant. Il provient du Trésor. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Selon mes discussions avec l’ancien maire de Toronto, ces transferts représentent, je crois, de 400 à 500 millions de dollars pour la Ville de Toronto. Je vais vérifier, parce que je veux vous donner le chiffre exact. Il ne s’agit là que d’un exemple de partenariat direct entre le gouvernement du Canada et les administrations municipales.

Vous comprendrez que les provinces sont aussi jalouses de leurs rapports avec les municipalités, qui ne relèvent pas de l’ordre constitutionnel canadien, mais qui sont issus de lois provinciales. Certaines provinces sont plus chatouilleuses que d’autres sur cette question.

Il est difficile pour le gouvernement du Canada de financer directement un service social offert par une ville. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas créer de partenariats avec les provinces, surtout en ce qui concerne les réfugiés, les gens qui utilisent des services municipaux dans un contexte pouvant relever du fédéral. Je suis aussi au courant de tout ce que vous faites avec ma collègue, la Dre Carolyn Bennett, dans le dossier de la santé mentale et des dépendances. Je crois d’ailleurs que de bonnes nouvelles seront annoncées bientôt à propos de ces priorités.

La protection du saumon de l’Atlantique

L’honorable David Richards : Merci d’être là, monsieur le ministre.

J’aimerais commencer par dire que ma femme et moi avons eu la chance de manger avec votre père à Rideau Hall le soir où j’ai reçu le prix du Gouverneur général dans la catégorie « Essais » pour un livre qui parle de la pêche sur la Miramichi, laquelle, on le sait, a longtemps été considérée comme la meilleure rivière à saumon de l’Atlantique du monde, et je me souviendrai toujours de la bienveillance et de l’extraordinaire gentillesse de cet homme.

Malheureusement, la rivière dont j’ai parlé dans mes écrits n’existe plus, et ce, pour plusieurs raisons, à commencer par la terrible augmentation d’un prédateur, le bar rayé, qui fait des ravages parmi les jeunes salmonidés à l’embouchure de la Miramichi Nord-Ouest, et la croissance incontrôlable de la population de phoques à l’embouchure de la baie Miramichi ou au large d’Escuminac et de Neguac. Ce qui est encore bien pire, c’est la désinvolture et le désintérêt qu’ont affichés tous les ministres des Pêches et des Océans des deux partis.

Il ne s’agit pas d’un simple irritant local, mais d’un problème qui aurait dû soulever des préoccupations à l’échelle nationale. Depuis six ans, je réclame des mesures concrètes pour contenir la population de bar rayé — et même l’abattage sélectif des phoques — afin que le saumon de l’Atlantique puisse survivre, et avec lui le mode de vie des pêcheurs et des Autochtones de notre coin de pays.

(1500)

Je vous invite, pendant qu’il en est encore temps, à défendre cette cause et, si vous le faites, je vous décernerai le titre de Miramichois honoraire, monsieur.

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Merci, sénateur Richards. J’ai eu le privilège de me rendre à Miramichi vendredi pour annoncer un projet d’infrastructure passionnant, un projet fédéral, provincial et municipal de près de 63 millions de dollars concernant un centre de loisirs dans cette grande région de notre province.

Je vous remercie pour vos aimables commentaires sur mon père.

Ma femme a eu le privilège de servir avec votre sœur à la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick, et elles sont devenues de bonnes amies. Elle appréciait beaucoup sa compagnie et ses conseils en tant que juge principale de notre province.

Je partage également votre inquiétude et je l’ai souvent ressentie, non seulement lorsque j’ai été ministre des Pêches et des Océans pendant deux ans, mais aussi par la suite, au sujet des menaces que font peser les prédateurs sur la population de saumon de l’Atlantique. Je ne suis pas un scientifique. J’accepte tout à fait le constat que vous avez dressé.

J’ai reçu à mon bureau de Shediac, le week-end dernier, une lettre de l’Association du saumon de la Miramichi, qui porte précisément sur cette question. Un de mes amis qui siège au conseil d’administration de la Fédération du saumon de l’Atlantique m’en a parlé dimanche après-midi lorsque je l’ai vu à Moncton.

Je ne manquerai pas d’en parler à mes collègues, car il ne s’agit pas seulement d’un problème lié au ministère des Pêches et des Océans; il s’agit d’un problème beaucoup plus vaste, d’ordre économique, environnemental et de gestion des pêches pour notre province. L’importance du saumon de l’Atlantique et les activités que la grande et puissante rivière Miramichi offre non seulement aux Canadiens, mais aussi aux gens du monde entier ont été gravement affectées.

Si vous me le permettez, je vous reviendrai avec des mesures graduelles, spécifiques et améliorées au sujet des phoques et du bar rayé, parce que je suis d’accord avec vous, sénateur, cela doit être une priorité du gouvernement.

[Français]

La collaboration avec les provinces et les territoires

L’honorable Diane Bellemare : Bienvenue chez nous, monsieur le ministre. Je regardais plus tôt votre lettre de mandat. C’est assez incroyable, les défis que vous avez en matière de relations fédérales-provinciales, d’infrastructure et de collectivités. Je me disais que les relations bilatérales avec chacune des provinces et avec les territoires ne me semblent peut-être pas un outil suffisant pour vous acquitter de ces défis dans un contexte économique majeur où il y a des crises imminentes sur le plan du climat, notamment.

Est-ce que vous avez pensé, pour vous aider, à créer un lieu de concertation régulière assez permanent pour le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires et le secteur privé, une espèce de conseil économique et social comme il en existe dans plus de 70 pays dans le monde?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Merci de votre question. Vous avez bien raison : les relations bilatérales entre le Canada, les différentes provinces et les territoires peuvent, à certains moments et dans certains dossiers, être un véhicule pour faire avancer des priorités communes.

J’ai la chance d’avoir personnellement des relations très amicales avec plusieurs des premiers ministres des provinces et des territoires, y compris, par exemple, le premier ministre Ford, de l’Ontario, et le premier ministre Moe, de la Saskatchewan. Ils sont devenus mes amis, si j’ose dire, grâce au travail que j’ai fait avec eux. Cela ne veut pas dire que ces relations sont toujours faciles.

L’idée de créer un forum multilatéral pour les questions que vous avez bien identifiées, et qui ne touchent pas seulement une province en particulier, est très intéressante. Il y a déjà des réunions fédérales-provinciales-territoriales entre ministres de l’Infrastructure, de l’Environnement, des Transports, du Commerce intérieur — comme je l’ai été aussi. Ce sont des occasions de rencontre entre le gouvernement fédéral et ses partenaires de la fédération.

Je trouve fort intéressante cette idée d’une table de concertation avec d’autres partenaires, et pas simplement des partenaires qui représentent des ordres de gouvernement. Ce forum pourrait inclure le secteur privé ou des ONG, par exemple, pour lutter contre les changements climatiques. Je vais en parler avec grand plaisir à mon collègue le ministre Guilbeault et avec d’autres collègues qui ont exactement ce genre de relations plus multilatérales que simplement unidirectionnelles ou bidirectionnelles avec les provinces. Je vous remercie de la question.

[Traduction]

Le mandat du rapporteur spécial indépendant

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, il y a quelques minutes, vous vous êtes engagé à communiquer des informations au sujet du contrat du rapporteur spécial et des paramètres de son mandat. Vous avez accepté de communiquer ces renseignements au Sénat.

Dans le mandat du rapporteur, on peut lire qu’il est question des « personnes concernées ». J’espère, monsieur le ministre, que cette information sera communiquée à la population canadienne. J’aimerais que vous vous engagiez à ce qu’elle le soit, comme le veut la lettre de mandat, parce si cette information n’est pas communiquée, ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu’on aura une fois de plus l’impression qu’il s’agit de manœuvres de dissimulation?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Votre Honneur, vous ne serez pas surpris d’apprendre que je ne partage pas le pessimisme du sénateur Plett.

Nous sommes placés devant un dilemme. Nous avons un rapporteur spécial indépendant dont l’intégrité, l’indépendance et le jugement suscitent ma pleine confiance et, je pense, la confiance de la plupart des Canadiens.

Le gouvernement ne devrait pas prescrire la façon dont il exécute la fonction qu’il lui a confiée. Cependant, la capacité du rapporteur à recevoir des renseignements des personnes intéressées est, comme le sénateur Plett l’a correctement relevé, un élément fondamental de son mandat.

J’espère que vous me pardonnerez, sénateurs. Je ne fais pas la microgestion du site Web du rapporteur spécial ni des personnes qu’il embauche pour l’aider dans son travail. C’est à lui de le faire en toute indépendance — c’était une condition.

Lorsque le très honorable David Johnston était gouverneur général, il a ouvert Rideau Hall et l’a rendu accessible d’une manière qui, je pense, a rendu tous les Canadiens fiers. Je crois qu’il est sensible à l’importance de la transparence du travail essentiel qu’il accomplit.

Je veillerai à ce que les fonctionnaires du Conseil privé fassent part au rapporteur spécial indépendant des préoccupations du sénateur Plett quant à la façon dont ces personnes pourraient accéder aux renseignements ou les soumettre au rapporteur spécial. Je suis convaincu que le très honorable David Johnston fera preuve du jugement nécessaire pour donner suite à cette demande.

L’accès à des réseaux à haute vitesse à large bande

L’honorable Nancy J. Hartling : Ministre LeBlanc, bienvenue au Sénat.

Tout d’abord, je tiens à souligner la contribution fort appréciée du fédéral à notre nouveau complexe récréatif dans ma collectivité, Riverview. Voilà une excellente nouvelle.

Aujourd’hui, ma question porte sur un meilleur accès à Internet haute vitesse au Nouveau-Brunswick, en particulier dans les régions rurales. Je suis consciente que la gestion du Fonds pour la large bande universelle relève de votre collègue, la ministre Hutchings, mais vous avez peut-être accès à certains renseignements à ce sujet.

Le Nouveau-Brunswick est fier d’être une des provinces les plus rurales du pays, car plus de 50 % de sa population habite en région rurale. Même si l’accès à Internet haute vitesse s’améliore dans notre province, il existe toujours un important fossé numérique.

De nombreuses collectivités situées à peine à 20 minutes de Riverview, où j’habite, ont un niveau de service bien inférieur à l’objectif de 50 mégaoctets. Internet haute vitesse est essentiel pour bien des raisons, pour notre économie et notre système d’éducation par exemple, mais il est aussi régulièrement mentionné dans des recommandations visant à réduire les risques de violence entre partenaires intimes pour les femmes vivant en région rurale ainsi que pour les services, ce qui me préoccupe beaucoup.

Que pouvez-vous me dire au sujet des efforts du gouvernement afin d’améliorer la connectivité Internet dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick? Merci.

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Merci pour votre question et merci pour vos observations au sujet du projet de complexe récréatif à Riverview. Il s’agissait d’une priorité pour ma collègue et votre amie, Ginette Petitpas Taylor. Je suis heureux que l’annonce ait été faite il y a quelques semaines.

Votre préoccupation en ce qui concerne l’accès à Internet haute vitesse dans les régions rurales est très importante, et le gouvernement partage votre avis. Vous avez raison, je reconnais qu’il y a des défis dans notre province, dans le comté d’Albert situé à 20 minutes de Riverview, ou même plus au nord, dans le comté de Kent, en s’éloignant dans une autre direction de la collectivité où vous habitez.

Le gouvernement a investi des milliards de dollars dans ce secteur. Il faudrait encore plus d’investissements et faire en sorte que les travaux progressent encore plus vite. Je crois que des progrès considérables ont été accomplis, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.

(1510)

La Banque de l’infrastructure du Canada étudie également la possibilité d’investir dans ces régions. Cela pourrait aider certaines entreprises de télécommunications à obtenir le financement qui leur permettrait peut-être de réaliser plus rapidement ces genres de projets. Je partage votre point de vue, madame la sénatrice : ce n’est pas seulement une question de développement économique ou de capacité pour les petites et moyennes entreprises d’exercer leurs activités dans les collectivités rurales. C’est aussi une question de sécurité publique, comme nous l’avons vu pendant la pandémie. J’en sais plus aujourd’hui au sujet des difficultés que cela pose en cas de violence entre partenaires intimes et de vulnérabilité en raison de la pandémie; l’accès à ces services doit faire partie de la solution. Nous allons continuer de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour inciter d’autres partenaires à participer à cet effort. J’ajoute que je trouve encourageant de voir les provinces et les territoires vouloir prendre leur place avec nous.

Les transferts en matière de santé

L’honorable Rebecca Patterson : Je vous remercie, monsieur le ministre. Ma question porte sur votre rôle dans le cadre des relations intergouvernementales avec les provinces et les territoires en ce qui concerne le système de santé des Forces armées canadiennes. Comme vous le savez probablement, le 14e système de santé du Canada relève du fédéral. Les Forces armées canadiennes ont toujours fourni certains services, mais elles obtenaient le reste des services auprès des provinces à des taux qui ont augmenté de façon exponentielle. En plus, certaines provinces exigent une dispense annuelle substantielle afin de fournir des soins aux Canadiens qui paient des impôts dans ces dernières.

Comme vous le savez, depuis 2018, nous tentons de négocier un taux raisonnable avec les provinces, car les Forces armées canadiennes ont été exclues de la Loi canadienne sur la santé, pour toutes sortes de raisons faciles à comprendre.

Le 7 février dernier, le premier ministre a annoncé le versement d’un paiement unique aux provinces au titre du Transfert canadien en matière de santé. Il s’agit du projet de loi C-46, dont le Sénat a été saisi. Le premier ministre a également annoncé l’intention du gouvernement de conclure des accords bilatéraux avec chaque province sur le financement des soins de santé. Depuis, comme nous le savons, la plupart des provinces, sinon toutes, ont conclu un accord avec le gouvernement fédéral.

Monsieur le ministre, le pourcentage des dépenses que le ministère de la Défense nationale doit rembourser aux provinces pour la prestation de soins de santé aux membres des Forces armées canadiennes faisait-il partie des accords qui ont été conclus?

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Votre Honneur, je remercie la sénatrice Patterson, par votre entremise, pour cette question intéressante. Je n’ai pas une connaissance détaillée de ce domaine de politique publique. Je m’informerai donc auprès de mon collègue Jean-Yves Duclos et de la ministre de la Défense, Anita Anand. Je viens du Nouveau-Brunswick, où se situe une base militaire très importante, celle de Gagetown, mais je ne comprenais pas ce que la présence de cette base pouvait représenter pour le système de santé provincial et pour Fredericton, où réside votre collègue derrière vous. Je sais qu’il existe des tensions à ce sujet entre les services de santé des forces armées et les provinces et territoires. J’avais déjà une idée de la préoccupation que vous avez mentionnée.

La bonne nouvelle, sénatrice, c’est que les ententes que nous avons conclues avec les provinces et les territoires sont des ententes de principe. Les ententes bilatérales détaillées et exécutoires sont en cours de négociation. Les provinces tenaient à signer des ententes de principe pour pouvoir inscrire ces sommes fédérales dans leur budget. Elles ont répondu rapidement à l’offre du premier ministre, et Jean-Yves Duclos et moi-même avons fait une tournée rapide des 13 capitales provinciales et territoriales du pays. Nous étions très satisfaits des ententes de principe, mais il reste à négocier les ententes détaillées.

Je transmettrai la question à Jean-Yves Duclos, qui dirige ces négociations bilatérales, et je veillerai à ce qu’il obtienne les renseignements demandés auprès des Forces armées canadiennes. Il s’agit d’un sujet intéressant, dont je ne connaissais pas grand-chose. Je verrai à ce que nous fassions le suivi nécessaire. Merci de votre question.

[Français]

Le logement et les infrastructures

L’honorable Michèle Audette : Kuei, monsieur le ministre. Les appels à la justice 4.1 et 4.8 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées demandent à votre ministère de respecter les droits sociaux et économiques des femmes et des filles autochtones et de veiller à ce que les Autochtones disposent des services et des infrastructures nécessaires pour répondre à leurs besoins, comme l’accès à des logements sécuritaires, à de l’eau potable et à de la nourriture adéquate.

Combien votre gouvernement ou votre ministère a-t-il investi ou dépensé, et quelles actions concrètes votre ministère a-t-il mises en œuvre pour répondre aux appels à la justice que je viens de mentionner? Merci.

L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités : Merci de cette importante question, madame la sénatrice. Vous avez absolument raison. Le manque d’infrastructures de base dans de nombreuses communautés autochtones et nordiques, qu’il s’agisse du logement, de l’eau potable ou de l’accès aux infrastructures communautaires, continue très franchement de surprendre les Canadiens, surtout lorsqu’ils constatent la différence entre les infrastructures dont peuvent bénéficier les autres communautés et celles des communautés autochtones. Dans certaines grandes villes, il est également difficile de disposer d’infrastructures qui sont culturellement adaptées aux besoins des communautés autochtones qui s’y trouvent. Il est pourtant possible de faire les deux en même temps.

Je vous reviendrai pour vous donner des détails spécifiques sur les investissements de mon ministère sur le plan des infrastructures. Vous comprendrez que le ministère des Services aux Autochtones a également un rôle important à jouer en matière d’infrastructures, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans d’autres domaines. Mon collègue le ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion a également des responsabilités importantes.

Je ne veux pas minimiser mes responsabilités ou les investissements importants que nous avons faits dans plusieurs programmes de mon ministère. Vous méritez d’obtenir une réponse détaillée que je me ferai un plaisir de vous donner. Je sais qu’il s’agit d’un dépôt en ce qui concerne le travail que nous avons à faire, mais je suis confiant quand j’affirme que vous verrez bientôt la ligne augmenter en ce qui a trait aux investissements. Cela ne signifie pas que nous allons arrêter, mais je vous donnerai des informations plus détaillées à ce sujet.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Le temps prévu pour la période des questions est écoulé. Je suis convaincu que les sénateurs se joindront à moi pour remercier le ministre LeBlanc de sa présence parmi nous aujourd’hui.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Affaires étrangères et commerce international

Budget—L’étude sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada—Présentation du neuvième rapport du comité

L’honorable Peter Harder, vice-président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, présente le rapport suivant :

Le mardi 25 avril 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a l’honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 24 février 2022 à examiner, pour en faire rapport, le service extérieur canadien, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2024.

Conformément au chapitre 3:05, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

PETER M. BOEHM

(Le texte du budget figure à l’annexe A des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1425.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Harder, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Audit et surveillance

Budget et autorisation de se déplacer—Présentation du huitième rapport du comité

L’honorable Marty Klyne, président du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, présente le rapport suivant :

Le mardi 25 avril 2023

Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance a l’honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, qui est chargé, de sa propre initiative, de superviser et faire rapport sur les audits internes et externes du Sénat et les questions connexes, conformément à l’article 12-7(4) du Règlement, demande respectueusement des fonds supplémentaires pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2024, et demande qu’il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a)voyager à l’extérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:05, article 2(3)b) du Règlement administratif du Sénat, votre comité présente ici son rapport de budget.

Respectueusement soumis,

Le président,

MARTY KLYNE

(Le texte du budget figure à l’annexe B des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1435.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Klyne, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2023

Préavis de motion tendant à autoriser certains comités à étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier la teneur complète du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, déposé à la Chambre des communes le 20 avril 2023, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat;

2.de plus, les comités suivants soient individuellement autorisés à examiner la teneur des éléments suivants du projet de loi C-47 :

a)le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie : les éléments des articles 118 à 122 concernant le minage de cryptoactifs dans la partie 2, et des sections 1, 2, 6, 7, 26, 33 et 37 de la partie 4;

b)le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles : les éléments des sections 20 et 36 de la partie 4;

c)le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans : les éléments des sous-sections A, B et C de la section 21 de la partie 4;

d)le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international : les éléments des sections 4, 5, 10 et 11 de la partie 4, et de la sous-section A de la section 3 de la partie 4;

e)le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles : les éléments des sections 30, 31, 34 et 39 de la partie 4, et de la sous-section B de la section 3 de la partie 4;

f)le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants : les éléments de la section 24 de la partie 4;

g)le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie : les éléments des sections 8, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 25, 27, 28, 29, 35 et 38 de la partie 4;

h)le Comité sénatorial permanent des transports et des communications : les éléments de la section 2 de la partie 3, et des sections 22 et 23 de la partie 4;

3.chacun des comités indiqués au point 2, qui sont autorisés à examiner la teneur de certains éléments du projet de loi C-47 :

a)soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 2 juin 2023;

b)soit autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là;

4.au fur et à mesure que les rapports des comités autorisés à examiner la teneur d’éléments particuliers du projet de loi C-47 sont déposés au Sénat, ils soient inscrits à l’ordre du jour pour étude à la prochaine séance, à condition que si un rapport est déposé auprès du greffier, l’étude de ce rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la séance qui suit celle où le dépôt est consigné aux Journaux du Sénat;

5.les comités susmentionnés soient autorisés à se réunir pour les fins de leur examen de la teneur complète ou d’éléments particuliers du projet de loi C-47, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard;

6.le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à prendre en considération les rapports déposés conformément au point 3 au cours de son examen de la teneur complète du projet de loi C-47.

(1520)

Langues officielles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude de l’application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 14 décembre 2021, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des langues officielles concernant son étude sur l’application de la Loi sur les langues officielles soit reportée du 15 juin 2023 au 31 décembre 2025.

[Traduction]

Banques, commerce et économie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude des questions relatives aux banques et au commerce en général

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 16 décembre 2021, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie concernant son étude sur toute question concernant les banques, le commerce et l’économie en général, tel qu’établi à l’article 12-7(10) du Règlement, soit reportée du 30 juin 2023 au 31 décembre 2025.

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude des questions concernant la défense nationale et la sécurité en général

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 10 février 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants concernant son étude sur toute question concernant la sécurité nationale et la défense en général, y compris les anciens combattants, tel qu’établi à l’article 12-7(17) du Règlement, soit reportée du 30 juin 2023 au 31 décembre 2025.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude des questions concernant les anciens combattants

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 10 février 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants concernant son étude sur :

a)les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants qui ont servi honorablement dans les Forces canadiennes par le passé, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et des organismes qui l’ont précédée, et à leurs familles;

b)les activités commémoratives tenues par le ministère des Anciens Combattants du Canada afin de garder vivant pour tous les Canadiens le souvenir des réalisations et des sacrifices des anciens combattants du Canada;

c)la poursuite de la mise en œuvre de la Loi sur le bien‑être des vétérans;

soit reportée du 30 juin 2023 au 31 décembre 2025.

Affaires sociales, sciences et technologie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les effets négatifs de la désinformation et des fausses informations relatives à la santé sur la société, et les mesures efficaces pour contrer ces effets

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les effets négatifs de la désinformation et de la mésinformation en matière de santé sur la société canadienne ainsi que les mesures efficaces qui pourraient être mises en œuvre pour les contrer;

Que le comité soumette au Sénat le rapport final sur son étude au plus tard le 31 mai 2024 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude de la motion no 96, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Fixation de délai—Motion—Débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 20 avril 2023, propose :

Que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étude de la motion, telle que modifiée, tendant à répondre au message de la Chambre des communes concernant les amendements du Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Recours au Règlement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’invoque le Règlement, Votre Honneur. Je vous remercie.

Votre Honneur, mon recours au Règlement porte sur le préavis de motion donné par le leader du gouvernement au Sénat le 20 avril. Il a alors informé le Sénat qu’il proposerait la fixation de délai concernant l’étude du projet de loi C-11. Voici ce qu’il a dit :

Monsieur le Président, j’avise le Sénat que je n’ai pas pu m’entendre avec les représentants des partis reconnus sur le temps à consacrer à la réponse au message de la Chambre des communes portant sur les amendements du Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étude de la motion, telle que modifiée, tendant à répondre au message de la Chambre des communes concernant les amendements du Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

(1530)

Votre Honneur, bien que ce ne soit un secret pour personne que le gouvernement souhaite faire adopter le projet de loi aussi rapidement que possible afin d’éviter — je me réjouis que cela amuse la sénatrice Lankin — l’embarras que ne cesse de lui causer son impopularité, le préavis de motion du sénateur Gold n’applique pas correctement le Règlement du Sénat. En fait, il l’enfreint.

À cet égard, il y a trois choses que je souhaite porter à votre attention, Votre Honneur.

Premièrement, le préavis de motion du sénateur Gold ne correspond pas au format prescrit. Comme je l’ai mentionné, lorsque le sénateur Gold a donné préavis de la motion, il a déclaré :

[...] j’avise le Sénat que je n’ai pu m’entendre avec les représentants des partis reconnus sur le temps à consacrer à la réponse au message [...]

Pourtant, l’article 7-2(1) du Règlement indique clairement :

Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord [...]

Votre Honneur, le format prescrit pour le préavis d’une motion en vertu de l’article 7-2(1) est très clair. Puisque le préavis de motion du sénateur Gold ne respecte pas la forme prescrite, il n’est pas valide. Comme tout le monde le sait, il y a des façons précises de présenter un préavis de motion, et le Bureau, bien sûr, peut fournir les formules prescrites à chacun d’entre nous. Le sénateur Gold a délibérément choisi de ne pas suivre la formule prévue par le Règlement. Je soutiens donc que, puisque le préavis n’a pas été donné en bonne et due forme, le sénateur Gold ne peut pas présenter la motion aujourd’hui.

Deuxièmement, Votre Honneur, en plus de ne pas suivre la forme prescrite par le Règlement du Sénat, la motion du sénateur Gold ne remplissait pas les conditions préalables nécessaires. Comme je l’ai déjà noté, l’article 7-2(1) du Règlement énonce :

Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné [...]

Votre Honneur, je ne veux pas utiliser des propos non parlementaires ici. Il y a des gens qui sont prompts à sauter sur l’occasion pour invoquer le Règlement à ce sujet. Permettez-moi simplement de dire qu’en faisant cette déclaration, le sénateur Gold a induit le Sénat en erreur. Le sénateur Gold n’a jamais offert, en privé ou en public, de façon officielle ou officieuse, de nous rencontrer pour discuter d’un échéancier pour le débat sur cette motion.

Je me permets de fournir quelques détails et une mise en contexte sur la discussion que j’ai eue avec le sénateur Gold à propos de cette motion en réponse au message de la Chambre sur le projet de loi C-11.

Votre Honneur, le lundi 17 avril, j’ai eu une rencontre avec le sénateur Gold et les leaders des autres groupes reconnus. Le sénateur Gold nous a demandé quelles étaient nos intentions à l’égard de la motion. Je pense avoir indiqué clairement aux personnes présentes que je ne pouvais pas fournir de réponse définitive avant que nous ayons vu la motion. Nous revenions tout juste d’une pause de deux semaines. Le gouvernement a eu beaucoup de temps pour rédiger sa motion. Le lundi soir, la motion n’avait pas encore été rédigée; c’est ce qu’on nous a dit. On nous a dit que nous la recevrions avant minuit.

Le sénateur voulait que nous indiquions comment et quand nous allions voter sur une motion que nous n’avions pas encore vue. J’ai finalement reçu la motion le mardi matin. Elle avait été envoyée la veille à mon chef de cabinet. Je pense qu’il l’a reçue aux alentours de 22 heures; je ne suis pas sûr de l’heure. Je l’ai reçue le matin.

Plus tard dans la journée, le sénateur Gold m’a appelé à ce sujet, entre autres, et il a suggéré que nous nous rencontrions pour discuter de cette question. J’ai d’abord proposé que nous nous réunissions lundi, c’est-à-dire hier, pour en discuter. Le sénateur Gold a affirmé que c’était un peu tard pour lui et qu’il aimerait que l’on se rencontre plus tôt. Je lui ai répondu que je pouvais me rendre disponible jeudi s’il souhaitait me rencontrer, et il m’a indiqué qu’il me répondrait plus tard, ce qu’il n’a jamais fait.

En entendant l’une des sonneries jeudi vers la fin de l’après-midi, je suis allé de l’autre côté de la salle du Sénat pour voir le sénateur Gold. La leader adjointe était avec lui. Je lui ai demandé si nous pouvions tenir une brève réunion. Il m’a répondu — et je ne veux pas répéter mot pour mot ce qu’il a dit — que ce n’était pas le moment.

Vous vous souviendrez également, Votre Honneur, que c’est la leader adjointe du groupe gouvernemental de facto au Sénat qui a présenté une motion jeudi dernier pour ajourner le débat sur le sous‑amendement du sénateur MacDonald. Ce n’était pas les conservateurs. Vous vous souviendrez également que les conservateurs se sont d’abord opposés à l’ajournement. Nous étions heureux que le sous-amendement du sénateur MacDonald soit mis aux voix. Cependant, le débat a été ajourné, et nous n’avons donc pas pu voter.

Immédiatement après l’ajournement, le sénateur Gold a pris la parole pour présenter un avis de motion. Après seulement six heures de débat sur un projet de loi dont l’étude en comité a compté plus de 70 heures de témoignages de la part de 140 personnes, et sans la moindre tentative officielle ou informelle de parvenir à une entente sur l’échéancier à suivre, le sénateur Gold a affirmé au Sénat qu’il n’avait pas pu s’entendre avec moi — ou, plutôt, avec les partis reconnus, mais il n’y en a qu’un, et j’en suis le représentant.

Votre Honneur, pour tous les projets de loi controversés dont le Sénat a été saisi depuis 2017 environ, j’ai été à la table de négociations pour contribuer aux discussions avec le leader du gouvernement et à la conclusion d’ententes mutuellement acceptables. J’ai notamment participé aux négociations sur la deuxième lecture du projet de loi C-11, sur les échéanciers de l’étude par le comité et même, Votre Honneur, sur la troisième lecture. De telles discussions ont aussi été régulièrement tenues avec le prédécesseur du sénateur Gold, le sénateur Harder.

Cependant, lorsque le Sénat a reçu le message de la Chambre des communes sur le même projet de loi, le sénateur Gold n’a pas eu la décence de me téléphoner. Plutôt, il a déformé les faits au Sénat d’une façon ahurissante pour servir ses propres intérêts.

Le sénateur Gold dit que nous n’avons pas pu nous entendre, mais il ne peut pas y avoir eu de mésentente, puisque nous n’avons même pas discuté de la nécessité de fixer un délai pour terminer le débat sur la motion en question. Par conséquent, Votre Honneur, nous n’avons eu l’occasion ni de nous mettre d’accord, ni d’être en désaccord. Bien que nous soyons plutôt habitués que le gouvernement ne prenne pas au sérieux la nécessité de consulter, cela n’enlève rien au fait que cet article du Règlement oblige le gouvernement à le faire.

Le Règlement ne permet pas au gouvernement de fixer un délai simplement parce que les partis reconnus n’adhèrent pas au délai préconisé par le gouvernement. Le libellé du Règlement est sans équivoque. Le gouvernement peut uniquement invoquer l’article 7-2(1) en l’absence d’un accord. Or, Votre Honneur, pour pouvoir dire que les partis n’ont pas pu se mettre d’accord, il faut à tout le moins qu’ils aient discuté d’un délai proposé.

À ce sujet, Votre Honneur, j’aimerais porter à votre attention un certain nombre de citations, de pratiques et de pouvoirs, quoique vous les avez sans doute déjà tous examinés. Si ce n’est pas le cas, je suis convaincu que vous vous ferez un point d’honneur de le faire. Quoi qu’il en soit, je crois qu’il est important de les faire consigner au compte rendu.

(1540)

Au sujet de l’attribution de temps, le Document d’accompagnement du Règlement du Sénat du Canada cite le passage suivant tiré de la page 660 de La procédure et les usages de la Chambre des communes :

Bien qu’elle soit devenue le mécanisme le plus largement utilisé pour limiter le débat, elle demeure en soi un moyen de réunir les partis pour négocier une répartition acceptable du temps de la Chambre.

Votre Honneur, bien que le Document d’accompagnement du Règlement du Sénat du Canada fasse référence à la procédure de la Chambre des communes, le fait que cette citation s’y trouve indique clairement que le même principe s’applique au Sénat.

La fixation de délai est un moyen de réunir les partis pour négocier. Votre Honneur, je regrette qu’il n’y ait eu ni réunion de ces partis ni négociations. Au lieu de cela, le représentant du gouvernement au Sénat a pris la décision unilatérale d’interrompre le débat sur une motion qui présente un grand intérêt pour de nombreux sénateurs de tous les groupes, ainsi que pour tous les Canadiens.

En plus d’être abusif, c’est contre le Règlement. Dans la mesure où le sénateur Gold n’a jamais proposé de délai encadrant le débat sur la motion relative au projet de loi C-11 et qu’il n’en a jamais même parlé, il ne peut pas invoquer l’article 7-2 du Règlement. Je suppose, Votre Honneur, que le leader du gouvernement au Sénat s’opposera à cet argument en faisant valoir qu’il n’avait pas besoin de proposer quoi que ce soit ni d’en parler, mais qu’il n’avait qu’à constater qu’on n’a pas pu se mettre d’accord. C’est faux, Votre Honneur.

Premièrement, le principe même est erroné. Je vous renvoie encore une fois à la page 171 du Document d’accompagnement du Règlement du Sénat du Canada, qui cite la 24e édition de l’ouvrage Erskine May Parliamentary Practice, à la page 469 :

En outre, l’impact des motions de fixation de délais ou des ordres de programmation est aussi quelque peu atténué par des consultations informelles entre les représentants des partis ou encore au sein du Comité des affaires de la Chambre ou du Comité de la programmation en vue de dégager le plus large consensus possible sur la façon la plus satisfaisante d’utiliser le temps disponible.

On peut voir, dans le paragraphe précédant cette citation, que l’esprit de cette règle permettant au gouvernement de proposer une motion de fixation de délai est exprimé par l’équilibre entre la nécessité d’examiner les affaires à l’ordre du jour et le droit d’en débattre. Cet équilibre est essentiel pour que la société respecte le rôle du Parlement. Il oblige aussi le gouvernement à tenir des consultations avant d’invoquer cet article du Règlement.

Je constate, Votre Honneur, que ce principe s’est reflété à maintes reprises dans les usages du Sénat. J’attire votre attention sur deux d’entre elles. La première renvoie à la page 171 du Document d’accompagnement du Règlement du Sénat.

Le 20 septembre 2000, le Président Molgat a rendu la décision suivante concernant un recours au Règlement contestant un préavis de motion de fixation de délai. Je rappelle qu’à l’époque, l’article 7-2 du Règlement s’appelait le « paragraphe 39(1) ».

Dans sa décision, le Président Molgat dit ceci :

En ce qui concerne le point soulevé par le sénateur Kinsella, je voudrais que vous vous reportiez au paragraphe 39(1), qui prévoit simplement que, si « ... le leader adjoint du gouvernement au Sénat, de sa place au Sénat, peut déclarer que les représentants des partis n’ont pas réussi à s’entendre pour attribuer un nombre précis de jours et d’heures... », cela autorise le leader adjoint à donner avis.

Honorables sénateurs, le leader adjoint a déclaré que les représentants n’avaient pu s’entendre. Il m’est impossible de savoir s’ils y parviendront plus tard. Tout ce que j’ai devant moi, c’est une motion stipulant que, s’ils ne se sont pas entendus à l’heure actuelle, le Règlement a été observé et les conditions ont été fixées. Par conséquent, je déclare irrecevable le recours au Règlement.

Je soulève cette citation, Votre Honneur, parce qu’une lecture superficielle de celle-ci semble indiquer que le gouvernement n’a pas besoin de mener des consultations, mais qu’il doit plutôt seulement déclarer qu’un accord n’a pas été conclu. Or, cette affirmation est erronée.

Le Président Molgat soulignait simplement qu’il n’avait aucun moyen de savoir si un accord avait été conclu, et il a fait cette déclaration alors qu’il savait parfaitement que les parties avaient mené des consultations. Cela a été reconnu pour la première fois par le leader adjoint du gouvernement plus tôt dans la journée du 20 septembre 2000 lorsqu’il a déclaré ceci :

[...] mon homologue, le chef adjoint de l’opposition, et moi‑même avons discuté de la question dans un effort en vue de parvenir à une entente sur le temps à allouer à la troisième lecture du projet de loi C-37. Nous n’avons pas pu parvenir à une telle entente, mais nous poursuivrons nos discussions.

Le sénateur Kinsella, qui était le chef adjoint de l’opposition à l’époque, a ensuite affirmé ce fait lorsqu’il a dit ceci :

La règle prévoit que des discussions sérieuses aient lieu avant de proposer l’attribution de temps aux fins de l’étude d’un projet de loi du gouvernement.

Votre Honneur, dans le cas présent, on voit qu’il n’y avait pas de désaccord entre le gouvernement et l’opposition quant au fait qu’il fallait d’abord faire un effort de discussion et de négociation avant qu’un préavis de motion de clôture soit présenté. La seule question à régler dans ce recours au Règlement était de savoir si un tel préavis pouvait être présenté avant même que les discussions soient conclues.

Dans ce contexte, la décision du Président Molgat tombe sous le sens, comme le souligne le sénateur Hays :

Affirmer que l’article 39 ne s’applique que lorsque les discussions sur un point précis sont condamnées à ne pas aboutir ne serait pas conforme à l’esprit du Règlement ou de l’article 39 ni à la façon dont nous faisons les choses au Sénat.

Il ajoute ensuite :

Honorables sénateurs, je dis simplement que des discussions ont eu lieu et qu’elles n’ont pas permis à ce côté-ci de parvenir à une conclusion et, en tant que représentant du parti ministériel, cela me suffit.

Votre Honneur, à mon avis, le sénateur Hays avait raison : si des discussions avaient eu lieu et qu’elles n’avaient rien donné, alors les critères de l’article 7-2 auraient été remplis. Or, comme je l’ai souligné, ce n’est pas ce qui est arrivé dans le cas du préavis de motion dont je parle aujourd’hui. Le sénateur Gold n’a à peu près rien tenté pour discuter d’un échéancier avec moi. Conséquemment, il n’a pas rempli les critères permettant d’invoquer l’article 7-2.

Votre Honneur, la deuxième décision de la présidence sur laquelle j’aimerais attirer votre attention — puisque je crois qu’elle est pertinente à la question — a été rendue le 19 février 2004. En l’occurrence, le Président Hays se penchait aussi sur un recours au Règlement relatif à un préavis de motion de fixation de délai. Cette fois-là aussi, la question n’était pas de savoir si des discussions avaient eu lieu, mais s’il était adéquat de tenir de telles discussions. À l’époque, l’article 39(1) se lisait comme suit :

[...] que les représentants des partis n’ont pas réussi à s’entendre pour attribuer un nombre précis de jours ou d’heures aux délibérations [...]

Le leader adjoint de l’opposition, le sénateur Kinsella, soutenait qu’un critère précis n’avait pas été respecté.

Cependant, là encore, la question n’était pas de savoir si des consultations avaient été menées, mais si elles étaient adéquates. Voici ce qu’a répondu le Président Hays :

L’argument du sénateur Kinsella souligne l’importance de la précision quand il est fait référence au Règlement. Le président de séance se trouve lui-même dans la drôle de position de déterminer qui croire, domaine dans lequel je ne veux pas m’aventurer.

Je vais accepter l’avis de motion, mais je le fais en ajoutant cette réserve : ayant écouté l’échange entre les leaders parlementaires, je les exhorte, ainsi que les autres sénateurs, à faire très attention au Règlement et à en observer les exigences.

Le Président Hays a accepté l’avis de motion, comme on l’appelait à l’époque, parce que les deux parties ont reconnu que des discussions avaient eu lieu. En agissant ainsi, il a souligné que la précision est importante quand on fait référence au Règlement.

(1550)

Votre Honneur, je demande qu’une attention aussi particulière soit portée au Règlement dans le cas présent. En effet, comme je l’ai souligné, le sénateur Gold a omis de le faire en ne consultant personne, alors son préavis de motion ne respecte pas le Règlement.

J’ai un dernier point à soulever, Votre Honneur, en ce qui concerne notre Règlement. C’est un désaccord entre les partis reconnus qui est à la source du recours à la fixation de délai. Au paragraphe 7-2(1) du Règlement, on peut lire ce qui suit :

Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord [...]

Le terme « parti reconnu » est défini à l’Annexe I : Terminologie du Règlement, comme suit :

Un parti reconnu au Sénat est formé d’au moins neuf sénateurs qui sont membres du même parti politique, qui est enregistré conformément à la Loi électorale du Canada ou qui a été enregistré conformément à la Loi au cours des 15 dernières années.

Votre Honneur, on trouve également dans le Règlement la définition de ce qu’est un « groupe parlementaire reconnu ». En fait, ce terme est utilisé partout dans le Règlement pour faire une distinction claire entre « parti reconnu » et « groupe reconnu ». Votre Honneur, voici le dilemme : il n’y a qu’un seul parti reconnu au Sénat et c’est le Parti conservateur du Canada, mais certains dans cette enceinte ne voient pas cette réalité d’un bon œil. Les trois autres caucus organisés sont des groupes parlementaires.

Il ne peut y avoir mésentente entre des partis reconnus s’il n’y en a qu’un seul. C’est on ne peut plus simple. Je débats avec moi‑même à l’occasion, et j’ai gain de cause la plupart du temps. Or, ce n’est pas le cas ici.

Au cours des dernières années, plusieurs modifications ont été apportées au Règlement du Sénat . Nombre de ces modifications découlent de la nouvelle réalité du Sénat où siègent non seulement des sénateurs affiliés à un parti, mais également des sénateurs appartenant à des groupes. Cependant, aucune modification n’a été apportée à l’article 7. Votre Honneur, je précise qu’il ne s’agit pas d’un oubli. Le Sénat a décidé, dans sa sagesse, de ne pas modifier le libellé de l’article 7, et je vous exhorte, Votre Honneur, à simplement suivre le Règlement et à déclarer qu’étant donné qu’il y a un seul parti reconnu au Sénat, il ne peut y avoir mésentente. Par conséquent, à cet égard, la motion du sénateur Gold est irrecevable.

Deuxièmement, Votre Honneur, même s’il existait une façon alambiquée d’interpréter « groupe parlementaire » comme l’équivalent de « parti reconnu », la motion du sénateur Gold demeurerait irrecevable.

Il n’y a jamais eu de réunion des quatre partis ou groupes pour discuter du calendrier d’adoption du projet de loi C-11, de sorte qu’il ne peut y avoir d’accord ou de désaccord dans le cadre de ce scénario à ce moment-ci.

Enfin, ce que le gouvernement vous demande de faire, Votre Honneur, c’est non seulement de réécrire le Règlement pour que le mot « groupe » soit équivalent au mot « parti », mais aussi de vous demander de considérer le leader du gouvernement comme un des partis, alors que ce n’est pas ce que dit le Règlement.

Le sénateur Gold est un sénateur non affilié. Il n’est ni le leader d’un parti reconnu ni le leader d’un groupe reconnu. Il dit même qu’il n’est pas le leader du gouvernement. Il est un sénateur non affilié.

Les sénateurs non affiliés n’ont aucun rôle reconnu dans les discussions relatives à la fixation de délai, Votre Honneur. Permettez-moi de répéter cela pour tous les sénateurs ici présents : les sénateurs non affiliés n’ont aucun rôle reconnu dans les discussions relatives à la fixation de délai.

Comme on peut le lire dans la sixième édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, à la page 162, passage cité dans le Document d’accompagnement du Règlement du Sénat du Canada  : « Les mots “représentants de tous les partis” [...] ne visent pas les députés indépendants. » Le sénateur Gold, qui est un sénateur indépendant, affirme ne pas pouvoir arriver à une entente, ce qui n’a absolument aucune importance, puisqu’il ne fait pas partie, en vertu de l’article 7, de ceux qui peuvent ou non se mettre d’accord.

Vous constaterez que le leader du gouvernement n’est pas mentionné, à l’article 7 du Règlement du Sénat, parmi les nécessaires participants pouvant se mettre d’accord ou non sur la fixation de délais. Selon cet article, son rôle se limite donc à prendre note que les représentants se sont mis d’accord ou non et de présenter le préavis exigé.

Comme je l’ai dit, le Sénat a la même répartition majoritaire depuis 2016. Or, il n’a jamais été question, Votre Honneur, de modifier le libellé de l’article 7 du Règlement du Sénat.

Par ailleurs, il y a à peine un an, Votre Honneur, le gouvernement a apporté des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada, mais il n’a pas touché à cette partie. Pourquoi?

Le gouvernement et ses sénateurs osent aujourd’hui vous demander, à vous, Votre Honneur, de modifier le Règlement du Sénat par le truchement de ce préavis de motion. Or, avec tout le respect que je vous dois, Votre Honneur, et je vous en dois beaucoup, votre tâche à vous, selon l’article 2 du Règlement, consiste à trancher les recours au Règlement. Vous n’avez pas le pouvoir de récrire le Règlement du Sénat simplement parce que ceux qui sont présentement au pouvoir trouvent pratique de vous refiler cette responsabilité à vous, Votre Honneur.

Pour tout vous dire, je trouve extrêmement choquante cette tentative de réécriture de l’article 7 du Règlement. C’est vraiment dommage, Votre Honneur, que le sénateur Gold vous place, à la veille de votre retraite, dans une position où on vous demande de faire une chose qui dépasse vos attributions. Ces gens vous demandent de faire le travail du Comité du Règlement et, partant, du Sénat au grand complet. Je ne serais pas étonné d’apprendre, Votre Honneur, que le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold, et le Cabinet du premier ministre vous mettent de la pression pour que vous agissiez comme ils vous le demandent. Je vous en prie, Votre Honneur, je vous en exhorte : ne cédez pas à leurs tactiques.

Comme vous le savez déjà, Votre Honneur, en 2015, le chef libéral Justin Trudeau a dit ceci :

Si le Sénat a un rôle à jouer, c’est assurément de servir de contrepoids au pouvoir extraordinaire que détiennent le premier ministre et son cabinet [...]

Votre Honneur, s’il y a un sénateur indépendant au Sénat qui soit vraiment indépendant, c’est vous. Comme il a été dit plus tôt aujourd’hui, vous avez fait un excellent travail, en étant indépendant et en rendant des décisions qui étaient de toute évidence mûrement réfléchies et témoignaient de votre indépendance.

Vous prendrez bientôt votre retraite. Je vous exhorte, Votre Honneur, de ne pas entacher votre excellente réputation et votre bilan d’impartialité en réécrivant le Règlement du Sénat à la fin de votre mandat, au lieu de le respecter et de l’appliquer.

Votre Honneur, je sais que vous ferez ce qui est juste. J’attends avec impatience votre décision sur cette question. Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur Plett.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à souligner certaines des actions que le sénateur Plett m’a imputées, à savoir que j’avais présenté des faits déformés au Sénat, que je manquais de décence et que mes propos servaient mes propres intérêts. J’ai bien l’intention de répondre aux différents points qu’il a soulevés dans mon intervention. Je réfuterai ces caractérisations sans fondement et je fais cette affirmation avec tristesse plutôt qu’avec colère.

En ce qui concerne le premier point, la motion que j’ai présentée aujourd’hui et dont j’ai donné préavis hier a été rédigée avec l’aide de nos collègues compétents du Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre. Affirmer qu’elle était en quelque sorte déficiente dans sa forme est sans fondement.

(1600)

Ensuite, le deuxième point du sénateur Plett, qui concerne la déclaration selon laquelle aucun accord n’a été conclu, est également sans fondement. Je vais vous faire part, honorables sénateurs, de ce qui s’est passé la semaine dernière.

Comme le fait remarquer à juste titre le sénateur Plett, nous avons eu une réunion des leaders lundi, pendant laquelle j’ai déclaré à tous mes collègues leaders que le gouvernement souhaitait que le débat sur le message se termine à la fin de la semaine dernière. Je le mentionne parce que lorsque nous regardons le temps que le Sénat a consacré à des messages de la Chambre par le passé, nous voyons que nous prenons en moyenne moins de deux jours pour nous en occuper. À ce moment-là, comme le sénateur Plett l’a également mentionné, les leaders n’avaient pas encore vu une copie du message dont nous proposions de débattre et que nous proposions d’adopter à la fin de la semaine dernière. Lorsque j’ai demandé aux leaders, comme je le fais toujours, combien d’intervenants ils pourraient avoir, le sénateur Plett a répondu : « Nous n’avons pas vu le message; pourquoi le cachez-vous? » — mais ne nous attardons pas à cela — « Lorsque nous aurons vu le message, nous vous répondrons. » Il a promis à tous les leaders, lundi, que dès qu’il verrait le message, il nous fournirait les renseignements que j’avais demandés. Le message, comme le fait remarquer à juste titre le sénateur Plett, a été distribué quelques heures plus tard dans la soirée.

Mardi, pendant la préparation du plumitif, nous avons réaffirmé notre désir que le vote ait lieu d’ici jeudi. Il n’y a eu aucun engagement en ce sens de la part du Parti conservateur. À un certain moment pendant la semaine — le sénateur Plett y fait allusion, mais je me sens obligé de vous le rappeler —, le sénateur Plett et moi avons eu une conversation pendant laquelle il m’a dit qu’il était impossible que ce projet de loi soit adopté d’ici la fin de la semaine. C’était clair. Mercredi, pendant la préparation du plumitif, à laquelle participent les leaders adjoints et les coordonnateurs législatifs, nous avons répété que nous pensions que le Sénat devrait adopter ce projet de loi d’ici la fin de la semaine. À nouveau, il n’y a eu aucun engagement. Jeudi, encore pendant la préparation du plumitif, nous avons fait la même déclaration, qui est restée une fois de plus sans réponse.

Honorables sénateurs, ceux d’entre vous qui étaient ici ou qui étaient absents, mais qui ont suivi nos travaux sur SenVu savent pertinemment qu’aucune avancée n’a été faite une fois le débat sur la motion commencé. Le débat a été ajourné, après une très faible participation du côté des conservateurs, si ce n’est pour présenter leurs amendements et sous-amendements, dont nous avons tous été les témoins, sans parler des sonneries qui les ont accompagnés.

Voilà, dans les faits, ce qui s’est passé. S’il fallait — ce qui n’est pas le cas — qu’une motion visant à demander une fixation de délai nécessite une consultation auprès des autres groupes et des leaders, cette exigence a été satisfaite. Il n’y a eu aucun commentaire, malgré les promesses faites lundi et une déclaration claire faite la semaine dernière, selon laquelle cela ne serait pas accepté bien que nous ayons continué de soutenir avec insistance que c’était ce que nous souhaitions et espérions.

Je reviendrai sur ce point en temps et lieu, mais, pour le moment, je passe au principal enjeu, c’est-à-dire le troisième point soulevé par le sénateur Plett. Il s’agit, selon moi, d’une attaque qui vise à éliminer complètement la possibilité, pour le gouvernement, d’avoir recours à la fixation de délai. Elle semble reposer sur un argument voulant que, comme nous n’appartenons pas à un parti reconnu et que nous sommes non affiliés — et qu’il n’y a eu aucune entente entre les partis reconnus, puisqu’il n’y en a qu’un — ma seule tâche consiste à recevoir passivement de l’information. Voilà le cadre qui guidera mes observations.

Les affirmations concernant le préavis sont sans fondement. Le préavis à l’égard de la motion rédigée par le Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre et présentée au Sénat était conforme aux règles. Les critères prévus par le Règlement, dont je parlerai plus en détail, ont été respectés. La position défendue par le sénateur Plett et par l’opposition ne respecte essentiellement ni la lettre ni l’esprit des dispositions du Règlement, et elle va à l’encontre du bon fonctionnement du Sénat.

Aujourd’hui, honorables sénateurs, je tâcherai de démontrer que l’interprétation du Règlement qui a été présentée par mon collègue d’en face est erronée. Comme je l’ai dit, elle va à l’encontre de l’intention véritable qui sous-tend les dispositions du chapitre 7 du Règlement du Sénat. Avant de parler plus en détail de la procédure, je dois dire que les arguments que nous avons entendus de la part du sénateur Plett me laissent quelque peu perplexe et confus.

Depuis que le gouvernement a lancé cette initiative visant à rendre le Sénat plus indépendant et moins partisan, le Parti conservateur dans cette enceinte s’est battu bec et ongles pour que le rôle de l’opposition soit reconnu. Depuis huit ans, on nous répète sans cesse que la dynamique gouvernement-opposition est une caractéristique fondamentale, nécessaire et essentielle du Sénat. Le modèle de Westminster a été invoqué à maintes reprises, comme s’il répondait à cet argument. À maintes reprises, cet argument a été instrumentalisé et utilisé pour retarder, perturber, étouffer et empêcher une modernisation raisonnable de notre Règlement. Il serait exagéré de dire que le Sénat a décidé de ne pas moderniser le Règlement ou de laisser les choses telles quelles. Ceux d’entre nous qui ont participé aux travaux du Comité du Règlement et d’autres comités ont vu comment ces initiatives ont été bloquées, précisément au motif que toute modernisation ne privilégiait pas la dynamique historique et jugée nécessaire de la confrontation entre le gouvernement et l’opposition.

Pourtant, aujourd’hui, dans ce qui s’inscrit comme une suite sans fin de tactiques dilatoires et d’obstruction ayant pour but de faire mourir ce projet de loi — disons-le franchement — dans la foulée de l’engagement public que l’on sait, on voudrait compromettre le rôle du gouvernement en le privant des seuls outils procéduraux dont il dispose pour que l’étude des projets de loi d’initiative ministérielle se fasse en temps opportun, pour contrer les tactiques dilatoires et pour servir les Canadiens au Sénat. Dans le cas présent, il en résulterait que les projets de loi d’initiative ministérielle seraient pris dans les limbes, rien de moins, et le Sénat au grand complet serait prisonnier de manœuvres orchestrées par les dirigeants conservateurs de la Chambre des communes lors des rencontres hebdomadaires de leur caucus national. Je rappelle à mes estimés collègues et à tous les autres qui écoutent ce sont là les faits.

Dans le Sénat représenté par l’actuel recours au Règlement, la sacro-sainte opposition officielle dispose de tous les outils imaginables pour bloquer l’adoption d’un projet de loi d’initiative ministérielle — et tant pis pour les Canadiens que nous sommes censés servir —, et le gouvernement n’a aucun moyen procédural de dénouer une impasse, même s’il a l’appui de la vaste majorité des sénateurs. « Moi j’ai droit aux avantages du régime de Westminster, mais pas toi », voilà ce que nous dit cette motion.

(1610)

Cela dit, malgré le manque flagrant de cohérence dans la position défendue par le sénateur Plett, le fond du problème est une question d’interprétation. Il s’agit de l’interprétation de notre Règlement, et c’est probablement la seule chose sur laquelle nous nous entendrons, le sénateur Plett et moi, puisque nous ne sommes pas d’accord sur la façon dont le Règlement devrait être interprété. En somme, c’est une question d’interprétation.

Selon moi, l’interprétation du sénateur Plett est erronée parce qu’elle va à l’encontre de l’esprit, de l’objet et du sens du chapitre 7. Il s’agit d’une interprétation très étroite et très rigide de l’article 7-2 et du chapitre 2 du Règlement. Cette interprétation vise, comme je l’ai déjà dit — pardonnez-moi les redites —, à empêcher le gouvernement du Canada de chercher à traiter les affaires du pays au moyen de la fixation de délai.

L’article 7-2 et l’ensemble du chapitre 7 du Règlement, honorables collègues, ont clairement et précisément pour but de confier au gouvernement du Canada, et non au leader d’un parti politique, le pouvoir de faire en sorte que les affaires du gouvernement suivent leur cours. Le recours au Règlement dont il est question aujourd’hui est seulement fondé sur une interprétation stricte et littérale de l’article 7-2 du Règlement.

Selon moi, ce n’est pas ainsi que nous devons interpréter le Règlement. Je commencerai toutefois par relire textuellement l’article 7-2, car même s’il ressort clairement de la jurisprudence que les tribunaux n’ont pas l’habitude de s’en tenir à une interprétation littérale des règles, d’aucuns pourraient croire que cette façon de faire peut bien valoir pour les lois et la Constitution du pays, mais certainement pas pour le Règlement du Sénat.

Eh bien à mon avis, c’est se tromper que de penser ainsi. Si la Constitution et les lois doivent être interprétées de manière logique, il devrait en être de même du Règlement du Sénat. L’objectif premier des façons modernes d’interpréter les textes juridiques consiste à en dégager la véritable intention et le véritable but.

Permettez-moi de vous lire l’article 7-2(1) du Règlement. Voici :

Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné [...]

Stricto sensu, chers collègues, rien dans cette disposition ne dit que les représentants des partis reconnus n’ont pas pu se mettre d’accord « les uns avec les autres ou entre eux ». Ce n’est pas ce que dit cet article. En fait, le Règlement ne permet à personne d’autre qu’au leader du gouvernement de proposer la fixation d’un délai.

[Français]

En ce qui concerne la version française de cet article du Règlement, il n’est aucunement prévu que le leader du gouvernement doit annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord, et je cite, « entre eux » pour fixer un délai.

[Traduction]

En tant que tel, le rappel au Règlement cherche en fait à introduire dans le Règlement quelque chose qui n’y figure pas, à savoir les mots « with each other » en anglais et les mots « entre eux » en français. Cette interprétation est donc manifestement erronée. Au contraire, dans le Règlement, il est clairement entendu que les leaders des partis reconnus doivent s’entendre avec le leader du gouvernement. La raison d’être du chapitre 7 est de fournir un outil au gouvernement pour mettre fin à des manœuvres dilatoires.

En l’absence d’un tel accord, le leader du gouvernement peut déclarer que les représentants des partis reconnus n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la fixation d’un délai. En vertu du sens premier de l’article 7-2, ils peuvent à tout moment déclarer qu’ils ne sont pas d’accord avec le leader du gouvernement. Comme je l’ai dit dans mes remarques liminaires, il n’y a jamais eu d’accord avec le leader du gouvernement lors des réunions entre leaders, lors des conversations individuelles avec le sénateur Plett ou lors des réunions du plumitif pour convenir que le débat s’achèverait cette semaine. Je vous rappelle que l’article 7-2 ne parle pas d’accord sur la motion. Il concerne le débat qui a été ajourné.

Cela dit, à tout le moins, même si je crois que mon interprétation littérale est celle qui est préconisée, l’article du Règlement n’est certainement pas aussi clair que le laisse entendre mon honorable collègue. Si c’est le cas, toute ambiguïté restante doit être tranchée de manière logique et calculée. En effet, lorsque le libellé d’un article du Règlement appliqué dans un contexte donné crée une ambiguïté, il convient d’examiner le but et l’intention générale de l’article pour choisir, parmi plusieurs significations possibles, celle qui correspond le mieux à son intention générale.

Avant d’en arriver là, chers collègues, je me dois de souligner qu’un autre aspect du sens évident de l’article 7-2 du Règlement rend ce recours au Règlement invalide. L’article ne m’oblige pas, en ma qualité de leader du gouvernement, à prouver que les représentants des partis reconnus n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour fixer un délai. Il m’oblige simplement à déclarer que les partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai.

[Français]

En français, l’article 7-2 du Règlement prévoit que mon seul fardeau, avant d’enclencher la procédure de fixation de délai, est d’« annoncer » que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai.

[Traduction]

Permettez-moi de répéter cela en anglais. La seule exigence prévue au Règlement est que j’annonce que nous n’avons pas pu nous mettre d’accord. C’est mon seul fardeau.

Le 20 septembre 2000, comme l’a déjà dit le sénateur Plett, le Président Molgat devait évaluer la recevabilité d’une motion de fixation de délai dans laquelle on remettait en question l’existence de consultations menées auprès des dirigeants, comme c’est le cas aujourd’hui. Je vais citer de nouveau le Président Molgat et sa décision :

Honorables sénateurs, le leader adjoint a déclaré que les représentants n’avaient pu s’entendre. Il m’est impossible de savoir s’ils y parviendront plus tard. Tout ce que j’ai devant moi, c’est une motion stipulant que, s’ils ne se sont pas entendus à l’heure actuelle, le Règlement a été observé et les conditions ont été fixées.

Par conséquent, chers collègues, je n’ai pas à justifier les circonstances dans lesquelles les représentants des partis reconnus — ou le représentant du parti reconnu, dans le cas présent —, n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai. À partir du moment où, à titre de leader du gouvernement, j’ai annoncé que les représentants des partis reconnus n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné, j’ai satisfait à l’exigence formelle de l’article 7-2 du Règlement, et je peux donner préavis, comme je l’ai fait, de la motion de fixation de délai. Comme je l’ai fait en interprétant à la lettre le sens ordinaire de l’article 7-2 du Règlement, la procédure de fixation de délai a été déclenchée en bonne et due forme.

Par conséquent, si, comme l’a indiqué mon collègue, nous nous appuyons sur une lecture purement littérale de cette disposition, il est clair, à mon humble avis, que j’ai satisfait aux exigences énoncées.

Cependant, cela étant dit, je suis fermement convaincu que l’analyse d’une règle qui s’applique à la procédure parlementaire ne devrait pas se limiter à une évaluation de son sens ordinaire, surtout, chers collègues, si cette évaluation devait aboutir à un résultat absurde ou contraire à l’intention évidente de la règle en question. Agir autrement ferait non seulement du tort à notre Règlement, mais également à l’organe — le Sénat — que ce Règlement est censé régir.

Par conséquent, je pense que la première chose à faire est de favoriser une interprétation de la règle qui réponde à son objectif. Si vous me le permettez, chers collègues, je crois qu’il serait utile à notre Président, dans le contexte particulier de ce rappel au règlement, d’examiner les lois canadiennes sur l’interprétation des lois et des règlements. À mon humble avis, ces lois sont pertinentes parce que c’est le cadre que nous avons choisi d’adopter pour donner un sens aux lois et aux règlements qui ont été adoptés par nous, par le Parlement et par les assemblées législatives provinciales.

Il est vrai que ces règles ne sont pas techniquement contraignantes pour le Règlement du Sénat, mais elles fournissent, chers collègues, un guide sur la façon dont nous, en tant que pays, considérons l’interprétation des normes juridiques. Par exemple, il y a plusieurs décennies, le Parlement a adopté la Loi concernant l’interprétation des lois et des règlements. L’article 10 de cette loi est particulièrement instructif. Il stipule ce qui suit :

La règle de droit a vocation permanente [...] de façon que le texte produise ses effets selon son esprit, son sens et son objet.

L’article 12 de la loi précise :

Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

La Cour suprême du Canada a aussi souscrit à la raison qui motive l’approche comme principe primordial de l’interprétation juridique, indiquant clairement que les juges devraient aller plus loin que le texte législatif et prendre en considération l’objet et le contexte de la loi en cause. À titre d’exemple, l’un des cas faisant jurisprudence en matière d’interprétation juridique est l’affaire Rizzo Shoes, où la cour a déclaré ceci :

[...] Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi.

(1620)

D’aucuns pourraient considérer que cette façon de faire ne vaut que pour les lois et les règlements et qu’elle ne doit pas s’appliquer aux règles parlementaires. Là aussi, je réponds « et pourquoi pas? » Pourquoi devrions-nous interpréter le Règlement du Sénat de manière littérale si le résultat est illogique et contraire à l’esprit et à la lettre de la disposition en question?

J’aimerais également renvoyer ceux qui prônent une lecture aussi rigide et inflexible de l’article 7-2 du Règlement aux autorités reconnues dans l’interprétation des règles parlementaires. J’admets que la jurisprudence sur cette question est mince. Il y a toutefois la décision rendue par la présidence de l’autre endroit le 14 avril 1987 qui pourrait guider notre réflexion sur l’évolution du Sénat.

À l’époque, le Président Fraser s’était penché sur la conciliation entre les règles législatives et la nature évolutive du paysage politique. Voici ce qu’il a dit :

En interprétant les règles de la procédure, la présidence doit tenir compte non seulement de leur lettre, mais aussi de leur esprit, et elle doit se guider sur la règle la plus fondamentale entre toutes, celle du bon sens [...]

[...] C’est ce qui permet, en dernier ressort de savoir ce que des personnes raisonnables jugent acceptable dans certaines circonstances.

Chers collègues, s’il y a une règle d’interprétation que nous devrions respecter au Sénat, c’est bien celle du bon sens.

C’est cette règle du bon sens que notre propre Président a suivie implicitement lorsqu’il s’est prononcé sur la question des titres des sénateurs Bellemare et Mitchell, soit coordonnatrice législative du représentant du gouvernement et agent de liaison du gouvernement, respectivement. Dans sa sagesse, le Président a dit :

Bien que les pratiques concernant les affiliations politiques aient évolué avec le temps, il n’en demeure pas moins que le Sénat a fait preuve d’une certaine souplesse pour satisfaire aux désirs raisonnables des sénateurs. Cela peut s’avérer particulièrement important quand le paysage politique évolue plus rapidement que l’institution peut apporter des changements de façon officielle. Il faut se montrer conciliant pour tenir compte de cette réalité.

[...] des exigences officielles n’ont pas toujours à être contraignantes. Il peut y avoir, dans les limites du raisonnable, une certaine souplesse qui tient compte des circonstances particulières. Le Sénat a fait preuve d’une telle souplesse dans le passé, et il continue de le faire. Nous avons bénéficié de cela.

[...] la souplesse à cet égard peut être raisonnablement considérée comme étant conforme à nos traditions et à nos pratiques parlementaires.

Chers collègues, bien franchement, l’interprétation de l’article 7-2 du Règlement présentée par mon estimé collègue est excessivement littérale, incroyablement étroite et complètement incompatible avec la logique du chapitre 7 du Règlement et l’objet d’une motion de fixation de délai. Plus que tout, elle va à l’encontre du bon sens. Il n’est pas exagéré, chers collègues, de faire valoir que cette interprétation, si elle devait être acceptée, pourrait mener à rien de moins qu’une perversion totale de l’article 7-2 du Règlement.

Chers collègues, je ne crois pas que quiconque au Sénat a le moindre doute sur le poste législatif que j’occupe. J’occupe le poste de leader du gouvernement au Sénat et je porte fièrement le titre de représentant du gouvernement. Ce titre reflète le virage nécessaire et positif vers un Sénat moins partisan. Les deux appellations sont interchangeables, et je devrais ajouter qu’elles sont maintenant prévues dans la loi.

Comme le Président Furey l’a indiqué dans sa décision sur les postes de leader adjoint du gouvernement et de whip du gouvernement au Sénat :

Depuis que ce rappel au Règlement a été soulevé, on s’est adressé au sénateur Harder à la fois en tant que leader du gouvernement et en tant que représentant du gouvernement. Quelle que soit l’appellation utilisée, il n’y avait aucun doute à qui les sénateurs s’adressaient.

Le bureau du représentant du gouvernement au Sénat exerce toute une série d’autres fonctions parlementaires réservées au gouvernement qui n’ont jamais été contestées. Il s’agit notamment des dispositions de l’article 4-13(3), qui permet au leader ou au leader adjoint du gouvernement de modifier l’ordre d’appel des affaires du gouvernement, comme nous l’avons fait aujourd’hui et à maintes reprises.

L’article 14-1(1) permet au leader ou au leader adjoint du gouvernement de déposer des documents ayant trait aux « responsabilités administratives du gouvernement ».

Comme c’est indiqué à la page 75 de La procédure du Sénat en pratique :

Après que le Sénat a terminé ses travaux pour la journée conformément au Feuilleton et Feuilleton des préavis, une motion visant la levée de la séance est habituellement présentée par le leader adjoint du gouvernement.

Actuellement, c’est la coordonnatrice législative qui s’occupe des procédures d’ajournement.

Chers collègues, dans l’exercice de mes responsabilités en tant que « leader du gouvernement » — c’est ainsi que l’opposition s’adressait à moi depuis trois ans et demi, jusqu’à tout récemment où j’ai été appelé représentant du gouvernement —, je participe à la période des questions, ce qui est prévu à l’article 4-8(1). L’opposition officielle souhaite-t-elle que je ne participe pas à la période des questions afin de répondre au nom du gouvernement?

En vertu de l’article 9-10, le whip du gouvernement au Sénat, l’actuelle agente de liaison du gouvernement, a la possibilité de reporter un vote par appel nominal.

En ce qui concerne l’article 12-24, le leader du gouvernement au Sénat dépose également les réponses du gouvernement aux rapports des comités lorsqu’une telle réponse a été demandée.

Comme on peut le lire aux pages 67 et 68 de La procédure du Sénat en pratique, seuls le leader du gouvernement ou le leader adjoint peuvent « donner préavis d’une motion du gouvernement » et ce sont habituellement eux qui sont responsables de faire mettre les projets de loi d’initiative ministérielle à l’ordre du jour lorsque des messages sont reçus de la Chambre des communes.

Autant le représentant du gouvernement que le coordonnateur législatif prennent part aux discussions qui ont normalement lieu, notamment lors des réunions d’organisation où sont abordées les affaires du gouvernement. Aucune de ces fonctions n’a jamais été remise en question au Sénat.

Pourtant, nous débattons présentement de ma capacité à employer un autre des outils dont dispose le gouvernement, à savoir la fixation d’un délai. Il est incontestable, chers collègues, que la fixation d’un délai est à l’usage exclusif du gouvernement et uniquement pour les affaires du gouvernement.

Si cet outil existe, c’est parce que cette catégorie d’affaires, les affaires du gouvernement, a droit à un traitement préférentiel. La possibilité de fixer un délai n’est pas fonction du parti reconnu au pouvoir. Cet outil est à la disposition du gouvernement du Canada, que je représente, peu importe le parti politique qui le forme et peu importe la façon qu’il a choisie pour être représenté au Sénat, comme celle préconisée par le gouvernement actuel dans le but de rendre le Sénat moins partisan et plus indépendant. Ce fait, chers collègues, est appuyé sans ambiguïté par les ouvrages de référence.

Tel qu’il est indiqué à la page 107 de La procédure du Sénat en pratique : « Seul le gouvernement peut proposer de fixer un délai, et seulement pour ses propres affaires. »

En octobre 2013, on a demandé au Président Kinsella de se prononcer sur la recevabilité d’une « motion de disposition » proposant d’établir un processus pour traiter de motions placées sous la rubrique Autres affaires qui visaient à suspendre trois sénateurs. Dans sa décision, le Président Kinsella a parlé des « pouvoirs de fixation de délai du gouvernement ».

Le Président a jugé que le fait d’autoriser un processus qui pourrait engendrer l’application des pouvoirs de fixation de délai du gouvernement à des affaires autres que des affaires du gouvernement ne respecterait pas le Règlement et les pratiques du Sénat.

Il a ajouté :

[I]l importe de souligner que, conformément au chapitre 7 du Règlement, le gouvernement a, comme on l’a déjà mentionné, la possibilité de fixer des délais pour les affaires entrant dans la catégorie des Affaires du gouvernement.

Honorables sénateurs, nos règles sont cohérentes. Les affaires du gouvernement ont la priorité, et des mécanismes sont prévus pour en faciliter l’expédition.

Compte tenu de l’important rôle qu’il remplit, le gouvernement dispose de moyens précis, que nous avons décrits précédemment, pour faciliter l’expédition de ses travaux.

Des arguments semblables ont déjà été présentés par la sénatrice Joan Fraser, qui a récemment pris sa retraite et qui était une experte en procédure. C’est elle qui avait invoqué le Règlement. Voici ce qu’elle a dit lors du débat sur la question :

Le chapitre 7 de notre Règlement traite tout entier de l’attribution de temps. Il est très clair, dès le départ, que la fixation de délais s’applique exclusivement aux affaires du gouvernement. C’est vraiment très clair : seul le gouvernement peut la proposer, et seulement pour ses propres affaires, c’est‑à-dire les affaires du gouvernement.

Il convient également de mentionner que, lors du débat sur ce rappel au Règlement, l’ancien sénateur Cowan, qui était alors leader de l’opposition, a fait valoir que le Règlement établissait une distinction claire entre les affaires du gouvernement et les autres et qu’il donnait au gouvernement certains outils pour faire avancer ses affaires :

Le Règlement fournit au gouvernement, de façon légitime, un moyen de faciliter la gestion de son programme. Il accorde la priorité aux affaires du gouvernement. Les affaires du gouvernement ont la priorité et elles doivent être traitées en conséquence même si, parfois, cela ne nous plaît pas. Le gouvernement dispose des outils nécessaires, y compris l’attribution de temps, la clôture, la guillotine et l’interruption des débats. Il dispose de ce pouvoir et il peut s’en servir.

À mon avis, le gouvernement devrait s’en servir plus judicieusement qu’il ne le fait, mais il possède ce pouvoir, qui est prévu dans le Règlement. Ce pouvoir ne tombe pas du ciel. C’est un pouvoir que, dans sa sagesse, le Sénat a accordé au gouvernement afin de faciliter la gestion de ses affaires.

Une autre décision de la présidence, qui a été rendue le 26 juin 2015 par notre estimé collègue le sénateur Housakos, porte également sur la nature de la fixation de délai.

Dans ce cas-là, le Président Housakos avait été appelé à se prononcer sur la recevabilité d’une motion de disposition du gouvernement qui devait s’appliquer à un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-377.

Dans la décision rendue, qui a été infirmée par le Sénat, le Président Housakos a jugé que la motion de disposition soumettrait les initiatives parlementaires « aux puissants outils mis à la disposition du gouvernement ». Il a ajouté ceci :

Les outils dont le gouvernement dispose pour faciliter l’expédition de ses travaux lui ont été accordés par le Sénat en 1991. Ils comprennent, entre autres, le contrôle de l’ordre dans lequel les Affaires du gouvernement sont appelées et, plus particulièrement, le pouvoir de proposer la fixation de délais.

(1630)

Le 8 décembre 2015, l’ancien sénateur Joyal a décrit plusieurs des fonctions exercées par le leader du gouvernement au Sénat. Plus précisément, il a souligné ce qui suit :

Premièrement, le leader du gouvernement est le seul qui a le droit ou le privilège de présenter des motions d’attribution de temps. Sans leader du gouvernement, il n’y a pas de motion d’attribution de temps conformément au Règlement.

Je voudrais également rappeler aux honorables sénateurs les commentaires formulés dans cette enceinte par le sénateur Housakos au sujet du rappel au Règlement du sénateur Plett concernant le projet de loi C-210 :

Seul le gouvernement a le droit d’avoir recours à la guillotine, à l’attribution de temps et à la clôture dans cet endroit. Ses membres en ont gagné le droit puisqu’ils ont gagné une élection souveraine.

En tant qu’ancien président du Comité du Règlement, je remercie le sénateur Housakos de nous avoir apporté encore plus de clarté quant au véritable objet du chapitre 7 du Règlement.

La sénatrice Batters a clairement indiqué par le passé qu’à son avis, en vertu des règles actuelles de fixation de délai, ou d’« attribution de temps », comme on le dit parfois, je peux, en tant que leader du gouvernement, conclure une entente avec l’opposition sur la fixation de délai. C’était dans le contexte d’une discussion portant sur l’élargissement de la portée du chapitre sept aux groupes parlementaires, qui sont actuellement exclus du processus.

Je cite la sénatrice Batters :

[...] cette entente de fixation de délais serait conclue entre le leader du gouvernement et le leader ou le représentant du parti de l’opposition, parce que c’est le seul parti reconnu. Avoir une entente avec tous les groupes parlementaires représentés serait certainement l’élément qui diluerait sans doute le plus le pouvoir de l’opposition. Il est manifeste que le sénateur Gold en serait ravi, mais nous ne pouvons absolument pas nous entendre là-dessus.

[...] lorsque le gouvernement ne parvient pas à obtenir une entente pour présenter un projet de loi particulièrement litigieux où le débat n’en finit plus, et qu’il estime devoir recourir à la fixation de délais pour faire avancer le programme législatif et passer aux voix, il ne peut pas agir autrement et il lui faut payer le prix politique que ce geste peut lui coûter.

[...] n’importe quel sénateur peut être en désaccord, causer des retards et des choses du genre, dans les limites du raisonnable. Mais ensuite, bien sûr, le gouvernement peut opter pour la fixation d’un délai, tel qu’établi dans notre Règlement [...]

Comme je suis en mode remerciements, permettez-moi de remercier le sénateur Plett pour la clarté de ses propos aux médias en février 2022 au sujet de ma capacité de proposer la fixation de délais. Voici ce qu’a dit le sénateur Plett, selon iPolitics :

Nous pouvons forcer le sénateur Gold à essayer de proposer la fixation de délai. Si les caucus n’appuient pas sa motion, alors nous pouvons poursuivre.

Chers collègues, de mon point de vue, il y a un consensus clair dans cette enceinte que le gouvernement ou sa personne responsable désignée — que l’on y fasse référence comme le leader du gouvernement ou le représentant du gouvernement — peut recourir à l’outil qu’est la fixation de délai.

Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada n’a pas été effacé de cette enceinte et il n’est pas simplement un parti politique. Les outils prévus dans notre Règlement existent pour permettre au gouvernement du Canada de mener à bien les affaires des Canadiens par l’entremise de cette Chambre.

Finalement, je tiens aussi à souligner qu’en cas d’interprétations ou de pouvoirs contradictoires, la présidence doit tenir compte des intérêts du Sénat. Le 23 mars 2004, le sénateur Hays s’est penché sur l’application de « la règle de la question résolue » dans le cas des projets de loi qui touchent des sujets similaires, ainsi que des interprétations divergentes entre les autorités parlementaires. Sa décision est très instructive. Il a déclaré ceci :

Comment pouvons-nous démêler ces dispositions et ces déclarations contradictoires? Je ne suis pas convaincu que nous le pouvons. C’est peut-être la quadrature du cercle. Le rôle du Président est de s’assurer que nous appliquons les meilleures pratiques tout en protégeant les intérêts du Sénat [...]

Nous avons pour pratique régulière, au Sénat, que le leader du gouvernement peut être d’accord ou non avec les autres leaders à propos d’une fixation de délai pour une affaire du gouvernement. Il s’agit d’une pratique exemplaire. Je considère que, s’il était accepté, ce recours au Règlement établirait un précédent très dangereux. Il neutraliserait toute une section du Règlement du Sénat; des dossiers importants pour les Canadiens risqueraient de rester dans les limbes au Sénat, et il n’y aurait pratiquement aucune solution pour un gouvernement qui a toute la confiance de l’assemblée élue qu’est la Chambre des communes. Ce scénario n’est décidément pas conforme à l’esprit véritable ni à la signification du chapitre sept, particulièrement de l’article 7-2.

En résumé, Votre Honneur, j’estime que ce recours au Règlement vise manifestement à éliminer la possibilité pour le gouvernement d’imposer une fixation de délai — alors que l’objet réel de l’article 7-2 est justement de conférer ce pouvoir au gouvernement. L’interprétation présentée avec une superbe éloquence par mon collègue ne satisfait pas au critère du bon sens. J’estime donc que ce recours au Règlement est sans fondement.

Pour conclure, honorables sénateurs, le débat sur ce recours au Règlement nous rappelle malheureusement — et je le dis avec tristesse, et non avec colère —, que des groupes parlementaires représentant plus de 80 % des sénateurs continuent d’être totalement exclus d’importants processus en vertu du chapitre sept du Règlement. Cette exclusion — qui est injuste, inéquitable, et franchement discriminatoire —, n’a aucun bien-fondé. Dans cette mesure, les dispositions du chapitre sept du Règlement appartiennent au passé.

Cela fait huit ans que la réforme visant à rendre le Sénat plus indépendant et moins partisan a été entamée, et les mesures destinées à remédier à l’iniquité de notre Règlement ont toujours été entravées, ralenties et écartées.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Cela va aussi à l’encontre du bon sens.

Cependant, je garde espoir, car je m’attends à ce que cette Chambre décide, au moment opportun, qu’on a assez attendu. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire pour moderniser le Sénat du Canada. Mettons-nous au travail.

Je vous remercie de m’avoir permis de m’exprimer à ce sujet, Votre Honneur.

L’honorable Leo Housakos : Je vous remercie, Votre Honneur. Maintenant que nous avons entendu l’interprétation très libérale du Règlement, voici les faits.

Honorables collègues, le sénateur Gold a soudainement décidé d’assumer ses fonctions de leader du gouvernement. Pendant sept ans, ses prédécesseurs et lui ont pris leurs distances par rapport à ce poste qui confère des pouvoirs exceptionnels, ce qui est évidemment légitime dans un système parlementaire fondé sur le modèle de Westminster et dans notre propre Chambre, mais le sénateur Gold a pris ses distances par rapport à ces fonctions pour diverses raisons.

La réalité, c’est que cette Chambre compte maintenant un groupe majoritaire dont les membres sont nommés par le parti au pouvoir. Si, dans les huit dernières années, vous n’avez pas pris de mesures pour changer la façon de fixer des délais, sénateur Gold, c’est pour une raison très simple. C’est parce que vous êtes en présence d’une opposition très coopérative depuis tout ce temps.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Housakos : Vous pouvez rire et trouver que c’est drôle, mais, un jour, vous vous retrouverez dans l’opposition et vous réaliserez qu’il y a un travail à faire. Laissez-moi vous dire que nous avons adopté rapidement la grande majorité des projets de loi du gouvernement, surtout en 2016-2017, lorsqu’il n’y avait pas de majorité de libéraux nommés par Trudeau au Sénat. Nous y sommes arrivés grâce à la coopération de l’opposition.

Vous pouvez rire autant que vous voulez. Tout au long de ce processus, le sénateur Plett a toujours négocié avec le sénateur Gold et avec son prédécesseur, le sénateur Harder. Cependant, il arrive un moment où l’opposition impose des limites. Vous avez tout à fait raison : le gouvernement a tout à fait le droit d’utiliser la fixation de délai. Je répète qu’il s’agit d’un outil légitime du système parlementaire de Westminster.

Sénateur Gold, je vous remercie d’avoir mis en exergue ma merveilleuse décision de 2015. Vous avez tout à fait raison : j’ai dit dans cette décision ce que je dis encore aujourd’hui, à savoir qu’il s’agit d’un outil légitime du gouvernement, sauf qu’à ce moment-là, c’est un gouvernement honnête, transparent et responsable qui a nommé le leader du gouvernement au Sénat, le leader adjoint du gouvernement et le whip du gouvernement.

En outre, ce qui est plus important par rapport au Règlement, sénateur Gold, c’est que le caucus conservateur était majoritaire au sein de cette assemblée. Tous ceux d’entre nous qui comprennent les règles parlementaires de Westminster dans le monde entier savent que ce sont nos partis politiques qui forment les gouvernements et élisent les premiers ministres. Soit dit en passant, notre légitimité vient de ces premiers ministres qui nous nomment au Sénat par le biais du processus des partis politiques.

Merci d’avoir parlé de cette décision, mais il faut la comprendre dans son contexte et dans son intégralité.

Deuxièmement, dans votre interprétation libérale du Règlement, en ce qui concerne les négociations évoquées par le sénateur Plett pour tenter de trouver un accord entre le gouvernement et l’opposition, le mot « gouvernement » n’apparaît nulle part dans ce Règlement rédigé en 1991. Le Règlement était normatif et clair : la fixation de délai n’est possible qu’à condition qu’un parti politique enclenche le processus. Ce n’est pas quelque chose que nous inventons, sénateur Gold.

(1640)

À moins d’un changement qui aurait été apporté dans la dernière heure et dont je ne serais pas courant — j’ai bien sûr vérifié avant de venir ici —, le site Web du Sénat continue de vous qualifier, sénateur Gold, de « non affilié ». Je suis persuadé que les délibérations télévisées d’aujourd’hui incluent une bannière sous le nom du sénateur Gold indiquant qu’il est non affilié. Il n’est pas indiqué qu’il est le « leader du gouvernement ». Certes, vous n’avez ménagé aucun effort à cette fin, et nous avons soulevé des rappels au Règlement qui remettaient en question cette approche malavisée du gouvernement qui joue à cache-cache avec le Sénat, en faisant du leader du gouvernement un représentant.

Vous avez créé ce contexte où vous n’êtes plus qu’une personne qui reçoit de l’information sans la transmettre au Sénat. Je pense que vous avez parlé de « recevoir passivement de l’information ». Nous ne vous avons pas imposé un tel rôle. C’est le premier ministre qui l’a imposé au titulaire et au Sénat lors des élections de 2015, lorsqu’il s’est livré à des jeux politiques visant cette institution. C’est la réalité.

Certains ont approuvé ce programme politique. Nous avons joué le jeu parce que nous comprenons que nous avons perdu trois élections successives. Il incombait à l’opposition d’assurer le fonctionnement du Sénat. Nous avons fait de petites concessions, mais il y a des limites à ne pas dépasser.

Nous avons tous entendu le sénateur Gold et le sénateur Harder, son prédécesseur, dire dans des entrevues aux médias et dans cette enceinte qu’ils ne sont affiliés à aucun parti politique. Je pense tout particulièrement à ce qui s’est passé à 14 h 45 pile, le 15 juin 2021, quand le sénateur Gold a été questionné à propos du fait qu’une ancienne députée du Parti vert, qui avait épousé des opinions assez antisémites, avait traversé le parquet pour rejoindre les libéraux. Voici la réponse que vous aviez donnée, sénateur Gold :

Au risque de sembler pointilleux, je représente le gouvernement au Sénat. Je ne suis pas membre du Parti libéral.

En ce qui concerne la décision du parti d’accepter cette députée et les circonstances entourant cette décision, ce serait au Parti libéral de répondre aux questions.

Vous en souvenez-vous? Bien sûr, le problème n’était pas seulement que la députée s’était jointe au Parti libéral, mais qu’elle était devenue membre du caucus libéral, une députée ministérielle. Or, vous avez refusé toute responsabilité à cet égard. En tout cas, chers collègues, ce sont là les propres mots du sénateur.

Le sénateur Gold, dans son rôle de leader du gouvernement ou de représentant du gouvernement, selon le jour, n’est pas affilié au Parti libéral ni à aucun autre parti reconnu par Élections Canada. Je n’invente rien. Or, c’est le critère élémentaire — le critère le plus fondamental — pour que le sénateur Gold soit autorisé à jouer un rôle dans les démarches visant à fixer un délai. Le Règlement est clair. Il n’est pas ambigu et ne laisse aucune place à l’interprétation, ni de la part des libéraux ni de la part des conservateurs. Il ne laisse place qu’à une interprétation factuelle indépendante.

Si cela venait à changer aujourd’hui, ou si jamais une décision de la présidence venait à changer cela, je m’attends certainement à ce que l’on fasse immédiatement parvenir un communiqué de presse à la Direction des communications du Sénat et au Service de télédiffusion du Sénat pour que le sénateur Gold, la sénatrice Gagné, la sénatrice LaBoucane-Benson et tous les autres soient désormais adéquatement identifiés à titre de représentants du gouvernement sur le site Web du Sénat et lors de la télédiffusion des délibérations de cette institution, de manière à rendre des comptes au public et à faire preuve de transparence.

Même après cela, sénateur Gold, cela ne vous donne pas le droit de fixer un délai. Pour pouvoir le faire, vous devez former un gros caucus libéral assorti de votre budget de 2 millions de dollars pour représenter le gouvernement, et encore, vous devez tenter de parvenir à une entente. C’est le Règlement. Il doit y avoir des négociations en vue de se mettre d’accord. Or, vous n’avez pas le droit d’entreprendre de telles négociations puisque vous n’êtes pas le leader du gouvernement. Votre Honneur, l’article 7-1(1) du Règlement dit :

Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que...

 — et je souligne ceci —

... les représentants des partis reconnus se sont mis d’accord pour attribuer un nombre déterminé de jours ou d’heures [...]

De plus, sans accord, l’article 7-2(1) prévoit que :

Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné [...]

Je ne suis pas juriste, mais c’est assez clair.

Conformément à l’article régissant la fixation de délais, le seul rôle du leader ou du leader adjoint du gouvernement dans notre structure actuelle est d’informer le Sénat de la décision du leader actuel de l’opposition quant à sa volonté de fixer ou non un délai.

L’article indique clairement que, avec ou sans accord, le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut déclarer que les représentants des partis reconnus se sont entendus ou n’ont pas réussi à s’entendre pour fixer un délai. Il ne précise pas que le leader ou le leader adjoint du gouvernement participe à cette décision. Ce sont plutôt les partis politiques reconnus qui doivent le faire.

Si telle était l’intention de l’article, il faudrait lire « étant parvenu à un accord avec » ou « n’étant pas parvenu à un accord avec ».

Ce n’est pas ce qui est écrit. Le libellé de l’article établit à dessein une distinction entre les représentants du gouvernement et les représentants des partis reconnus. Par contre, il ne précise pas si l’accord ou l’absence d’accord doit avoir lieu entre le gouvernement et les partis reconnus. Il laisse clairement le gouvernement à l’écart de cette décision. Le libellé actuel de l’article est clair : seuls les représentants des partis reconnus peuvent s’entendre sur la fixation de délais. C’est la règle.

À des fins de clarté, Votre Honneur, la définition de « parti reconnu » se trouve à l’annexe I, si quelqu’un a des doutes :

Un parti reconnu au Sénat est formé d’au moins neuf sénateurs qui sont membres du même parti politique, qui est enregistré conformément à la Loi électorale du Canada ou qui a été enregistré conformément à la Loi au cours des 15 dernières années.

C’est assez clair, n’est-ce pas? Nous respectons au moins les lois d’Élections Canada — la plupart d’entre nous, en tout cas.

Voici la suite de l’annexe I :

Un groupe parlementaire reconnu au Sénat est formé d’au moins neuf sénateurs et est constitué à des fins parlementaires. Un sénateur peut appartenir à un parti reconnu ou à un groupe parlementaire reconnu. Chaque parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu a un leader ou un facilitateur au Sénat.

Vous remarquerez que la définition établit même une distinction — c’est important — entre les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus.

Chers collègues, encore une fois, nous l’avons fait en collaboration, en raison d’un programme très politique imposé à notre institution parlementaire.

C’est important parce que, encore une fois, l’article du Règlement qui gouverne la fixation de délai fait seulement mention des représentants des partis reconnus, c’est-à-dire affiliés à un parti politique enregistré conformément à la Loi électorale du Canada.

La dernière fois que j’ai vérifié, le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe des sénateurs canadiens et le Groupe progressiste du Sénat ne sont pas reconnus par Élections Canada. Vous pouvez faire une demande d’enregistrement si vous le voulez, mais, en ce moment, vous n’êtes pas reconnus. Dans notre modèle de Westminster, seul le gouvernement peut fixer un délai, et les gouvernements sont formés par des partis politiques élus à la Chambre des communes. Bien sûr, par extension, comme je l’ai déjà dit, le premier ministre nous confère une légitimité en nous nommant au Sénat. Il est question de partis politiques — le Règlement ne fait nulle part mention des représentants des groupes parlementaires.

Comme je l’ai dit, nous avons déjà eu sept ou huit ans. Nous avons modifié la Loi sur le Parlement du Canada. Il ne semblait pas y avoir d’urgence, à l’époque, pour changer cela. Nous avons eu huit ans pour changer la façon de fixer des délais au Sénat. Il n’y a rien d’ambigu à cela.

Par ailleurs, avant que l’on ne saute aux conclusions en criant qu’il s’agit d’un oubli, il ne faut pas oublier que l’on a consacré beaucoup de temps, d’efforts et de ressources pour modifier le Règlement du Sénat au fil des années. Ces dispositions particulières n’ont pas échappé à notre attention. Ce n’est pas un accident si les représentants des partis reconnus ont été désignés en vue de conclure une entente sur la fixation de délai. Si vous ne voulez pas me croire sur parole, comment expliquez-vous que l’on a spécifiquement désigné et inclus les leaders des groupes parlementaires reconnus pour le temps de parole durant les débats sur une motion de fixation de délai? Le débat sur la question a bel et bien eu lieu.

Votre Honneur, l’article 7-3(1)f) du Règlement stipule ce qui suit au sujet du débat sur une motion de fixation de délai non convenu :

(i) [le] leader du gouvernement et [le] leader de l’opposition [...] disposent chacun de 30 minutes, et

(ii) [le] leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu [...] dispose de 15 minutes [...]

Autrement dit, la distinction est clairement indiquée entre les leaders des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus. Ils ne sont donc pas interchangeables dans cette Chambre. Cette décision a été rendue il y a quelques années avec la participation de l’ensemble des personnes dans cette enceinte.

Par conséquent, quand le Règlement dit que ce sont les leaders des partis reconnus qui doivent se mettre d’accord ou non, étant donné notre composition actuelle, cela ne désigne que le représentant du caucus conservateur. Ce choix n’est pas le nôtre : il a été imposé au Sénat par le premier ministre actuel, qui ne serait peut-être pas satisfait du résultat aujourd’hui. Le représentant du gouvernement aimerait peut-être être leader du gouvernement. Peut‑être aimeriez-vous même avoir un caucus libéral de 60 membres associé au budget de 2 millions de dollars, mais ce n’est pas le cas.

Le représentant du gouvernement n’est pas inclus parce que vous avez insisté pour qu’il en soit ainsi. Vous avez fait ce choix. Votre gouvernement l’a fait. Cela ne vient pas de nous.

Si vous n’êtes toujours pas convaincus que la formulation de cet article rend bien l’intention visée ou si vous croyez qu’une certaine ambiguïté laisse place à interprétation, je vous renvoie au témoignage présenté au défunt Comité sur la modernisation, le 23 mai 2018, par celui qui était alors leader du gouvernement. Le sénateur Harder parlait, entre autres choses, de la possibilité d’établir un comité de gestion des affaires du Sénat dans le but d’accroître l’efficacité des travaux du Sénat de diverses manières. Ce n’est pas la voie qu’a choisie le Sénat, comme on le sait, mais il est clair que nous pensions à la fixation de délais, à l’époque. Encore une fois, ce n’est pas comme si cela était passé inaperçu.

(1650)

À ce moment-là, le sénateur Harder a affirmé lors de son témoignage que l’approche adoptée devait protéger « le droit qu’ont tous les sénateurs de prendre part à un débat sur un projet de loi, d’examiner un projet de loi, d’y proposer des amendements et de s’y opposer ».

Cela expliquerait certainement le libellé de l’article sur la fixation de délai, qui protège le rôle de l’opposition dans sa détermination, surtout si l’on considère que le sénateur Harder a poursuivi en disant que l’article devrait également préserver « la capacité du gouvernement à se prononcer dans les débats » entourant la détermination de ses propres priorités. La durée des sonneries, le report des votes ainsi que le fait de permettre aux leaders du gouvernement de siéger comme membres d’office aux comités — de surcroît, il n’a rien dit au sujet du rôle du représentant du gouvernement dans la fixation de délai.

Tout cela vient établir encore davantage que la règle concernant la fixation de délai, qui désigne les représentants des partis reconnus comme les seuls participants à un accord était et est délibérée.

Pour conclure, je cite encore une fois le témoignage du sénateur Harder devant le Comité sur la modernisation. Le sénateur Harder a parlé des modifications à apporter à la Loi sur le Parlement du Canada pour refléter les nouvelles règles que le Sénat s’imposait à lui-même, soulignant à juste titre que de telles modifications nécessiteraient le consentement des deux Chambres du Parlement. Le sénateur Harder a déclaré, et je cite :

Du fait que le Sénat est un organe autonome, ce n’est cependant pas au gouvernement de procéder unilatéralement avec sa propre interprétation des modifications à apporter à la Loi sur le Parlement du Canada, qui pourrait nuire au fonctionnement interne du Sénat.

Le sénateur Harder a dit qu’il convenait, comme notre ancien collègue le distingué sénateur Serge Joyal, que tous les changements devaient venir du Sénat lui-même et être renvoyés à la Chambre pour qu’ils soient inclus dans un projet de loi.

Le sénateur Harder a ensuite cité les propos tenus le 24 février 2016 par l’honorable Dominic LeBlanc, qui était alors leader du gouvernement à la Chambre. Votre Honneur, voici ce qu’a dit le ministre LeBlanc :

Je serais disposé à entendre les suggestions des sénateurs ou à connaître le processus que vous, madame la présidente, ou vos collègues jugez approprié [...]

Vous comprendrez que ce n’est pas à un député de la Chambre des communes de dire aux sénateurs de quelle façon changer ou adapter leur propre règlement [...] Je serais donc heureux de travailler de façon collective ou collégiale pour faire en sorte que, si le gouvernement propose un projet de loi visant à modifier la Loi sur le Parlement du Canada, nous puissions en même temps corriger, amender ou mettre à jour [...] tous les éléments que vous et vos collègues jugez importants.

Chers collègues, Votre Honneur, la règle sur la fixation de délai est claire. Elle a été mise en place avec l’accord du Sénat pour tenir compte du fait qu’il n’y a plus de caucus gouvernemental ni de leader du gouvernement qui s’identifie comme étant affilié au parti au pouvoir. Il ne s’agit pas d’une règle archaïque que l’on n’a pas eu le temps de changer. Nous avons apporté des changements pour refléter le fait que ce n’est plus une Chambre composée uniquement de caucus politiques.

Si le gouvernement est autorisé à invoquer la fixation de délai, nous lui permettons de fixer librement les règles de cette enceinte. Je ne pense pas seulement que c’est irrecevable. J’irais même jusqu’à dire qu’il s’agit d’une atteinte au privilège et aux principes de cette institution, à savoir le respect des règles du Parlement.

Même si tous les autres sénateurs et vous estimez que le leader du gouvernement devrait être autorisé à invoquer la fixation de délai indépendamment de son affiliation ou de son absence d’affiliation, il s’agit d’une modification du Règlement qui ne devrait pas être décidée de cette manière. Il existe des procédures appropriées à cet égard. Nous pouvons renvoyer cette question au Comité du Règlement pour qu’il l’étudie comme il se doit, afin de lui permettre de faire rapport au Sénat dans le respect des règles du Parlement.

En procédant de la sorte maintenant, le gouvernement place aussi le Président, comme mon honorable collègue le sénateur Plett l’a dit plus tôt, dans une position absolument intenable. Il ne lui revient pas de rédiger le Règlement ou de passer outre à celui-ci, sénateur Gold, surtout pas au gré d’une personne de l’autre endroit — le premier ministre — qui impose des modifications au Règlement du Sénat.

Au bout du compte, sénateur Gold, le premier ministre a nommé une majorité de sénateurs dont le discours correspond à celui du gouvernement. Ils expriment les positions du gouvernement et il vote massivement pour celles-ci. Nous finançons en ce moment l’équipe du leader du gouvernement au Sénat même si elle nie qu’elle fait partie du gouvernement depuis sept ans et demi. Bien sûr, c’était jusqu’à aujourd’hui, où vous avez accepté votre rôle au sein du gouvernement. Je ne comprends donc pas pourquoi la partie de cache-cache se poursuit avec cette institution.

S’il y a une véritable volonté d’indépendance, montrons-le et veillons à ne pas bafouer le texte du Règlement. Après tout, nous nous trouvons dans un lieu où des lois sont élaborées, Votre Honneur. Si, en tant que législateurs, nous ne respectons même pas notre propre Règlement, comment diable pourrions-nous avoir une quelconque forme de légitimité en tant qu’institution aux yeux des Canadiens?

Merci, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le débat sur ce très important recours au Règlement soulevé par le sénateur Plett dure maintenant depuis 90 minutes. Nous entendrons quatre autres intervenants, soit la sénatrice Saint-Germain, la sénatrice Batters, le sénateur Dalphond et le sénateur Cotter, mais je préviens les sénateurs que beaucoup d’arguments importants ont déjà été présentés plus d’une fois et que les répéter ajouterait peu au débat.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, mes observations se veulent un complément de celles du sénateur Gold, avec qui je suis entièrement d’accord.

Le premier point que j’aimerais soulever concerne le dernier argument présenté par le sénateur Plett, c’est-à-dire sa conviction que le Sénat n’a pas de leader du gouvernement.

Je crois que l’époque où cette objection était valable est révolue. J’estime qu’elle aurait dû être soulevée à la première occasion, c’est-à-dire en novembre 2015 ou, à tout le moins, au début de la présente législature, puisque, chaque jour, le sénateur Plett, le sénateur Housakos et beaucoup d’autres de nos collègues appellent le sénateur Gold « monsieur le leader du gouvernement », et manifestement, il ne fait aucun doute que le sénateur Gold est le représentant du gouvernement et qu’il a les pouvoirs et les responsabilités que le Règlement du Sénat confère et confie au leader du gouvernement. Un précédent a été établi et cela fait maintenant partie intégrante de nos conventions parlementaires.

De plus, la Loi sur le Parlement du Canada, qui définit les règles et les traditions du Parlement du Canada en soi, a été modifiée et reconnaît maintenant au même titre le sénateur occupant le poste de leader du gouvernement au Sénat et celui occupant le poste de représentant du gouvernement du Sénat. Le Document d’accompagnement du Règlement du Sénat définit le leader du gouvernement ainsi :

Sénateur qui agit à titre de chef des sénateurs membres du parti au pouvoir. Selon l’usage actuel, le leader du gouvernement est aussi membre du Cabinet. Le titre complet est « Leader du gouvernement au Sénat ».

Le sénateur Gold est régulièrement considéré comme le leader du gouvernement. Il dispose d’un temps de parole illimité. La sénatrice Gagné exerce régulièrement les pouvoirs dévolus à la fonction de leader et de leader adjointe du gouvernement.

Il ne fait aucun doute que le sénateur Gold est à la tête des sénateurs appartenant au parti ministériel. La Loi sur le Parlement du Canada a été modifiée. Le titre du sénateur Gold est maintenant reconnu et la Loi sur le Parlement du Canada a préséance sur le Règlement du Sénat et, bien entendu, sur le site Web du Sénat.

Deuxièmement, en ce qui concerne les négociations, je suis d’accord avec le sénateur Gold. J’ai assisté avec d’autres collègues à la réunion des leaders et il est clair qu’il y a eu des offres et des tentatives de négociation à la suite de ce message. Je ne parlerai pas des négociations précédentes où tous les leaders étaient d’accord lorsque nous avons signé des accords sur un terrain d’entente, mais cette fois-ci, il est clair qu’il y a eu des tentatives. Je n’ai pas assisté aux réunions bilatérales entre le sénateur Plett et le sénateur Gold, évidemment, mais à ce sujet, j’aimerais vous renvoyer à une décision rendue par le Président Kinsella le 20 septembre 2000, à la suite d’un rappel au Règlement soulevé par le leader adjoint de l’époque.

Voici ce qu’a dit le Président Kinsella dans sa décision :

[L]e leader adjoint a déclaré que les représentants n’avaient pu s’entendre. Il m’est impossible de savoir s’ils y parviendront plus tard. Tout ce que j’ai devant moi, c’est une motion stipulant que, s’ils ne se sont pas entendus à l’heure actuelle, le Règlement a été observé et les conditions ont été fixées. Par conséquent, je déclare irrecevable le recours au Règlement.

Je crois, monsieur le Président, que vous vous trouvez dans le même type de situation parce que, en tant que Président du Sénat, vous ne prenez pas part à nos négociations. Vous ne participez pas à nos rencontres. Ce n’est pas votre rôle de lire nos courriels ou nos textos, ni d’écouter toutes nos conversations.

(1700)

Votre rôle consiste à recevoir une motion indiquant qu’on n’a pas réussi à se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné, et c’est pourquoi je vous renvoie à la décision rendue par le Président Kinsella le 20 septembre 2000.

Dans un autre ordre d’idées, il est clair, même d’après les observations du leader de l’opposition, que des efforts ont été déployés pour moderniser le Règlement du Sénat du Canada afin qu’il reflète les pratiques du Sénat. On trouve les expressions « partis reconnus » ou « partis » à 14 reprises dans le Règlement du Sénat. Le seul article où cette expression n’est pas accompagnée de l’expression « groupe parlementaire reconnu » est celui qui porte sur la fixation de délai. Je ne crois pas que l’intention du Sénat soit de rendre les dispositions relatives à la fixation de délai entièrement inopérantes du fait de cette omission involontaire.

Je répète que le recours au Règlement concernant le statut du représentant du gouvernement aurait dû être fait plus tôt, à la première occasion qui s’est présentée, c’est-à-dire il y a longtemps, à la fin de 2015, ou au début de la prochaine législature.

Je vous remercie.

L’honorable Denise Batters : Votre Honneur, je prends la parole afin d’exprimer mon appui au recours au Règlement du sénateur Plett.

Comme on l’a mentionné, le recours à l’article du Règlement du Sénat en question, l’article 7-2, exige le respect de deux critères : premièrement, le leader du gouvernement doit consulter les représentants des partis reconnus; deuxièmement, il faut que les « représentants des partis reconnus » n’aient pu se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat.

En ce qui concerne la motion de fixation de délai sans accord du sénateur Gold, aucun de ces critères n’est rempli. Le terme « parti reconnu » n’est pas un synonyme de « groupe reconnu ». Comme nous l’avons déjà entendu quelques fois, selon la définition qui figure dans le Règlement du Sénat, un « parti reconnu » est :

[...] formé d’au moins neuf sénateurs qui sont membres du même parti politique, qui est enregistré conformément à la Loi électorale du Canada ou qui a été enregistré conformément à la Loi au cours des 15 dernières années.

Manifestement, parmi les cinq groupes parlementaires qui sont représentés au Sénat à l’heure actuelle, seul le Parti conservateur du Canada, qui forme l’opposition, peut être qualifié de parti reconnu aux termes de cette définition.

Comme l’a affirmé le sénateur Plett, le sénateur Gold n’a pas consulté l’opposition conservatrice pour tenter d’arriver à un accord sur l’établissement d’un délai pour terminer le débat au sujet du message relatif au projet de loi C-11. Le premier critère n’a donc pas été rempli.

Le fait que le sénateur Gold ait approché d’autres groupes parlementaires pour obtenir leur consentement n’a pas d’importance. S’il n’a pas cherché à obtenir le consentement du leader du caucus conservateur du Sénat, le sénateur Gold n’a pas respecté les diktats clairement prescrits par le Règlement du Sénat.

En outre, étant donné qu’il n’a pas consulté le sénateur Plett — le représentant du seul « parti reconnu » au Sénat —, le sénateur Gold ne peut pas déclarer avec exactitude qu’il n’y a aucun accord pour fixer un délai, conformément à l’article 7-2(2), et ne peut donc pas proposer en conséquence une motion de fixation de délai.

Bien que les Présidents aient refusé par le passé de se prononcer sur la nature et la qualité des consultations entre les parties sur la fixation de délai ainsi que leur nombre, il est certain que le leader du gouvernement doit quand même approcher d’une manière ou d’une autre les partis reconnus pour tenter de se mettre d’accord avec eux avant de pouvoir annoncer qu’ils n’ont pas réussi à s’entendre, et ainsi invoquer l’article. Dans le cas contraire, l’article est totalement dénué de sens. Le gouvernement pourrait simplement imposer la fixation de délai quand il le souhaite et aucune disposition ne serait nécessaire pour régir le processus.

En termes parlementaires, la fixation de délai est un sujet on ne peut plus sérieux. Elle fait tomber la guillotine sur le débat, la plus précieuse de nos libertés démocratiques au Sénat. Il serait absurde que les articles encadrant le recours à ce mécanisme soient dénués de sens. De toute évidence, ce n’est pas ce qui était prévu.

En 2014, dans l’ombre du scandale des dépenses au Sénat, Justin Trudeau, alors chef du Parti libéral, troisième parti à la Chambre, a choisi, par opportunisme politique, de rompre les liens entre le caucus libéral du Sénat et le Parti libéral du Canada. Lors des élections de 2015, Justin Trudeau a proposé son nouveau modèle de Sénat indépendant.

Lorsque les libéraux ont pris le pouvoir après ces élections, Justin Trudeau a mis ce plan à exécution et a nommé Peter Harder à la tête de son équipe de transition. Depuis, le gouvernement Trudeau s’est donné beaucoup de mal pour faire comprendre que les nouvelles nominations du premier ministre Trudeau au Sénat ne sont en aucun cas affiliées au Parti libéral. Elles doivent être « indépendantes » et « non partisanes ».

Les libéraux prétendent souvent que le leader du gouvernement au Sénat est à l’écart de tout lien partisan. Le bureau du représentant du gouvernement n’a plus qu’un caucus de trois personnes.

Dans ces conditions, je soutiens que les membres du bureau du représentant du gouvernement, y compris le représentant du gouvernement lui-même, ne pourraient pas non plus être considérés comme des « représentants des partis reconnus » et, par conséquent, qu’ils ne pourraient pas du tout présenter une motion de fixation de délai.

Il est important d’examiner attentivement la formulation de l’article 7-2(2). Le Cambridge Dictionary définit le terme « accord » comme « une décision ou une entente, souvent officielle et écrite, entre deux ou plusieurs groupes ou personnes ».

Il n’est donc pas possible d’avoir un accord avec un seul représentant — dans ce cas-ci, le sénateur Plett. Ajoutons que le terme « parti reconnu » dans l’article 7-2(2) du Règlement du Sénat de désigne pas non plus une entité qui est partie à un accord contractuel légal.

Dans cette institution politique qu’est le Sénat, la définition de « parti reconnu » qui se trouve dans l’Annexe du Règlement du Sénat précise qu’un parti reconnu doit être composé de sénateurs qui sont membres du même parti politique.

Le représentant du gouvernement au Sénat nous a souvent répété que le bureau du représentant du gouvernement n’avait aucun lien partisan. Pour ce qui est de leur affiliation, les trois membres du caucus du bureau du représentant du gouvernement se déclarent « non affiliés », notamment sur le site Web du Sénat, lors de la diffusion des travaux du Sénat et des comités, et sur le site Web du bureau du bureau du représentant du gouvernement.

Sur le site du bureau du représentant du gouvernement, le BRG, on trouve la question suivante parmi les questions courantes : « Pourquoi les membres du BRG sont-ils désignés comme non affiliés plutôt qu’en tant que membres d’un parti? »

La réponse commence comme suit :

Le caucus du parti au pouvoir à la Chambre des communes ne comprend pas les sénateurs, une décision qui a été prise pour atténuer la partisanerie et accroître l’indépendance au Sénat.

Les sénateurs du parti ministériel ont choisi de ne pas s’allier au parti du gouvernement libéral. Ils ne peuvent pas faire volte-face et choisir maintenant de s’appuyer sur le gouvernement dans le but d’étouffer le débat sur un projet de loi des plus controversés.

Le premier ministre Justin Trudeau a intentionnellement établi le nouveau système de nomination des sénateurs de cette manière. Il souhaitait ainsi éloigner le Parti libéral et le gouvernement libéral du scandale des dépenses au Sénat. La première fois qu’il a utilisé le nouveau système pour nommer des sénateurs, en 2016, le premier ministre a déclaré ceci dans son communiqué de presse :

Les nominations au Sénat que j’ai annoncées aujourd’hui aideront à atteindre l’objectif important de transformer le Sénat en une institution moins partisane et plus indépendante [...] puisque nous éliminons la partisanerie afin d’assurer que les intérêts des Canadiens priment sur les allégeances politiques.

Le leader du gouvernement à la Chambre des communes du premier ministre Trudeau à l’époque, Dominic LeBlanc, a déclaré, lors de l’annonce des changements apportés au système de nomination au Sénat en décembre 2015 :

Comme l’a souligné la ministre, la nomination des premiers sénateurs non partisans revitalisera le Sénat et contribuera à changer le ton au début de l’année 2016. D’autres sénateurs indépendants rejoindront leurs rangs au cours de l’année prochaine. Le gouvernement est heureux de faciliter ce changement en nommant son représentant au Sénat parmi les rangs des nouvelles recrues non partisanes.

Le ministre LeBlanc a poursuivi en anglais :

Le gouvernement est impatient de diriger ce changement en nommant l’un des nouveaux sénateurs indépendants qui seront désignés, comme l’a dit ma collègue, avec un peu de chance très tôt dans la nouvelle année, pour être le représentant du gouvernement au Sénat.

Lorsqu’il a comparu avec la ministre des Institutions démocratiques de l’époque, Maryam Monsef, au Comité du Règlement du Sénat en février 2016, M. LeBlanc a réitéré :

Nous nommerons un représentant du gouvernement parmi les cinq premiers sénateurs indépendants nommés dans le cadre de ce nouveau processus. Ce sénateur fera office de représentant du gouvernement à la Chambre haute [...] Cependant, contrairement à un leader du gouvernement traditionnel, la personne nommée n’aura ni liens avec un parti ni liens politiques, comme ce fut le cas par le passé.

Le gouvernement Trudeau voulait clairement que les nouvelles nominations au Sénat, y compris la personne sélectionnée pour le rôle de leader du gouvernement au Sénat, n’aient plus d’affiliation officielle avec le Parti libéral du Canada.

En fait, le premier critère d’évaluation énoncé sur le site Web du gouvernement Trudeau pour les nominations au Sénat sous les « Critères fondés sur le mérite établis par le gouvernement » est « Impartialité ». Voici l’explication fournie :

Les personnes devront démontrer au comité consultatif qu’elles sont en mesure d’apporter des points de vue et de contribuer aux travaux du Sénat de façon indépendante et non partisane.

Dès le début, et de manière cohérente depuis, le gouvernement Trudeau s’est vanté que l’impartialité est le critère fondamental de son nouveau processus de nomination au Sénat.

Le premier « représentant du gouvernement » autoproclamé, le sénateur Peter Harder, s’est exprimé sur la distance entre lui et tout lien de partisanerie libérale. Quand il a témoigné devant le Comité de la modernisation du Sénat, en septembre 2016, le sénateur Harder a dit ceci :

Je pense que je ne dois pas être affilié à un parti ou à un caucus en particulier [...]

Il a aussi déclaré ceci :

[...] Je félicite le premier ministre Trudeau pour l’initiative qu’il a lancée [...] à la fois en instaurant un processus de nomination indépendant [...] et en dissociant le caucus de son parti du caucus national, chose qu’il a faite en soulignant l’indépendance institutionnelle de notre Chambre par rapport à l’autre Chambre, ainsi qu’en nommant un représentant plutôt qu’un leader, qui est indépendant au départ, et non partisan [...]

(1710)

En avril 2016, dans son discours inaugural au Sénat, le sénateur Harder a déclaré :

Contrairement aux anciens leaders du gouvernement au Sénat, je siège à titre de sénateur indépendant. Je n’appartiens à aucun caucus politique [...]

Pour remplir mon mandat, je n’ai pas besoin d’être membre d’un parti politique et je ne serai pas membre d’un caucus national ni d’aucun caucus politique.

Lorsque le sénateur Harder a témoigné devant le Comité de la régie interne du Sénat en avril 2016 pour demander que l’on finance le bureau du représentant du gouvernement, je lui ai demandé s’il avait l’intention de demander aux nouveaux sénateurs nommés par Trudeau de former un caucus gouvernemental. Voici sa réponse :

Absolument pas. Ce n’est pas à moi de former un caucus ou d’orienter les sénateurs indépendants dans une direction quelconque.

Le sénateur Harder a encore affirmé la volonté du gouvernement de rompre avec l’esprit partisan dans son document de discussion daté d’avril 2018.

Je cite :

L’approche actuelle du gouvernement vis-à-vis du Sénat cherche, en ayant éliminé le caucus du gouvernement et la nomination des sénateurs indépendants qui ne possèdent pas d’intérêts personnels dans l’élection d’un parti ou d’un autre, à générer les conditions susceptibles de permettre au Sénat de tirer profit de ses qualités uniques et de démontrer aux Canadiens sa valeur en tant qu’organisme complémentaire fournissant un second examen objectif.

En 2019, le bureau du représentant du gouvernement a publié un rapport sur les progrès du nouveau Sénat de Trudeau. On peut y lire ceci :

L’une des différences fondamentales entre le nouveau et l’ancien système est soulignée par l’absence de discipline de parti envers les sénateurs indépendants sur les votes et autres questions législatives. Auparavant, les sénateurs acceptaient dans une large mesure de voter comme le voulait la direction de leur parti. C’est toujours le cas pour les sénateurs conservateurs. En revanche, les sénateurs indépendants (qu’ils soient non affiliés, membres du Groupe des sénateurs indépendants ou des libéraux indépendants au Sénat) ne se font pas dire comment voter et ils ne coordonnent pas de stratégies partisanes avec les députés.

Le bureau du représentant du gouvernement a aussi dit ceci :

Parmi les trois groupes de sénateurs — le GSI, les libéraux indépendants et les conservateurs — seuls les [29] sénateurs conservateurs font toujours partie d’un caucus politique national, et ils se consacrent à l’élection de leurs collègues à la Chambre des communes.

Il est évident que le gouvernement Trudeau considère que les sénateurs conservateurs font partie du seul parti reconnu au Sénat. Cela n’a pas changé depuis que le groupe des sénateurs indépendants libéraux est devenu le Groupe progressiste du Sénat, ou GPS, ni depuis la naissance du Groupe des sénateurs canadiens, ou GSC, qui comprend des sénateurs qui venait du caucus conservateur et de ce qui était auparavant le caucus libéral. Comme nous le savons, depuis ce temps, des sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau se sont joints à eux, mais le GSC est fier de dire qu’il n’est affilié à aucun parti.

En 2017, le sénateur Gold, qui allait devenir plus tard le deuxième représentant du gouvernement, a dit ceci au sujet de la partisanerie :

[...] il a pris une importance particulière depuis l’arrivée d’un nouveau groupe de sénateurs, dont je fais partie, qui ne sont affiliés à aucun des partis politiques, qui ne font partie d’aucun caucus politique et qui se définissent comme des sénateurs non partisans.

L’automne dernier, le sénateur Gold a réfléchi à sa distance par rapport aux liens partisans en tant que deuxième représentant du gouvernement au Sénat. En octobre 2022, lors d’une réunion du Comité sénatorial du Règlement, il a dit :

La capacité d’avoir un temps de parole illimité est un important outil que moi et mon prédécesseur avons dû utiliser [...] C’est un outil très important, plus important que jamais peut-être, car je n’ai pas de caucus à diriger.

En novembre 2022, lors d’une réunion du Comité sénatorial du Règlement, le sénateur Gold a réaffirmé qu’il n’avait aucun lien politique avec le gouvernement. Il a déclaré :

[...] ce gouvernement, que j’ai le privilège de représenter, a pris la décision, a fait le choix, de libérer le Sénat du contrôle du gouvernement à un moment où, à cet égard, il cherchait à lui conférer une plus grande indépendance et à en réduire la partisanerie. Oui, cela a pour conséquence que je n’ai pas de caucus et que je ne contrôle pas les votes. C’est une décision de ce gouvernement [...]

Le gouvernement Trudeau a d’abord proposé de modifier la Loi sur le Parlement du Canada avec le projet de loi S-4 pour refléter cette nouvelle réalité non partisane du Sénat. En mai 2021, en comité plénier, j’ai demandé au leader du gouvernement Trudeau à la Chambre, Dominic LeBlanc, pourquoi le gouvernement avait négligé de définir ces nouveaux rôles dans le projet de loi. Il m’a répondu ce qui suit :

[...] le Sénat peut très bien définir lui-même ces rôles en fonction de ses propres règles et pour les personnes qui sont nommées à ces postes, afin de décider avec les divers groupes du Sénat et leurs collègues d’un certain groupe, par exemple, le genre de rôles qu’ils souhaitent entreprendre et le travail qu’ils souhaitent réaliser. Nous n’avons pas cru qu’il serait particulièrement normatif d’établir des descriptions de tâches ou des listes de postes en particulier.

Le projet de loi S-4 et son successeur, le projet de loi S-2, visaient également à modifier la disposition de la Loi sur les mesures d’urgence à propos de la composition du comité d’examen parlementaire. Selon la disposition de la Loi sur les mesures d’urgence en vigueur à ce moment-là, le comité devait compter au moins un député de chaque parti reconnu à la Chambre des communes et :

[...] au moins un sénateur de chaque parti, représenté au Sénat, dont un député appartient au comité.

Seuls les membres du caucus conservateur du Sénat avaient le droit de siéger au comité selon cette définition d’affiliation à un parti. Par conséquent, le comité ne comporte actuellement aucun représentant du bureau du représentant du gouvernement. Les leaders du Sénat ont dû conclure une entente pour permettre l’inclusion de représentants du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe progressiste du Sénat et du Groupe des sénateurs canadiens quand le comité d’examen parlementaire a commencé son travail en mars 2022, car ces groupes n’étaient pas affiliés à des chefs de parti.

La disposition de la Loi sur les mesures d’urgence régissant la composition du comité d’examen parlementaire n’a pas été officiellement modifiée pour autoriser l’inclusion de ces groupes sénatoriaux non partisans jusqu’à l’adoption du projet de loi d’exécution du budget, le C-19, à la fin de juin 2022. De la même façon, le seul parti reconnu en vertu du Règlement du Sénat est aussi le caucus de l’opposition conservatrice représentant le Parti conservateur du Canada, l’opposition officielle à la Chambre des communes.

L’automne dernier, au Comité du Règlement du Sénat, les sénateurs ont examiné attentivement les règles régissant la fixation de délai. Bon nombre des leaders des groupes parlementaires étaient présents à ces réunions, y compris Marc Gold, le représentant du gouvernement. Certains participants ont exercé beaucoup de pression pour modifier le Règlement afin que les groupes parlementaires puissent donner leur accord sur la fixation de délai. Toutefois, il a été impossible d’obtenir le consensus. Par conséquent, selon l’article du Règlement du Sénat en vigueur, il faut encore seulement l’accord des partis reconnus.

Nous pouvons également nous référer aux règles régissant l’attribution du temps à la Chambre des communes pour plus de clarté. L’article 78(1) du Règlement régit les motions d’attribution de temps présentées après la conclusion d’un accord entre les « représentants de tous les partis ».

Il convient de noter que, dans la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, on peut lire à la page 162 que « les mots “représentants de tous les partis”, tels qu’ils apparaissent à l’article 78 du Règlement, ne visent pas les députés indépendants ». En outre, la Chambre peut également nous donner des indications sur l’obligation de consultation avant que le gouvernement n’impose l’attribution de temps. Je me réfère à la même citation de La procédure et les usages de la Chambre des communes à laquelle le sénateur Plett a fait référence concernant le fait de réunir les parties pour négocier. Il n’y aurait pas de « réunion des partis pour négocier » si le gouvernement n’était pas tenu de consulter d’abord les autres membres de parti.

En conclusion, Votre Honneur, je vous exhorte à juger irrecevable la motion du sénateur Gold invoquant la fixation des délais pour l’examen du message relatif au projet de loi C-11. Le sénateur Gold n’a pas demandé à notre leader conservateur au Sénat, le représentant du seul parti reconnu au Sénat, de s’entendre pour mettre fin au débat, et il n’aurait donc pas pu ne pas s’entendre sur le temps à consacrer à la réponse au message, comme il l’a indiqué au Sénat dans sa motion.

De plus, le leader du gouvernement au Sénat ne peut pas être le chat de Schrödinger du Sénat, lié au Parti libéral au pouvoir dans le but de représenter un parti reconnu en vertu du Règlement du Sénat, tout en prétendant simultanément être indépendant de toute affiliation politique. Depuis sept ans et demi, le gouvernement libéral et les deux représentants du gouvernement au Sénat insistent pour dire qu’ils n’entretiennent aucun lien partisan. Donc, je soutiens que le sénateur Gold ne peut pas présenter une motion de fixation de délai.

Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je suis le quatrième ou peut-être le cinquième à prendre la parole, mais je promets d’être celui qui sera le plus bref.

Je comprends que le point soulevé par le sénateur Plett concerne son droit à une certaine négociation avec le sénateur Gold avant que ce dernier puisse présenter une motion aux termes de l’article 7-2(1) et il a le droit de vous demander de vérifier si ce droit a été respecté. En tout respect, je ne suis pas d’accord avec cette interprétation et j’expliquerai brièvement pourquoi en fondant ma réponse sur le Règlement et sur les décisions antérieures du Président Molgat dont la sénatrice Saint-Germain et le sénateur Plett ont parlé.

Le chapitre 7 du Règlement du Sénat, qui porte sur la fixation d’un délai, précise que seuls « le leader ou le leader adjoint du gouvernement » peuvent présenter une motion de fixation de délai. Le chapitre 7 prévoit deux cas de figure : soit le leader ou le leader adjoint du gouvernement présente une motion avec l’accord des représentants des partis ou groupes reconnus, soit il le fait sans avoir l’accord de ces derniers. Il n’est inscrit nulle part dans le Règlement que le leader du gouvernement a l’obligation de tenter d’arriver à un accord avec les représentants des autres groupes quant au délai à fixer avant de présenter une motion sans accord.

Le représentant du gouvernement peut toujours décider de présenter la motion sans accord s’il est d’avis qu’il serait impossible d’arriver à un accord, mais ce choix a une conséquence. Il peut s’ensuivre un débat de deux heures et demie, alors que si la motion est proposée à la suite d’un accord, la question doit être mise aux voix immédiatement sans débat ni amendement, comme le prévoit l’article 7-1(3).

(1720)

Lorsque le représentant du gouvernement au Sénat choisit de procéder sans accord, la question est simple du point de vue de la procédure, étant donné qu’il s’agit d’une déclaration de désaccord et non d’une invitation à mener une enquête factuelle sur la probabilité d’un accord, ce qui supposerait vraisemblablement de divulguer des discussions confidentielles.

Votre Honneur, pour faire une telle affirmation, je me fonde sur la décision qu’a rendu l’un de vos prédécesseurs, le Président Molgat, le 20 septembre 2000, concernant le recours au Règlement auquel le sénateur Plett et la sénatrice Saint-Germain ont fait référence. Cependant, je vais la relire, car je ne crois pas que son sens correspond à l’interprétation qu’en fait le sénateur Plett :

En ce qui concerne le point soulevé par le sénateur Kinsella, je voudrais que vous vous reportiez au paragraphe 39(1), qui prévoit simplement que, si « [...] le leader adjoint du gouvernement au Sénat, de sa place au Sénat, peut déclarer que les représentants des partis n’ont pas réussi à s’entendre pour attribuer un nombre précis de jours et d’heures[...] », cela autorise le leader adjoint à donner avis.

Honorables sénateurs, le leader adjoint a déclaré que les représentants n’avaient pu s’entendre. Il m’est impossible de savoir s’ils y parviendront plus tard. Tout ce que j’ai devant moi, c’est une motion stipulant que, s’ils ne se sont pas entendus à l’heure actuelle, le Règlement a été observé et les conditions ont été fixées. Par conséquent, je déclare irrecevable le recours au Règlement.

La validité de cette décision est confirmée par le texte français de notre article 7-2(1).

[Français]

Cet article dit que le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut « annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord ». C’est un simple constat de faits. Les partis n’ont pu se mettre d’accord.

[Traduction]

Autrement, Votre Honneur, en supposant que le Règlement vous oblige à enquêter sur la possibilité d’une entente sur la fixation de délai — et je ne crois pas qu’il le fasse —, permettez-moi d’ajouter qu’il n’est pas nécessaire de tenter une telle démarche préalable lorsqu’une entente semble impossible. En droit, il existe un principe bien connu : « À l’impossible, nul n’est tenu. »

Dans le cas qui nous occupe, le sénateur Gold, représentant du gouvernement, que le groupe conservateur appelle toujours « leader du gouvernement », a décidé de présenter une motion de fixation de délai sans l’accord du représentant du groupe conservateur, étant d’avis qu’un tel accord est impossible. Cette conclusion est tellement raisonnable qu’elle ne peut être contestée — du moins pas sérieusement. Le groupe conservateur avait proposé un amendement, et quelques minutes plus tard, un amendement à cet amendement, afin d’imposer deux débats distincts supplémentaires en plus du débat sur la motion du sénateur Gold en réponse au message de la Chambre des communes. En outre, plusieurs votes pour ajourner le débat, y compris une sonnerie d’une heure chaque fois au lieu d’une sonnerie plus courte, nous ont été imposés.

Autrement dit, les sénateurs du groupe conservateur ont clairement démontré qu’ils souhaitent prolonger le débat le plus longtemps possible et que, à leur avis, aucune limite de temps n’est acceptable. Dans un tel contexte, Votre Honneur, il est clair à mes yeux que le représentant du gouvernement, le sénateur Gold, peut déclarer sans hésitation que le représentant du groupe conservateur au Sénat a démontré qu’un accord de fixation de délais est inacceptable aux yeux de son groupe et qu’en conséquence aucun accord n’est possible.

Sinon, la seule autre conclusion possible serait que le sénateur Plett prenne la parole aujourd’hui et déclare qu’il accepte la motion visant à consacrer six heures de débat au message de l’autre endroit. Ensuite, si les représentants des autres groupes y consentent également, la question de fixation de délais devrait être mise aux voix, sans débat ni amendement, comme le stipule l’article 7-1(3).

Manifestement, toutefois, ce n’est pas ce que les sénateurs conservateurs demandent.

Pour conclure, je vais parler de la tentative d’établir une distinction entre le bureau du leader du gouvernement et le bureau du représentant du gouvernement au Sénat. On a beaucoup parlé de l’annexe de notre Règlement. C’est intéressant, mais commençons par les principes fondamentaux du droit. En premier lieu, il y a la Constitution, à laquelle on ne peut déroger. En second lieu, il y a les lois adoptées par le Parlement, auxquelles on ne peut déroger. Il faut lire notre Règlement en fonction des lois qui s’appliquent à nous et de la loi ultime, soit la Constitution.

La Loi sur le Parlement du Canada, telle que modifiée en 2022, prévoit, au paragraphe 62.4(1) :

Malgré l’article 62.3, les personnes ci-après reçoivent, à compter du 1er juillet 2022, les indemnités annuelles supplémentaires suivantes :

a) le sénateur occupant le poste de leader ou représentant du gouvernement au Sénat, sauf s’il reçoit un traitement prévu par la Loi sur les traitements, 90 500 $ [...]

Votre Honneur, il est intéressant de lire cette loi. Le premier responsable nommé dans cette disposition, c’est-à-dire à l’alinéa a), est « le sénateur occupant le poste de leader ou représentant du gouvernement au Sénat ». En ce qui concerne le Parlement, ces deux titres désignent le titulaire du même poste. Ils sont traités au même endroit dans la Loi sur le Parlement du Canada et sont assortis du même salaire. Pourquoi? Parce que le titulaire, qu’il soit leader ou représentant du gouvernement, exerce les mêmes fonctions. Pour moi, c’est si évident que je n’ai même pas besoin de citer la décision de la Cour suprême dans l’affaire Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., qui dit que si une interprétation soulevée mène à une conclusion absurde, la cour ne peut retenir cette interprétation.

C’est exactement ce qu’on nous demande de faire aujourd’hui.

Je ne suis pas d’accord, et je dirais que cela ne fera pas long feu devant les tribunaux. Puisque nous parlons d’une loi du Parlement, Votre Honneur, je vous dirai que vous vous trouvez dans la même position qu’un juge : vous devez interpréter de manière juste et raisonnable cette mesure législative. Ce qui a été proposé est tout absolument déraisonnable.

Si ça marche comme un canard et que ça cancane comme un canard, c’est un canard.

Voilà ce qui nous est soumis, Votre Honneur. Ce rappel au Règlement va à l’encontre de toutes les interprétations du Règlement, et ne peut pas être accepté.

Merci beaucoup, Votre Honneur. Merci. Meegwetch.

L’honorable Brent Cotter : Votre Honneur, je n’ai pas eu autant de temps que d’autres sénateurs pour préparer mon intervention sur ce sujet. Je serai bref et je me chercherai exclusivement à vous inviter à adopter une certaine approche concernant l’interprétation de cette question.

Le sénateur Plett a proposé une interprétation très littérale du Règlement sur cette question. Elle est tellement littérale qu’il a même été impressionné par l’absurdité d’un ou deux de ses propres points. J’avoue que j’ai également été impressionné et que j’ai ri un peu dans ce coin.

Le sénateur Gold a également fourni une interprétation littérale dans sa réponse. Il s’agissait d’une interprétation littérale contre une autre, ce qui porte à croire qu’une personne n’a qu’à déclarer quelque chose. C’est peut-être littéralement vrai, mais je préfère de loin les observations du sénateur Dalphond selon lesquelles il doit y avoir quelque chose de raisonnable à cet égard. Votre Honneur, je vous invite à rejeter chacun de ces points.

Votre Honneur, je pense que vous ne feriez pas honneur à l’institution du Sénat si vous appliquiez une interprétation purement littérale. Comme je crois que le sénateur Dalphond l’a dit, vous êtes l’arbitre de l’interprétation législative de cette question. J’aimerais citer un extrait de l’affaire dont a parlé le sénateur Gold. Avec tout le respect que je lui dois, je pense qu’il s’agit d’un meilleur extrait qui démontre ce point; il fait valoir aussi le même point que le sénateur Dalphond a soulevé.

(1730)

Voici un extrait de l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. de la Cour suprême du Canada. Il a été rédigé par le juge Iacobucci, un juge très respecté mais pas particulièrement — je me contenterai de dire qu’il est très respecté. Cet arrêt est souvent décrit comme le plus important en matière d’interprétation législative concernant l’absurdité. Voici ce que dit le juge Iacobucci :

Selon un principe bien établi en matière d’interprétation législative, le législateur ne peut avoir voulu des conséquences absurdes.

 — ce que serait, selon moi, l’affaiblissement du rôle du sénateur Gold —

[...] on qualifiera d’absurde une interprétation qui mène à des conséquences ridicules ou futiles, si elle est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, si elle est illogique ou incohérente, ou si elle est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatif [...]

Je poursuis en citant la principale commentatrice dans le domaine de l’interprétation législative, une dénommée Sullivan :

Sullivan partage cet avis en faisant remarquer qu’on peut qualifier d’absurdes les interprétations qui vont à l’encontre de la fin d’une loi ou en rendent un aspect inutile ou futile [...]

C’est exactement ce qui est proposé dans le cas qui nous intéresse, selon moi. Je crois que l’argument principal du sénateur Gold, argument que je soutiens, c’est qu’il faut adopter ici une interprétation axée sur le fond et l’intention. Je souscris à ce point de vue, que je vous encourage vivement à adopter pour rendre votre décision. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Je vais reprendre le point du sénateur Dalphond et du sénateur Cotter. L’un dit que si l’interprétation mène à une conclusion stupide, c’est donc que ce n’est pas la bonne conclusion. Le sénateur Cotter nous a parlé d’une interprétation absurde qui est illogique ou incompatible avec l’objet.

L’article 7-1 du Règlement évoque deux situations : avec accord ou sans accord. Avec accord, on s’assoit et on négocie, comme c’est la coutume et comme je l’ai souvent fait comme leader du gouvernement lorsque j’occupais ce poste. L’autre situation se produit quand il n’y a pas d’entente. L’article qui évoque l’absence d’accord dit ceci :

7-2(1) Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai [...]

Je répète : le leader peut annoncer « que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord ». L’interprétation que l’on vous donne ici, c’est qu’ils n’ont pas besoin de se parler, ils n’ont même pas besoin de faire une tentative de discussion pour annoncer leur désaccord. Cela me semble illogique. Cela me semble aller à l’encontre même de l’objet de l’article 7-2(1) du Règlement, qui prévoit spécifiquement que le leader, lorsqu’il se lève, doit déclarer qu’il y a eu une discussion, qu’il a fait une tentative pour en arriver à une entente — avec le leader de l’opposition dans ce cas-ci, parce que c’est le seul parti reconnu — et qu’il n’a pas pu s’entendre avec lui. C’est la base même de l’article 7-2.

Tout le Règlement du Sénat, vous le savez, on le connaît bien, vous le connaissez bien, je le connais quand même assez bien, parce que je l’ai rédigé de A à Z dans la version française... Vous vous rappelez sûrement le travail de révision que l’on a fait pour réécrire le Règlement. Je siégeais au comité avec la sénatrice Joan Fraser et on a revu le Règlement article par article, jugement par jugement. Dans chacune des situations, on parlait de négociations de bonne foi, et le Règlement est fait pour que les parties se parlent.

D’ailleurs, c’est pour cette raison que, pour les projets de loi d’intérêt privé, on doit négocier. On doit négocier pour les faire avancer. Cette partie du Règlement est rédigée de façon à favoriser la négociation. De la façon dont il est interprété actuellement, lorsqu’il n’y a même pas eu de tentative de négocier, on appelle cela « prendre l’autre par surprise ». En effet, quand le préavis a été donné, personne ne s’y attendait de ce côté-ci, parce qu’il n’y a même pas eu de tentative de négociations ou de tentative de discussion, ce qui est essentiel si l’on se conforme au texte de l’article 7-2 et à l’esprit du Règlement, selon lequel les sénateurs doivent tenter de conclure des ententes et se parler. De toute évidence, ce n’est pas la situation qui s’est produite ici.

J’ai lu la décision du Président Molgat qui a été soulevée par le sénateur Kinsella, mais il y avait eu un début de négociations. Dans ce cas-ci, même pas. Nous en sommes à la première journée du débat et franchement, lorsqu’il y a eu ajournement et que le sénateur Gold a présenté son préavis, nous étions extrêmement surpris, parce qu’il n’y avait pas eu de discussion. D’ailleurs, j’ai demandé à mon leader s’il en avait discuté, et il m’a répondu que non.

On ne peut pas se lever et annoncer qu’il n’y a pas eu d’entente s’il n’y a pas eu même le début d’une discussion. C’est essentiel pour appliquer le Règlement. Sinon — et je sais que ce n’est pas un mot parlementaire, mais nous avons une discussion —, on autorise le leader à mentir. Le leader pourrait affirmer qu’il n’y a pas eu d’entente avec les partis reconnus, et cela déclenche l’« avis de guillotine », cela déclenche la fixation de délai. Ce n’est pas l’esprit du Règlement, et ce ne sont pas les us et coutumes du Sénat.

J’ai fait le travail avant, Marjory LeBreton l’a fait avant, et je n’ai jamais vu de préavis de motion de fixation de délai sans échanges, sans discussion. Je documentais ces discussions et je m’assurais d’avoir des écrits de ces échanges. Ce sont les us et coutumes qui existent entre les leaders du gouvernement et les autres partis reconnus. Il doit y avoir eu des échanges avant de pouvoir faire une déclaration comme celle-là. On ne peut pas se lever du jour au lendemain, dès la première journée du débat, et faire ce genre de déclaration.

Je vous soumets tout cela respectueusement, Votre Honneur. Je m’excuse de mon retard, mais j’ai eu des problèmes sur la route qui ont retardé mon arrivée. Je n’ai pas entendu tous les autres arguments, mais je tenais à vous faire part des miens ce soir. Merci.

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Certains points pertinents à votre décision et à votre jugement ont été soulevés. Je ne les répéterai pas. J’essaierai d’ajouter quelques observations au compte rendu, à la fois pour le contexte et pour soutenir la proposition avancée par le sénateur Gold — à savoir que votre travail consiste à interpréter, et qu’il existe des pratiques importantes et des règles reflétant « l’esprit du Sénat » qu’il faut prendre en considération.

Tout d’abord, j’aimerais répondre à l’argument soulevé par le sénateur Carignan ainsi que par la sénatrice Batters. Tous deux ont affirmé catégoriquement qu’il n’y a eu aucune consultation ni aucune discussion sur le moment où le message sur le projet de loi C-11 ferait l’objet d’un vote. Je suis d’avis que ce n’est pas le cas. La semaine dernière, j’ai très distinctement entendu le sénateur Gold présenter, dans ses propres mots, une chronologie qui comprenait des discussions à la fois lors de réunions d’organisation et de réunions des leaders. J’ai aussi entendu le sénateur Plett déclarer que ce ne serait pas terminé pour vendredi, alors que c’était clairement l’intention avancée par le gouvernement à ce moment-là.

Je ne sais donc pas comment la sénatrice Batters et le sénateur Carignan pourraient avoir des informations de première main à ce sujet, à part ce qu’ils ont entendu de leur chef. Les informations dont je dispose proviennent de discussions générales au sein de notre groupe sur le déroulement des travaux de la semaine. J’ai clairement eu l’impression que ces discussions étaient en cours. Je pense que vous n’êtes pas en mesure d’aller au-delà de ce que l’honorable sénateur a dit. Il a expliqué très clairement que ces discussions avaient eu lieu la semaine dernière.

(1740)

Je voudrais ensuite aborder la question des pratiques au sein de cette Chambre. Nous avons beaucoup entendu parler du fait que l’article 7-2 n’a pas été modifié pour inclure expressément, par exemple, la référence aux groupes reconnus, alors que d’autres l’ont été. Je vous dirais que vous devriez vous remémorer — et je pense que vous savez ceci d’après les décisions que vous avez prises dans cette enceinte par le passé — que pendant de nombreux mois avant que certains libellés soient modifiés, nous avons fonctionné sur la base d’un certain consensus dans cette enceinte. Dans les faits, nous reconnaissions les groupes reconnus, l’existence des facilitateurs et de personnes qui interviennent à tour de rôle sur les projets de loi, et toute une série de choses. C’est cela qui a établi la pratique en place avant que les libellés ne soient modifiés. Je vous demande de garder cela à l’esprit parce que, dans l’esprit de l’évolution du Sénat, il est important que nous puissions continuer à faire progresser notre compréhension du mode de fonctionnement du Sénat et de ce qui est dans l’intérêt fondamental des Canadiens. Il ne faut pas nous laisser paralyser par le Comité du Règlement, dont tout le monde dit que c’est le comité où les choses n’aboutissent pas.

Si les choses n’aboutissent pas — j’ai entendu la sénatrice Batters en parler encore, et j’ai entendu la sénatrice Frum en parler à maintes reprises à mes débuts au Comité du Règlement —, c’est peut-être notamment parce que le Comité fonctionne par consensus. Or, le consensus, ce n’est pas accorder un droit de veto à un groupe, mais c’est ainsi que nous avons fonctionné. Nous avons adopté des pratiques, et ces pratiques devraient être comprises. Le caucus de l’opposition a clairement démontré qu’il a comme pratique de négocier avec le représentant du gouvernement au Sénat. De toute évidence, il a fait preuve de respect à l’égard des gens au pouvoir et a su travailler avec eux. Je sais qu’il attendait cette motion depuis longtemps pour faire ce rappel au Règlement. Or, maintenant, il veut faire une autre proposition.

Enfin, je veux parler du contexte dans lequel on soulève cette question. Le sénateur Dalphond l’a déjà fait pour moi, alors je vais simplement ajouter certains éléments. Nous sommes de toute évidence dans une situation où on utilise depuis un certain temps le Règlement pour mener des manœuvres dilatoires afin de torpiller le projet de loi ou d’empêcher qu’il ne fasse l’objet d’un vote pour de nombreuses raisons. Je suis persuadée, sans être partisane dans mon analyse, que l’opposition a d’importantes raisons politiques de faire ce qu’elle fait, et je respecte qu’elle fasse valoir son opinion de ce qui est important. Cependant, le contexte implique en fait que, tout comme dans le cas du rappel au Règlement de la semaine dernière, ce rappel particulier au Règlement est en fait une manœuvre dilatoire où l’on se sert du Règlement. Il est question ici de retarder les travaux du Sénat. Ce serait le comble de l’ironie, comme d’autres sénateurs l’ont déjà dit, ce serait un résultat absurde si on parvenait, en utilisant le Règlement pour des manœuvres dilatoires, à empêcher le gouvernement d’exercer son droit de mettre fin au débat alors qu’on est déjà à la fin de la période prévue.

En réponse à la remarque du sénateur Plett selon laquelle le gouvernement souhaite faire adopter ce projet de loi à toute vitesse, je dirai que ce projet de loi — sans parler de ce qui s’est passé à la Chambre des communes — a fait l’objet, au Sénat, de 138 témoignages, de quatre études article par article, de 31 réunions, de 67 heures et 30 minutes d’études préalables, d’études, et ainsi de suite. Le nombre d’amendements débattus s’est élevé à 73. Le nombre d’amendements adoptés a été de 26. Ces amendements ont été débattus ici à l’étape de la troisième lecture, ils ont été renvoyés à l’autre endroit et nous avons reçu un message en retour.

Nous sommes maintenant à la toute fin de ce processus, qui n’est que le message, et, dans mon argumentation contextuelle, vous pouvez constater les efforts que l’opposition déploie pour retarder davantage le processus. Je dirais que cela sape complètement le rôle du Sénat de même que notre devoir de traiter en priorité les projets de loi du gouvernement. Merci.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Votre Honneur, je voudrais soulever un élément qui n’a pas été abordé jusqu’ici. Dans votre étude du recours au Règlement qui vient d’être fait aujourd’hui, j’attire votre attention sur le fait que la rédaction de l’article 7-2(1) du Règlement du Sénat comporte une disparité dans ses versions anglaise et française.

Quand vous prendrez en considération ce rappel au Règlement, je souhaite que vous éclaircissiez la question; dans l’interprétation que vous ferez de la question, je souhaite que vous examiniez de façon particulière les deux rédactions, qui ne sont pas les mêmes. Dans la version anglaise, quand on dit « have failed to agree », cela ne veut pas dire la même chose que dans la version française, qui dit « n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai ».

Je voulais attirer votre attention sur cet élément. Je ne veux pas prendre plus de votre temps. Je vous remercie.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Plett d’avoir soulevé ce recours au Règlement. Je remercie également tous les sénateurs qui ont participé à ce débat, qui a été plutôt long et approfondi. Selon les renseignements du Bureau et la réunion préparatoire de ce matin, je crois comprendre qu’il n’y aura pas d’entente pour ne pas tenir compte de l’heure. Je me demande si le Sénat donnerait son consentement pour que nous suspendions maintenant la séance jusqu’à 20 heures, ce qui me permettrait de réfléchir à une bonne partie de ce que j’ai entendu aujourd’hui.

Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : D’accord. La séance est suspendue jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement du sénateur Plett. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier tous de votre contribution à cette question importante. Depuis que le préavis a été donné jeudi dernier, j’ai examiné une série de questions relatives à notre processus de fixation de délais, et ma décision est le résultat de ma propre réflexion et de vos arguments.

À mon avis il y a, au fond, deux questions en jeu dans ce rappel au Règlement : en premier lieu, la question de l’obligation procédurale d’indiquer l’absence d’accord, et en deuxième lieu, la question fondamentale de savoir si le sénateur Gold, en tant que représentant du gouvernement, peut entamer ce processus.

En ce qui concerne le premier point — la question de l’accord et des consultations —, l’article 7-2(1) du Règlement établit que « [l]e leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné » sur une affaire du gouvernement.

En ce qui a trait à l’obligation concernant les consultations ou l’accord, le libellé de l’article 7-2(1) est très précis. Le critère est de savoir si un accord s’est avéré impossible concernant la fixation d’un délai. Une décision du 20 septembre 2000 a traité de cette question. Le Président Molgat a noté qu’il faut se fier à la parole du sénateur qui fait la déclaration. Le Président a poursuivi en disant : « Tout ce que j’ai devant moi, c’est une motion stipulant que, s’ils ne se sont pas entendus à l’heure actuelle, le Règlement a été observé et les conditions ont été fixées. » Le débat a donc pu se poursuivre sur la motion de fixation d’un délai. La même logique s’applique en l’espèce.

Ayant traité de ce premier point, je passe maintenant à la deuxième préoccupation exprimée dans le rappel au Règlement, qui est la question fondamentale de savoir si le sénateur Gold peut même entamer — ou a un rôle quelconque dans — les procédures prévues au chapitre 7 du Règlement.

Comme il est clairement indiqué dans une décision du 19 mai 2016, concernant les postes gouvernementaux au Sénat, le sénateur Gold, en tant que représentant du gouvernement, est effectivement le leader du gouvernement. Le représentant du gouvernement exerce régulièrement les droits et les responsabilités liés à ce poste.

L’annexe I du Règlement définit le leader du gouvernement comme étant le « Sénateur qui agit à titre de chef des sénateurs membres du parti au pouvoir. » La définition même du leader du gouvernement indique donc clairement que le sénateur qui occupe ce poste joue un rôle qui est analogue à, sinon l’équivalent de, celui d’un leader de parti.

L’annexe I reconnaît que les définitions qu’elle contient sont intrinsèquement flexibles et dépendent du contexte, en précisant qu’elles doivent être interprétées à la lumière des circonstances. Les procédures de fixation de délais, introduites dans le Règlement en 1991, existent pour permettre au gouvernement de demander, lorsqu’il le juge opportun, que le Sénat accepte de limiter la durée du débat sur une affaire du gouvernement.

Compte tenu de l’objectif fondamental du processus de fixation de délais, et des définitions dans le Règlement, il est approprié que le sénateur Gold puisse jouer le rôle envisagé au chapitre 7 pour le leader du gouvernement.

Il est également important de souligner que le gouvernement n’est pas en mesure d’imposer la fixation de délais au Sénat de façon unilatérale. La fixation de délais est proposée, puis il revient au Sénat d’agréer, ou non, la motion. Permettre que la motion aille de l’avant peut, ainsi, être compris comme un élargissement de l’éventail d’options s’offrant au Sénat. Le gouvernement devra expliquer et défendre sa proposition, que les sénateurs pourront ensuite accepter ou rejeter. Si les sénateurs rejettent la proposition du gouvernement, le débat se poursuivra selon les pratiques normales.

En résumé, honorables sénateurs, l’intention du chapitre 7 favorise la poursuite du débat sur la proposition du sénateur Gold, ce qui élargirait l’éventail des choix offerts au Sénat, et correspond aux définitions contenues dans notre Règlement. La décision est donc que la motion est recevable et que le débat peut se poursuivre.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : C’est véritablement un jour sombre pour le Sénat du Canada.

En tout respect, Votre Honneur, vous avez dit que le leader du gouvernement affirme — ou plutôt vous mentionnez qu’il est membre du parti au pouvoir. Le sénateur Gold n’est bien sûr pas membre du parti au pouvoir. De son propre aveu, il n’en fait pas partie.

Je suis extrêmement déçu que cette décision soit rendue sans être présentée par écrit. De toute évidence, c’était — s’il vous plaît, honorables sénateurs. Je respecte votre droit d’avoir votre opinion. Rendez-moi la pareille. Je ferais peut-être une exception pour la vôtre. Je suis un peu fatigué.

Votre Honneur, j’ai le plus grand respect pour vous, même si j’ai peut-être de la difficulté à faire de même pour tous les autres. Cela dit, je veux avoir le plus grand respect pour le Sénat et tout le monde ici. En tant qu’opposition, nous avons un rôle à jouer. Lorsque la sénatrice Lankin siégeait dans l’opposition, elle a fait ce que le présent parti de l’opposition fait; elle a la mémoire très courte.

La sénatrice Lankin : Je n’ai jamais dit...

Le sénateur Plett : Néanmoins, Votre Honneur, j’ai le plus grand respect pour vous personnellement. J’ai dit que je tenterais de respecter votre décision. Cependant, à ce stade, j’exercerai aussi mon droit, Votre Honneur. Avec tout le respect que je dois à votre poste, je dois dire que je trouve regrettable que, juste quelques semaines avant votre retraite, on vous mette dans une position que je ne crois pas personnellement... aimeriez-vous parler, sénatrice Lankin? Je vais m’asseoir et vous céder la parole.

La sénatrice Lankin : Pour parler en votre nom? Absolument!

Le sénateur Plett : Vous parleriez en mon nom. Et vous allez...

Votre Honneur, je demande que la sénatrice Lankin s’abstienne de m’interrompre pendant que j’ai la parole. Je pense que c’est une question sérieuse. Elle n’est peut-être pas du même avis.

Votre Honneur, j’ai le plus grand respect pour vous personnellement. Je respecte beaucoup la position dans laquelle vous avez été placé, et dans laquelle on n’aurait pas dû vous placer. Je comprends pourquoi vous êtes dans cette position, Votre Honneur. Je comprends les pressions que vous subissez. Vous et moi quitterons le Sénat ce soir comme deux amis qui se respectent. Je serai votre ami lorsque vous prendrez votre retraite et je vous souhaiterai la meilleure des chances, mais aujourd’hui, Votre Honneur, j’estime nécessaire, conformément à l’article 2-5(3) du Règlement, de faire appel de votre décision.

Une voix : C’est honteux.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, à l’ordre, s’il vous plaît.

Des voix : Vous devriez avoir honte.

Le sénateur Plett : Honte à vous.

Son Honneur le Président : À l’ordre, s’il vous plaît. Honorables sénateurs, la question est la suivante :

La décision de la présidence est-elle maintenue? Que tous les sénateurs qui sont en faveur de la décision de la présidence veuillent bien dire oui.

(2010)

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Une heure.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 21 h 10. Convoquez les sénateurs.

(2110)

La décision du Président, mise aux voix, est adoptée.

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot Gold
Audette Greenwood
Bellemare Harder
Bernard Hartling
Boehm Klyne
Boniface Kutcher
Bovey LaBoucane-Benson
Burey Lankin
Busson Loffreda
Cardozo Marwah
Clement Massicotte
Cordy McCallum
Cormier McPhedran
Cotter Mégie
Coyle Miville-Dechêne
Dagenais Omidvar
Dalphond Osler
Dasko Pate
Deacon (Nouvelle-Écosse) Patterson (Ontario)
Deacon (Ontario) Ravalia
Dean Ringuette
Dupuis Saint-Germain
Forest Smith
Gagné Sorensen
Gerba Woo
Gignac Yussuff—52

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Martin
Batters Oh
Carignan Plett
Housakos Poirier
MacDonald Richards
Marshall Seidman—12

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Quinn Verner
Tannas Wallin—4

Recours au Règlement

Report de la décision de la présidence

L’honorable Leo Housakos : J’invoque le Règlement au sujet des articles 2-9(1) et 2-9(2) du Règlement du Sénat. Votre Honneur, mon recours au Règlement se rapporte à une intervention au Sénat qui, à mon avis, a provoqué un différend entre deux sénateurs. Au cours du débat dans cette enceinte, il y a un sénateur qui, à mon avis, a été calomnié et offensé. C’est quelque chose qui est visé par l’article 2-9(2) du Règlement.

Votre Honneur, cela fait presque 15 ans que je siège au Sénat, et je n’ai jamais vu autant de partisanerie et d’attaques personnelles aussi malveillantes que ces derniers temps. Nous sommes au Parlement. Au fil des ans, nous avons eu des discussions très acerbes. J’étais Président de cette assemblée quand bon nombre de ces débats acerbes entre le gouvernement et l’opposition ont eu lieu. Je vais vous dire que l’opposition libérale n’y allait pas de main morte à l’époque. On y trouvait des débatteurs redoutables, des gens comme le sénateur Mercer, la sénatrice Fraser et le sénateur Mitchell. La sénatrice Cordy jouait alors très bien son rôle au sein de l’opposition officielle.

Nous siégions tard au mois de juin et l’opposition faisait ce qu’elle pensait devoir faire au nom des Canadiens. Nous étions majoritaires dans cette Chambre et nous faisions ce que nous pensions avoir été mandatés pour faire par les élus. Pourtant, à aucun moment nous n’avons mis en doute les motivations de chacun. À aucun moment nous n’avons accusé les leaders de l’opposition officielle de mentir ou de nous induire en erreur. C’est pourtant ce qui s’est passé ce soir, Votre Honneur.

Un sénateur était en train de parler, le Président lui avait donné la parole — un honorable sénateur — et, dans le feu d’un débat politique partisan, nous savons qu’il y a du chahut et que nous nous laissons parfois emporter, mais je pense qu’il est tout à fait inacceptable qu’un sénateur parle de manière désobligeante d’un autre sénateur, en mettant notamment en doute son intégrité et en affirmant que le rappel au Règlement que ce sénateur a présenté à ce moment-là est un mensonge.

Je sais que vous avez récemment entrepris une réflexion approfondie sur ce qui relève du langage parlementaire et ce qui n’en relève pas, Votre Honneur. Je m’attends à ce que nous ayons une décision à ce sujet aussi rapidement que nous avons eu une décision sur la façon dont nous utilisons le temps alloué.

Il y a également une tradition — corrigez-moi, Votre Honneur, si je suis dans l’erreur — voulant que, lorsqu’un sénateur pointe un autre sénateur du doigt de façon méprisante pendant un débat, la présidence le rappelle à l’ordre. C’est ce qui se faisait quand je suis arrivé ici et lorsque j’étais Président. Je sais, Votre Honneur, que vous nous accordez beaucoup de latitude en ce qui concerne les débats et le Règlement, mais je crois que nous avons tous la responsabilité de comprendre que nous pouvons être en désaccord sur les dossiers abordés. Nous ne sommes pas du même côté de l’échiquier politique, bien qu’il y ait ici un nombre écrasant d’indépendants. La vérité, c’est que nos points de vue divergent dans le cadre de tous les débats. C’est notre travail. C’est ce que nous sommes censés faire. Nous sommes ici pour le faire avec conviction.

(2120)

Je suis quelqu’un qui aime les débats passionnés. J’aime participer à des débats stimulants, et c’est quelque chose que j’encourage, tout comme le choc des idées. Si je dépasse les bornes, je m’attends à ce que le Président me rappelle à l’ordre, et je serai le premier à présenter des excuses si je prête des intentions à un sénateur, ou si je fais preuve d’un comportement indigne d’un sénateur.

C’est avec une certaine hésitation que je prends la parole, Votre Honneur. À l’avenir, si nous ne calmons pas les esprits, et si nous ne respectons pas le décorum et les règles de base de cette institution, le débat continuera de nous mener sur une pente glissante.

Il s’agit d’un important recours au Règlement, et je vous laisse, Votre Honneur, le soin d’agir en conséquence.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Votre Honneur, à titre de précision, ai-je raison de dire que comme votre décision vient d’être maintenue, nous débattons actuellement de la motion no 96? Est-ce bien cela?

Son Honneur le Président : Le sénateur Housakos a pris la parole au sujet d’un rappel au Règlement. Je ne vous avais pas encore invité à prendre la parole à l’étape du débat.

Est-ce qu’un autre sénateur souhaite faire un commentaire au sujet du rappel au Règlement du sénateur Housakos?

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Je suis d’accord avec mon collègue le sénateur Housakos. Cette enceinte est une Chambre honorable. Ce lieu est un modèle, au Canada, où nous débattons de façon respectueuse. Lorsqu’on prend la parole pour exprimer une opinion, présenter un point de vue ou, dans ce cas-ci, appuyer une motion du leader de l’opposition, on s’attend à ce que notre point de vue soit écouté avec respect. Lorsque le débat est terminé ou que les cloches sonnent pour un vote par appel nominal, on ne s’attend pas à ce qu’une personne franchisse l’allée, vienne nous voir, nous pointe du doigt et argumente de façon intimidante. Comme l’a dit le sénateur Housakos, je n’ai jamais vu une telle chose en 14 ans.

Nous nous devons d’être respectueux les uns envers les autres. Nous devons respecter les opinions de chacun, en vertu des règles. Nous en avons appelé de votre décision. Les honorables sénateurs ne le réalisent peut-être pas, mais votre rôle n’est pas le même que celui du Président de la Chambre des communes. Une fois que ce dernier rend une décision, elle est finale. Or, le Président du Sénat est un sénateur comme les autres. Il a droit à son opinion et nous avons droit à la nôtre. C’est pourquoi les sénateurs ont le droit d’en appeler de la décision de la présidence. Le Président de la Chambre est un sénateur comme les autres. Il peut même prendre part au débat et voter. Le Président est un sénateur comme les autres, et nous avons le droit d’exprimer notre désaccord sans nous exposer à des menaces ou à de l’intimidation ou sans nous faire pointer du doigt. Nous devons respecter les règles. Nous devons nous respecter les uns les autres. Nous sommes une Chambre honorable et nous devons nous comporter de façon honorable, conformément aux règles du débat.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Au sujet du rappel au Règlement.

Je vous présente mes excuses, chers collègues. Qu’il s’agisse de moi ou de n’importe quel autre sénateur, cela fait des années que les membres de l’opposition chahutent les intervenants lorsqu’ils tentent de prendre la parole. Dans le cadre du débat actuel, le sénateur Plett a mis en doute mon intégrité. Il a dit que j’avais induit cette Chambre en erreur, ce qui est faux. Il a dit que j’avais présenté cette motion à des fins personnelles — je crois que « pour servir ses propres intérêts » étaient ses mots exacts. Cela en dit très long sur ses motifs. Cela m’attriste de devoir prendre la parole pour rappeler à cette Chambre ce que nous avons tous entendu.

Je crois que ce qui s’est passé après le vote est quelque chose que tout parlementaire digne de ce nom ne peut tout simplement pas tolérer. Je ne crois pas qu’on puisse qualifier cela d’intimidation, comme vous l’avez dit. À cet égard, Votre Honneur, j’espère que vous pourrez régler ce rappel au Règlement rapidement.

Il ne s’agit là que d’une autre tentative de la part de l’opposition pour retarder les travaux et nous priver, en tant que sénateurs, de notre droit démocratique de nous prononcer au sujet d’un projet de loi dont nous sommes saisis depuis très longtemps. Elle empêche le Sénat de faire son travail pour les Canadiens. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je n’avais pas l’intention d’intervenir dans le cadre de ce recours au Règlement. J’allais m’en remettre à votre décision. Pour une raison que j’ignore, le leader du gouvernement — on peut espérer qu’il portera dorénavant et définitivement le titre de leader du gouvernement... D’ailleurs, nous adresserons certainement une demande à cette fin au Comité de la régie interne en l’informant que tout a changé maintenant, que le sénateur Gold est maintenant leader du gouvernement, comme vous l’avez déterminé dans votre décision, bien entendu. Cela dit, ce n’est pas de cela que je veux parler.

Le sénateur Gold vient de mentionner mes paroles comme si elles étaient pertinentes dans ce recours au Règlement. J’ai tenu ces paroles au sujet du sénateur Gold dans le cadre de mon recours au Règlement. Il a eu l’occasion de débattre de ces paroles, et il l’a fait avec vigueur et fermeté.

Votre Honneur, comme je l’ai dit plus tôt aujourd’hui, je ne suis peut-être pas toujours d’accord avec mes collègues du Sénat, mais je défendrai à mort leur droit à leur opinion.

Le sénateur Gold a une opinion au sujet de notre échange. La mienne diffère. Je l’ai exprimée au Sénat et il a exprimé la sienne, et elles étaient complètement opposées. De toute évidence, l’une d’entre elles n’est inévitablement pas entièrement correcte, et l’autre est peut-être entièrement fausse. Je n’en suis pas certain. J’avais une opinion à propos d’une chose, et d’après ce qu’il dit, il en avait une opinion différente.

Votre Honneur, ce n’est absolument pas l’objet du recours au Règlement. L’échange que le sénateur Gold et moi avons eu ici concerne un recours au Règlement que j’avais légitimement soulevé au sujet d’une question qui traîne depuis sept ou huit ans.

Le sénateur Housakos puis le sénateur Carignan ont parlé d’un problème vécu par d’autres sénateurs, pas du fait que le sénateur Gold ait fait des commentaires possiblement désobligeants à mon égard. Je ne m’offusque pas de ce que le sénateur Gold ait pu dire dans ses discours et j’espère qu’il ne s’offusque pas de ce que j’aurais pu dire dans les miens. J’espère cependant, Votre Honneur, que vous ferez complètement abstraction de ce que le sénateur Gold vient de dire au sujet du recours au Règlement, parce cela n’avait absolument rien à voir avec le recours en question.

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Je suis médusée par le fondement de ce rappel au règlement. En ce qui me concerne, on a fait référence à des événements contemporains qui auraient eu lieu aujourd’hui. Mon souvenir est que, pendant que des sénateurs parlaient, plusieurs voix commentaient les propos de ce côté de la Chambre. Je n’ai aucun souvenir d’avoir entendu, avant la suspension, un commentaire désobligeant ou d’avoir été témoin d’une attitude menaçante, comme on vient de l’affirmer, de la part de quelque sénateur que ce soit. Si le Sénat a suspendu sa séance, à mon avis, il n’y a pas lieu de soulever un rappel au Règlement.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : J’ai été très surprise par le rappel au Règlement du sénateur Housakos et le discours du sénateur Carignan sur la question du respect. Il est très rare que, de ce côté-ci de la Chambre — enfin, cela n’arrive pas.

Pendant la période des questions, de l’endroit où je suis assise, j’entends toujours, de façon générale, des bruits et des commentaires qui font preuve d’un manque de respect constant à l’égard des réponses du sénateur Gold.

(2130)

Je vous dis cela, parce que d’où je suis, je vois tout. Donc s’il y a eu un manque de respect — ce dont je doute — dans l’échange dont vous parlez, c’est une situation que l’on voit quotidiennement pendant la période des questions, absolument.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le rappel au Règlement que le sénateur Housakos a soulevé et sur lequel deux ou trois autres collègues ont pris la parole est un rappel au Règlement très étroit. Je sais que nous pourrions passer bien plus longtemps ici à écouter d’autres observations, mais je pense en avoir entendu assez pour prendre la question en délibéré. Il y a également une décision qui sera rendue bientôt concernant le langage au Sénat, mais je pense en avoir entendu assez pour ce soir. Je vous remercie, chers collègues, de vos observations.

Nous reprenons le débat sur la motion no 96.

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Fixation de délai—Adoption de la motion

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné,

Que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étude de la motion, telle que modifiée, tendant à répondre au message de la Chambre des communes concernant les amendements du Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir au sujet de la motion no 96 du gouvernement, qui propose d’allouer six heures complètes supplémentaires de débat au sujet de la motion en réponse au message de la Chambre au Sénat sur le projet de loi C-11.

Chers collègues, je présente cette motion par sens du devoir, et non par plaisir, mais je la présente également avec la ferme conviction que le gouvernement a agi correctement et avec le plus grand respect à l’égard du processus législatif du Sénat; avec la ferme conviction que le bureau du représentant du gouvernement a agi de même à chaque étape du processus; avec la ferme conviction que je ne propose pas d’empêcher la tenue d’un véritable débat; et avec la ferme conviction qu’il est maintenant nécessaire de mettre fin à une manœuvre clairement orchestrée d’obstruction délibérée afin que nous puissions enfin procéder à un vote démocratique.

Je ne prends pas à la légère la décision de fixer un délai pour l’étude de n’importe laquelle des affaires du gouvernement. Je crois pouvoir le dire avec une certaine crédibilité étant donné que le bureau du représentant du gouvernement n’a jamais imposé la fixation de délai auparavant.

Toutefois, je suis tout à fait convaincu qu’il s’agit là de la ligne de conduite responsable qui s’offre à nous. Ce soir, je vais concentrer mes remarques sur deux aspects de la question que mon bureau estime important de souligner. Tout d’abord, je voudrais parler du contexte et du processus qui nous ont amenés à cette motion aujourd’hui. Deuxièmement, je souhaite aborder les mécanismes de la motion et l’objectif du chapitre 7 de notre Règlement, c’est-à-dire le chapitre qui traite de la fixation de délais.

Permettez-moi de commencer par le contexte. Chers collègues, ce faisant, je veux vous faire une confidence. Je souhaite partager avec vous le raisonnement qui sous-tend plusieurs décisions stratégiques que nous avons prises au sein du bureau du représentant du gouvernement au sujet du processus d’étude et de débat sur le projet de loi C-11, y compris le temps considérable que cette Chambre a consacré à l’examen de ce projet de loi.

Il y a bien longtemps, honorables sénateurs, nous avons pris la décision, au bureau du représentant du gouvernement, de faire de notre mieux, dans le cadre de l’examen de cette mesure législative, pour essayer de protéger le travail du Sénat de cette arène politique trop tendue et partisane qu’est l’autre endroit et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour permettre aux sénateurs de tous les groupes de contribuer de manière constructive au processus législatif.

[Français]

Au tout début, dès que le Sénat a reçu l’ancien projet de loi C-10, le parrain du projet de loi, le sénateur Dawson, et moi-même avons été très clairs avec le gouvernement, à savoir que le Sénat allait devoir prendre tout le temps nécessaire pour étudier ce projet de loi.

Malgré le climat qui règne entre les partis politiques à la Chambre des communes, nous nous sommes assurés que le Sénat prenait tout le temps nécessaire — je crois que nous avons tenu parole, et plus encore —, et ce, à partir du mois de mai 2022, avec notre proposition de tenir une étude préalable au Sénat.

[Traduction]

Le 31 mai 2022, le Sénat a adopté une motion autorisant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications à entreprendre l’étude préalable de l’objet du projet de loi. Le comité a pu se prévaloir de tous les pouvoirs nécessaires en matière de procédure, y compris la capacité de se réunir pendant que le Sénat siégeait ou pendant l’ajournement du Sénat, afin d’avoir le plus de temps possible et de pouvoir établir un plan de travail complet.

Le comité n’a pas tenu sa première réunion avec des témoins avant le 21 juin 2022, soit près de trois semaines après l’adoption de la motion initiale. Une fois l’étude préalable lancée, le bureau du représentant du gouvernement a fait des démarches politiques considérables aux plus hauts échelons du gouvernement pour obtenir le temps dont le Sénat avait besoin, en se fondant sur une entente obtenue par écrit en juin dernier. Selon cette entente conclue avec le leader de l’opposition au Sénat et signée par tous les leaders, un dernier vote à l’étape de la troisième lecture devait avoir lieu en novembre 2022.

J’ai cette entente sous la main aujourd’hui, honorables collègues, au cas où quelqu’un voudrait en confirmer l’authenticité. Le paragraphe 5 de cette entente dit ceci :

En ce qui concerne l’étude au Sénat du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat tiendra un vote à l’étape de la troisième lecture au plus tard le vendredi 18 novembre, à moins que le débat ne prenne fin plus tôt.

Au bas de cette entente, on peut voir les signatures du sénateur Tannas, de la sénatrice Cordy et de la sénatrice Saint-Germain, ainsi que ma signature. L’entente est également signée par le sénateur Plett, qui a ainsi engagé le caucus conservateur du Sénat en tant que leader de l’opposition officielle.

Comme nous le savons tous, pendant l’ajournement estival, le Parti conservateur du Canada a choisi un nouveau chef. Avec l’arrivée de ce nouveau chef, il était évident que les conditions de l’entente n’allaient plus être respectées.

[Français]

Le projet de loi a fait l’objet d’une première lecture au Sénat le 21 juin 2022 — il y a environ huit mois — et il a été étudié et débattu amplement.

Le 21 septembre 2022, le parrain du projet de loi, le sénateur Dawson, a commencé le débat en deuxième lecture, et le projet de loi a été soit débattu ou s’est maintenu pendant 12 jours de session parlementaire après, pour être enfin adopté en deuxième lecture au Sénat, le 25 octobre 2022.

Entre les mois de juin et décembre 2022, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a tenu 31 réunions, incluant l’étude préalable et l’étude proprement dite du projet de loi, y compris 9 réunions pour l’étude article par article, pour un total de 67 heures et 30 minutes.

[Traduction]

Le comité a entendu près de 140 témoins d’horizons divers, notamment des radiodiffuseurs traditionnels et des plateformes en ligne plus récentes, des leaders des communautés artistiques et culturelles, des universitaires et des chercheurs, des créateurs de contenu en ligne, des intervenants autochtones, des dirigeants syndicaux et des fonctionnaires, ainsi que des Canadiens handicapés et des personnes appartenant à des groupes minoritaires.

Tout au long de ce processus, je suis resté optimiste quant au respect des modalités de l’accord initial. Cependant, bien que je ne sache pas à quel moment la directive a été donnée à l’opposition de rompre l’accord sur le projet de loi C-11, la direction du Parti conservateur ne nous a pas officiellement fait savoir que l’accord ne tenait plus jusqu’à très peu de temps avant la date limite du 18 novembre.

Chers collègues, tout au long de l’automne, j’ai régulièrement soulevé la question du calendrier du projet de loi C-11 à la table des leaders. Pendant de nombreuses semaines, nous avons obtenu des réponses évasives. Nous avons entendu des rumeurs et des spéculations sur la possibilité qu’on ne respecte pas l’accord, mais nous avons continué à croire en l’accord signé jusqu’à la toute fin. Cependant, en l’absence d’un accord en novembre, nous avons accepté, à contrecœur, d’accorder au Sénat un délai supplémentaire jusqu’en décembre et au début de la nouvelle année.

Au retour du congé de Noël, le Sénat a adopté le projet de loi C-11 à l’étape de la troisième lecture le 2 février 2023.

(2140)

Honorables sénateurs, je veux que ce soit clair et sans équivoque pour vous. Je n’ai pas accepté d’augmenter le temps alloué pour répondre aux besoins de l’opposition officielle, qui, dès novembre, faisait tout pour faire de l’obstruction au comité.

Nous avons décidé d’établir une nouvelle entente, parce que c’était la seule façon de permettre aux sénateurs qui ne sont pas soumis aux dictats des objectifs partisans et qui ont la volonté sincère d’améliorer le projet de loi de le faire à l’étape de l’étude article par article. Fixer un délai aurait contré les sénateurs qui faisaient de l’obstruction, mais cela aurait également puni les sénateurs qui travaillaient de façon constructive. Nous ne voulions simplement pas que cela arrive. Nous ne voulions pas que nos actions aient de telles conséquences et nous nous sommes abstenus d’agir.

Comme je l’ai mentionné, dès le départ, notre objectif quant au projet de loi était de nous assurer que le processus se déroule de la manière la moins partisane possible et que les sénateurs puissent faire leur travail, le travail pour lequel ils ont été nommés. Nous y sommes parvenus. Grâce à la nouvelle entente, des amendements et des sous-amendements ont été adoptés. Nous avons réussi à mener le processus avec succès. Le projet de loi amendé a été renvoyé à l’autre endroit le 2 février 2023.

Chers collègues, après avoir passé un mois à examiner attentivement les travaux du Sénat et avoir fait preuve de diligence raisonnable, le gouvernement a accepté 20 des 26 amendements présentés. Le projet de loi a été renvoyé au Sénat avec l’appui du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois.

Cela nous amène au message dont nous sommes saisis. Je tiens à souligner que, dès réception de celui-ci, et conformément à mon rôle de représentant du gouvernement, j’ai consulté de bonne foi les dirigeants de tous les groupes pour tenter de mettre en place un calendrier productif pour l’examen du projet de loi C-11 à l’étape de l’étude du message.

Dès réception du message de l’autre endroit, j’ai clairement indiqué que je m’attendais à ce que le Sénat tienne un débat approfondi qui nous permettrait de mettre la motion aux voix avant la fin de la semaine dernière. Cela correspond à l’approche et aux délais habituels du Sénat en ce qui concerne les messages reçus de l’autre endroit.

Chers collègues, permettez-moi de mettre les choses en perspective. Au cours de la 42e et de la 43e législature, le Sénat a consacré en moyenne moins de deux jours de séance à l’examen des messages de la Chambre des communes. Cela comprend plusieurs projets de loi importants et controversés, comme le projet de loi C-45, la Loi sur le cannabis; le projet de loi C-69, Loi sur l’évaluation d’impact; le projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers; les projets de loi C-14 et C-7 sur l’aide médicale à mourir, et le projet de loi C-6, qui mettait en œuvre des réformes en matière d’immigration, pour ne nommer que ceux-ci.

Malheureusement, malgré cela et les précédents qui montrent très clairement le temps consacré aux messages à cette étape du processus, je n’ai pas été en mesure de parvenir à un accord sur un vote avant la fin de la semaine dernière et je n’ai même pas reçu le moindre signal sur les intentions de l’opposition ou sur le nombre d’intervenants ou d’amendements.

Chers collègues, comme je l’ai dit dans un discours que j’ai prononcé plus tôt aujourd’hui, j’ai soulevé cette question de façon bilatérale avec le leader de l’opposition la semaine dernière. Il a été clairement établi qu’il n’y aurait pas d’accord pour résoudre ce problème avant la fin de la semaine dernière.

Au cours des discussions qui se sont tenues pendant les réunions préparatoires, nous avons également cherché, comme je l’ai dit, à obtenir des garanties sur un calendrier similaire, mais là encore ce fut le silence complet et cela n’a rien donné.

Au lieu de cela, le débat a été ajourné par l’opposition pendant deux jours consécutifs la semaine dernière, sans que personne prenne la parole, et ce, malgré une pause de deux semaines pour préparer le débat et le fait que le message de la Chambre soit du domaine public depuis plus d’un mois.

C’est aussi malgré le fait que le bureau du représentant du gouvernement ait communiqué ses intentions procédurales de manière ouverte et transparente à tous les groupes du Sénat, y compris le libellé de la motion en réponse au message et le libellé d’une motion d’amendement rédigée en collaboration avec le sénateur Tannas.

Jeudi, chers collègues, nous avons eu droit à ce manège d’amendements et de sous-amendements que nous ne connaissons que trop bien, qui a été suivi par une autre motion d’ajournement, une motion d’ajournement du Sénat, à laquelle nous avons consacré la soirée et qui a bouleversé les autres points qui étaient à l’ordre du jour et au sujet desquels des sénateurs auraient pu vouloir prendre la parole.

Si nous avions décidé de ne rien faire, chers collègues, je crois que nous serions tous ici aujourd’hui à ressasser et répéter cette triste affaire, cette suite d’événements.

Chers collègues, même si j’ai essayé de me convaincre que le gros bon sens prévaudrait à cette étape du message, je ne suis pas naïf. Je ne suis pas surpris compte tenu des déclarations publiques du chef du Parti conservateur dans lesquelles il exhorte les sénateurs à empêcher l’adoption de ce projet de loi.

Le 30 mars dernier, le chef du Parti conservateur à l’autre endroit a publié sur Twitter une vidéo dans laquelle il fait la déclaration suivante au sujet du projet de loi C-11 après son adoption à la Chambre des communes :

Nous avons de véritables guerriers de la liberté d’expression à cet endroit. Ils sont dirigés par Leo Housakos, le grand guerrier spartiate, qui a fait traîner la chose au Sénat pendant près d’un an, pendant une bonne partie de l’année. Elle retourne au Sénat en ce moment même. Il va tout faire pour empêcher son adoption.

De plus, il existe un site Web intitulé KillBillC11.ca, autorisé par la députée conservatrice Rachael Thomas, qui demande au Sénat de rejeter le projet de loi même s’il a été adopté dans les règles par les élus de la Chambre des communes.

Ne soyons pas naïfs par rapport au contexte de la question dont nous sommes saisis. Des efforts continus sont déployés pour torpiller ce projet de loi et prolonger le processus aussi longtemps que possible aux seules fins de partisanerie.

Comme le contexte que j’ai expliqué le montre, le bureau du représentant du gouvernement a suivi une démarche constructive. Les dossiers indiquent que le Sénat a mené une étude très exhaustive et a proposé d’excellents amendements au projet de loi. Nous n’avons rien fait pour écourter le débat.

Le contexte montre également que nous avons été déçus par des promesses non tenues et des manœuvres partisanes délibérées. C’est là où le chapitre 7 de notre Règlement revêt toute son importance, et je me permets d’attirer votre attention.

À propos de la motion de fixation de délai dont nous sommes saisis, il faut que nous comprenions, et que les Canadiens à l’écoute comprennent, exactement ce qui est proposé.

La motion prévoit d’ajouter six heures de débats, après quoi le Sénat pourra se prononcer démocratiquement sur le sous‑amendement du sénateur MacDonald, l’amendement du sénateur Plett et la motion principale sur laquelle je me suis prononcée la semaine dernière. J’estime qu’il n’y a rien d’abusif dans cette proposition. En pratique, il reste suffisamment de temps pour que chaque sénateur du caucus de l’opposition puisse prendre la parole pour la période maximale allouée. La motion prévoit que le leader de l’opposition disposera de 30 minutes maximum pour s’exprimer.

La motion prévoit que les membres de l’opposition et les autres sénateurs disposeront de 10 minutes chacun pour intervenir à cette étape du processus. Le leader de l’opposition officielle disposera de 30 minutes. Étant donné le temps maintenant alloué aux débats, tous les sénateurs de l’opposition et les autres auront amplement l’occasion de prendre la parole. Pendant le débat soumis à une fixation du délai, le débat de six heures, les temps de parole habituels s’appliqueront.

Il est important de bien comprendre conceptuellement l’objectif de la fixation d’un délai, parce que cet outil est parfois employé à mauvais escient, mais il peut aussi être employé de manière tout à fait légitime quand on empêche une Chambre d’arriver à une décision.

Chers collègues, je crois que le chapitre 7 du Règlement du Sénat a été rédigé justement pour des cas comme celui-ci, des cas où des tactiques dilatoires sont employées à répétition, où l’objectif visé est de causer des retards, où les intentions procédurales d’un parti sont cachées à leurs collègues, ou des cas dans lesquels on cherche à éliminer un projet de loi à force de retards procéduraux.

C’est vrai : la fixation de délai a mauvaise réputation, principalement à cause de gouvernements majoritaires successifs qui y ont recouru de façon autoritaire, y compris au Sénat, pour étouffer le débat — je parle du débat en bonne et due forme. Il est important de nous rappeler que l’objectif initial de la fixation de délai était de permettre non seulement à un gouvernement majoritaire de gérer le temps limité dont dispose une chambre législative, mais aussi à l’organe législatif lui-même de déjouer les manœuvres visant à ralentir délibérément l’avancement d’un projet de loi.

Dans un article intitulé Le second examen objectif : Comment le Sénat délibère et prend ses décisions, le sénateur Harder explique que :

[...] s’il faut décrier le recours abusif à l’attribution de temps [c’est-à-dire la fixation de délai], il en est de même pour les tactiques dilatoires qui étouffent les débats de fond sur les politiques. Il s’agit ici de deux côtés d’une même médaille. Malheureusement, conformément aux règles actuelles du Sénat, en l’absence de l’attribution de temps, les sénateurs obstructionnistes peuvent reporter les votes en ajournant le débat presque indéfiniment. Les tentatives de demande pour un vote immédiat afin de faire progresser le projet de loi peuvent être bloquées, ce qui entraîne une lutte pouvant durer des jours et monopoliser le temps de la Chambre.

(2150)

Je siège ici depuis maintenant quelques années, chers collègues, et je sais exactement comment cela se passe. Pour ne citer que quelques exemples, il suffit de se remémorer nos débats sur des projets de loi tels que le projet de loi C-16, sur les droits des personnes transgenres, le projet de loi C-45, sur la légalisation du cannabis, le projet de loi C-210, sur un hymne national non sexiste, le projet de loi C-262, sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le projet de loi S-203, pour mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins.

Dans le même texte, le sénateur Harder ajoute :

En fin de compte, le recours à ces tactiques dilatoires pour entraver l’examen des projets de loi n’est pas digne d’un second examen objectif. Les sénateurs qui s’adonnent à ces pratiques ne respectent pas le rôle législatif complémentaire que la constitution canadienne confère au Sénat. À un moment décisif de l’histoire du Sénat, ces pratiques entachent aussi la culture de l’institution, encouragent les conflits inutiles et détournent le Sénat de l’intérêt public.

En un mot, chers collègues, la fixation de délai peut être soit curative, soit abusive; tout est question de contexte. Je ne sais pas si c’est votre cas, mais je ne trouve pas que la tenue de multiples votes jeudi dernier a été une utilisation particulièrement efficace du temps du Sénat et des ressources financées par les deniers publics.

En outre, honorables collègues, comme des précédents l’illustrent, il n’y a rien d’extraordinaire à la fixation de délai. D’ailleurs, on y a eu régulièrement recours lors des diverses étapes de l’étude des affaires du gouvernement et, dans bien des cas sous le gouvernement précédent, après peu ou pas de débat. Toutefois, depuis la 42e législature, tant sous moi que sous mon prédécesseur, le sénateur Harder, la fixation de délai n’a jamais encore été invoquée sur une initiative ministérielle. Je pense que cela témoigne de notre désir de travailler en collaboration et d’obtenir un consensus pour faire avancer adéquatement le programme législatif du gouvernement. Malheureusement, ce n’est plus possible avec le projet de loi C-11.

Chers collègues, vous allez sans aucun doute entendre certains sénateurs dire que fixer un délai pour un débat sur un projet de loi de cette ampleur équivaut à étouffer le débat et est incompatible avec le rôle de Chambre de second examen objectif du Sénat. Laissez-moi placer cela dans une perspective historique. Le gouvernement précédent, représenté par les sénateurs d’en face, a eu recours à la fixation de délai à 22 reprises durant la 41e législature, dans certains cas après un seul jour de débat à une étape particulière de l’étude d’un projet de loi d’initiative ministérielle.

Dans le cas du projet de loi C-19, un projet de loi qui avait pour but d’éliminer le registre des armes d’épaule et qui correspondait à un engagement électoral de l’ancien gouvernement, le sénateur Carignan, alors leader adjoint du gouvernement, a donné préavis d’une motion de fixation de délai après une seule journée de débat à l’étape de la troisième lecture, avant même que le porte-parole ait eu l’occasion de s’exprimer. Pour justifier la nécessité de recourir à la fixation de délai, le sénateur Carignan a exposé son point de vue, le 3 avril 2012, comme suit :

Je crois qu’il était important de fixer un temps limite, une période de temps suffisante pendant laquelle les sénateurs pourraient débattre, qui leur permettrait d’exprimer leur opinion comme ils ont déjà pu le faire à l’étape de la deuxième lecture. Il y a eu beaucoup de débats de part et d’autre dans ce dossier, mais on devrait pouvoir clore ce débat, une fois pour toutes, à l’intérieur de la période impartie afin d’adopter ce projet de loi et de faire en sorte que la volonté des citoyens se traduise en un projet de loi raisonnable, effectif et qui nous permette de passer à d’autres projets de loi tout aussi importants pour la société canadienne.

Par conséquent, si nous appliquons la logique du sénateur Carignan, puisque le Sénat a amplement débattu du projet de loi C-11, il doit avoir le droit, malgré les obstacles procéduraux, d’en arriver rapidement à son adoption pour refléter la volonté de la Chambre des élus.

En effet, notre collègue le sénateur Plett a fait valoir de manière très convaincante que le processus de fixation de délai limite effectivement le débat relativement à un projet de loi en réponse à des manœuvres manifestement dilatoires. Le 11 juin 2014, au sujet d’une motion visant à fixer un délai pour l’étude du projet de loi C-23, Loi sur l’intégrité des élections, qui avait été proposée après que le Sénat n’avait consacré qu’une journée au débat à l’étape de la troisième lecture, le sénateur Plett a déclaré :

J’aimerais dire que, en fait, la fixation de délai avive le débat. Nous sommes actuellement en train de débattre. Nous discutons de la fixation de délai. Nous discuterons ensuite de la motion. En fait, c’est l’ajournement du débat qui étouffe celui‑ci. C’est ce que l’opposition tente sans cesse de faire quand elle n’a pas d’autre recours : ajourner le débat.

Plus loin dans le même discours, il a dit : « Quand on ne peut pas s’entendre, il faut faire quelque chose. »

Chers collègues, pour toutes ces raisons, je pense que le moment est venu de passer à l’action. Le bureau du représentant du gouvernement a soutenu le Sénat à chaque étape du parcours législatif du projet de loi C-11. Il a veillé à ce que les sénateurs de bonne foi puissent faire leur travail correctement, ce qui a été démontré à maintes reprises, comme je l’ai souligné plus tôt. Maintenant, chers collègues, je vous demande d’appuyer la proposition de mener à bien ce processus avec six heures supplémentaires de débat et un vote démocratique sur le message de la Chambre des communes, un message qu’ont soutenu le gouvernement, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois, des partis ayant tous fait campagne sur un programme prévoyant la réforme de la Loi sur la radiodiffusion, ce qui est le sujet du message qui nous est soumis.

Chers collègues, il est temps d’agir. Merci de votre attention.

L’honorable Leo Housakos : J’ai une question à poser au sénateur Harder... Je veux dire au sénateur Gold. Vous êtes interchangeables.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Gold, acceptez-vous de répondre à des questions?

Le sénateur Gold : Je suis très réticent à ne pas répondre aux questions, mais je suis également conscient que nous disposons d’un temps limité. Je répondrai à une question par respect pour le sénateur qui me l’a posée et pour l’institution. Ensuite, avec votre indulgence, je ne répondrai plus à aucune question afin de laisser le temps à tous ceux qui le souhaitent de s’exprimer sur ce sujet.

Le sénateur Housakos : Encore une fois, monsieur le leader du gouvernement, selon les traditions et les pratiques déjà établies au Sénat, en ce qui concerne plus particulièrement des projets de loi et des motions aussi importants que ceux dont nous sommes saisis, le leader du gouvernement doit permettre au Sénat de lui poser des questions. Je m’inscris en faux contre certaines choses que vous avez dites dans votre discours. Si vous ne donnez pas à l’opposition la possibilité de poser des questions et d’obtenir des réponses, encore une fois, cela crée le genre de frustration que nous voyons dans cette enceinte.

J’aimerais seulement parler de quelques aspects. Vous avez dit que l’opposition se sert de l’ajournement pour étouffer le processus. Or, tous les groupes dans cette enceinte, lorsqu’ils veulent étouffer un processus, le ralentir, prendre leur temps ou négocier la façon de procéder, proposent l’ajournement du débat sur des motions. Cela ne date pas d’hier. Le gouvernement le fait, l’opposition le fait et, bien sûr, depuis 2016, tous les groupes le font.

Par ailleurs, je suis heureux que vous ayez commencé à porter attention aux vidéos de Pierre Poilievre. Cependant, je m’inscris en faux contre vos propos lorsque vous dites qu’on fait preuve de partisanerie lorsque Pierre Poilievre, le chef de l’opposition à la Chambre des communes, s’engage dans un débat public pour s’opposer à un projet de loi d’initiative ministérielle, et lorsqu’on voit Rachael Thomas, porte-parole pour le projet de loi C-11 à la Chambre des communes, dans une vidéo...

Je pose une question, Votre Honneur, mais j’aimerais lui fournir une mise en contexte. Honorables collègues, encore une fois, la tradition du Sénat veut qu’on puisse faire une certaine mise en contexte relativement aux questions et aux réponses.

Le leader du gouvernement a dit qu’à l’autre endroit, Pierre Poilievre et Rachael Thomas faisaient campagne contre le projet de loi C-11. Êtes-vous tout aussi offusqué lorsque le premier ministre Trudeau et le ministre Rodriguez diffusent leurs vidéos ou lorsqu’ils prennent la parole sur la scène publique pour dire que le projet de loi C-11 est une bonne chose? Êtes-vous tout aussi offusqué?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour votre question. Vous avez mal compris ce que j’essayais de dire, et je vous remercie de me donner l’occasion de le préciser.

Le contexte dans lequel nous débattons de la fixation de délai est celui de la campagne délibérée pour torpiller ce projet de loi. Ce n’est pas un exemple de débats ajournés ou de temps pris pour préparer un discours afin de s’assurer que la contribution est constructive pour faire avancer le projet de loi. J’ai cité votre chef qui vous a qualifié de « guerrier spartiate » pour illustrer le fait que ce n’est pas un secret, en tout cas pas pour le Sénat. C’est une chose de s’opposer à un projet de loi. C’en est une autre de mobiliser cette enceinte dans un effort visant à torpiller un projet de loi qui a reçu l’appui démocratique de la majorité de la Chambre des communes, et de le faire en prétendant simplement chercher à améliorer le projet de loi.

(2200)

Avec tout le respect que je vous dois, vous êtes peut-être heureux de porter le titre de « guerrier spartiate ». Je préfère me voir comme un défenseur de la démocratie, et la fixation de délai est un outil approprié afin de combattre les tactiques dilatoires et obstructionnistes utilisées pour des raisons purement partisanes. C’est un outil approprié pour permettre au Sénat et aux sénateurs appelés ici à travailler au nom des Canadiens de se prononcer, d’abord sur la proposition du gouvernement d’ajouter six heures supplémentaires de débat et de passer au vote. Au bout du compte, les sénateurs ont le droit de se prononcer pour indiquer s’ils acceptent ou rejettent ma proposition d’accepter le message de l’autre endroit.

Nous sommes ici pour travailler au nom des Canadiens. Nous sommes ici pour faire preuve de jugement. À cet égard, la motion que je vous exhorte à soutenir nous donnera l’occasion de faire le travail pour lequel nous avons été nommés ici, le privilège de servir les Canadiens, et d’arrêter une campagne qui ne prendrait jamais fin sans le recours à la fixation de délai dans l’intérêt des Canadiens. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je ne sais trop par où commencer. Le leader du gouvernement souhaite faire avancer un projet de loi et nous dit : « Je répondrai à une question, mais je ne répondrai à aucune autre question. »

Excusez-moi. Vouliez-vous poursuivre le débat? Je vous remercie.

Le sénateur Gold a déclaré — et le Hansard en témoignera —, qu’il refuserait de répondre à une deuxième question. Il dit maintenant que le temps est de nouveau écoulé. Cela revient à déformer quelque peu la vérité, sénateur Gold. Vous avez dit que vous n’accepteriez pas de répondre à une deuxième question.

Je trouve très déconcertant de voir le leader du gouvernement refuser de répondre aux questions des sénateurs d’en face, alors qu’il se présente comme le défenseur de la démocratie. Alléluia! Je remercie le sénateur Gold d’être enfin venu au Sénat pour y défendre la démocratie, car j’ignore comment ce dernier a pu fonctionner pendant plus de 150 ans sans les nominations du premier ministre Trudeau, des sénateurs « indépendants » qui ont voté à 96 % en faveur du gouvernement et qui ne cessent de prétendre être indépendants.

Il reste encore quatre, voire cinq sénateurs qui reconnaissent qu’ils aimeraient bien faire partie d’un caucus libéral, mais en raison de la merveilleuse réforme du Sénat de M. Trudeau, ils ont choisi de créer leurs propres caucus.

Quelques sénateurs nous ont quittés et il leur arrive maintenant parfois de voter pour les budgets libéraux. Je ne comprends pas non plus cette situation. Je ne sais pas en quoi le Sénat s’est amélioré au cours des dernières années.

Mes moments les plus mémorables au Sénat ont été mes prises de bec avec mon bon ami le sénateur Terry Mercer, qui était tout aussi partisan que moi. La sénatrice Ringuette le sait, de même que la sénatrice Cordy et le sénateur Massicotte. Ils savent à quel point le sénateur Mercer était partisan. Pourtant, nous étions d’excellents amis parce que nous comprenions que le Sénat est une arène politique où il y avait deux partis politiques qui s’affrontaient et débattaient de projets de loi et parfois de motions de fixation de délai.

Je ne comprends absolument pas pourquoi le sénateur Gold essaie de faire croire que nous sommes opposés à la fixation de délai. Ce n’est pas le cas. Nous avons appuyé la fixation de délai à maintes reprises. Demandez-le au sénateur Carignan. Nous avons été nommés au Sénat le même jour en 2009, de même que la sénatrice Seidman.

Nous avons déjà vu des cas de fixation de délai. Nous l’avons appuyée de notre côté et de l’autre. Là n’est pas la question, sénateur Gold. Il s’agit du fait que vous n’avez pas le droit de la demander. La Constitution et le Règlement du Sénat disent que vous n’avez pas le droit. Vous dites un jour au Sénat que vous êtes un sénateur non affilié et indépendant et que vous ne faites pas partie du gouvernement; pourtant, vous exécutez les basses besognes du gouvernement et vous êtes ici en train de nous dire que vous avez le droit de fixer un délai.

Non, vous n’avez pas le droit. J’ai lu le Règlement aujourd’hui. On peut souhaiter très ardemment de le modifier, mais il ne change pas pour autant. Ce que vous avez fait aujourd’hui, monsieur le leader du gouvernement, c’est que vous avez forcé le Président à réécrire le Règlement. C’est ainsi que l’histoire se souviendra de vous. Vous avez forcé le Président à réécrire le Règlement. En fait, peu importe ce que dit le Président à propos de cet enjeu, le Règlement ne change pas pour autant. Le Règlement parle de partis reconnus. Vous n’êtes pas membre d’un parti reconnu. Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Vous ne pouvez pas dire « parfois, je suis membre d’un parti reconnu, parfois je suis représentant du gouvernement, parfois je suis leader du gouvernement. Aujourd’hui, je répondrai à vos questions. Demain, quand vous me poserez des questions à propos de CBC/Radio-Canada, je dirai que je ne peux pas répondre pour CBC/Radio-Canada. »

Tôt ou tard, sénateur Gold, vous devrez accepter ce que vous êtes et vous devrez l’admettre.

Le sénateur Carignan : Être ou ne pas être.

Le sénateur Plett : Je ne voudrais pas répéter ce que le sénateur Dalphond a dit. Quelqu’un pourrait à nouveau suggérer qu’il s’agit d’un langage non parlementaire. Cependant, le sénateur Dalphond a fait allusion à quelque chose comme « si ça cancane comme un canard et si ça nage comme un canard, c’est probablement un canard ».

Comme je l’ai dit plus tôt — j’en informerai tous les sénateurs —, nous avons l’intention de demander que le sénateur Gold devienne le « leader du gouvernement au Sénat ». C’est ce qu’il a déclaré être aujourd’hui. Oui, je suis d’accord, sénatrice Lankin. Nous avons enfin compris. C’est ce que le Président a dit aujourd’hui.

Sénateur Gold, vous aurez du mal à dire la semaine prochaine que vous n’êtes pas le leader du gouvernement.

Encore une fois, nous ne sommes pas opposés à la fixation de délai. Il n’est pas nécessaire de raccourcir le débat sur une question qui a fait l’objet de six heures de débat.

Ce projet de loi est arrivé au Sénat — il y a eu un accord signé au printemps lorsque nous avons accepté que le comité se réunisse en septembre. Or, le comité ne s’est pas réuni. Il est devenu évident en novembre que d’autres réunions étaient nécessaires, y compris pour entendre des témoins autochtones, qui avaient été oubliés, comme l’a souligné le sénateur Klyne à ce moment au comité — quelque chose que le gouvernement a fait à l’autre endroit. Une fois de plus, il a négligé de consulter les Autochtones, ce qui l’a obligé à ralentir le processus.

Ils ont manqué à leur parole. Vous dites que je n’ai pas tenu ma promesse à propos d’une entente signée. Apparemment, vous ne connaissez pas tous les faits. Vous savez très bien pourquoi la promesse n’a pas été respectée. C’est parce que le gouvernement du Canada, le Parti libéral du Canada — Justin Trudeau et ses petits copains — ont rompu l’accord à l’autre endroit.

Combien de temps a-t-il fallu à la Chambre des communes? Le message a été envoyé le 2 février. Les amendements étaient connus depuis le 14 décembre. La Chambre des communes a adopté le message le 30 mars, trois mois et demi après que les amendements ont été transmis, sénateur Gold. Le débat sur les amendements a commencé le 18 avril et le sénateur Gold y a mis fin le 20 avril. Pourtant, ce serait la faute de l’opposition.

Quand l’opposition accomplit son travail — comme Jean Chrétien, l’un des grands premiers ministres libéraux de ce pays, l’a déclaré —, le rôle de l’opposition est de s’opposer. Nous faisons notre travail, mais certains sénateurs de l’autre côté disent que nous faisons de l’obstruction ou que nous faisons quelque chose de mal. Nous faisons notre travail.

(2210)

On m’a envoyé ici pour y faire quelque chose. Sénateur Gold, on vous a envoyé ici. Vous avez clairement le sentiment qu’on vous a confié un mandat. Vous avez reçu des directives du premier ministre et vous faites votre travail. Je respecte cette part de ce que vous faites.

Mais pourquoi, chers collègues, ne pouvez-vous pas accepter et respecter ce que fait l’opposition?

Nous n’éprouvons pas d’antipathie à l’égard de certaines personnes au Sénat. Je peux dire ceci au sujet du sénateur Mercer et moi. Lorsque je m’en prenais au sénateur Mercer au Sénat, il ne le prenait jamais personnellement. Il ne s’est jamais dit « Don ne m’aime pas ». Il s’agissait d’échanges politiques, et lorsque la séance était levée, nous sortions prendre une bière ensemble. Nous avons voyagé ensemble, et nous faisions partie des mêmes associations parlementaires. Pendant presque tout le temps où nous avons été tous les deux au Sénat, nous faisions partie des mêmes comités et nous discutions ensemble à ces comités — les comités de l’agriculture et des transports. Nous avons fait du bon travail à ces comités.

J’ai entendu je ne sais plus combien de fois aujourd’hui que le premier ministre avait rendu le Sénat moins partisan. Chers collègues, le Sénat n’a jamais été plus partisan qu’aujourd’hui.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Il ne l’a jamais autant été et je ne dis pas cela pour attaquer qui que ce soit dans cette enceinte, mais il m’est impossible de faire valoir un argument sans qu’un sénateur se vexe et dise : « Don Plett s’en prend à moi. » Je suis désolé, mais ce n’est pas ce que je fais.

Je m’en prends au Parti libéral du Canada, parce que je crois qu’il est un fléau pour le pays; j’en suis convaincu. Je respecte vos croyances, veuillez respecter les miennes. Je suis d’avis que l’actuel premier ministre est le pire que le pays ait jamais eu, y compris son père, avec qui je ne m’entendais pas. Mais, au moins, lorsque Pierre Elliott Trudeau était premier ministre, il me semblait qu’un adulte dirigeait le pays.

Je dis donc cela ici, et c’est en quelque sorte non parlementaire, et nous sommes de mauvaises personnes parce que nous exprimons nos opinions — parce que nous faisons de la politique.

Le sénateur Gold veut avoir le pouvoir de faire cela, mais il ne l’avait pas auparavant. Aujourd’hui, le Président a réécrit le Règlement pour lui donner le pouvoir de mettre fin au débat. Encore une fois, ce que vous ressentez n’a pas d’importance. Il y a deux heures, vous n’aviez pas le droit de faire ce que vous faites maintenant en raison du Règlement — une personne a réécrit le Règlement, que cela vous plaise ou non. Vous pouvez hocher la tête autant que vous voulez, c’est simplement la réalité.

Le Règlement est clair. Lorsqu’il est question de partis reconnus, sénateur Gold, cela ne change rien; le terme n’est pas trop compliqué à changer. Partis reconnus, groupes reconnus.

Je pense que le sénateur Dalphond a interprété que les « groupes reconnus » ont les mêmes pouvoirs et les mêmes droits que les partis reconnus parce que les leaders des groupes reconnus ont obtenu une augmentation de salaire. Quant au sénateur Gold, il perçoit 92 000 $ pour être le leader du gouvernement. Je ne sais pas ce que cela implique, mais le fait est que les autres groupes reconnus n’ont pas les mêmes pouvoirs que l’opposition ou que le gouvernement. Et c’est intentionnel.

Le sénateur Harder a joué un rôle déterminant dans l’adoption de la Loi sur le Parlement du Canada. Pendant que le ministre LeBlanc était ici aujourd’hui, beaucoup d’entre nous ont eu des conversations avec lui à ce moment-là. Il a pris des engagements envers moi; je n’en parlerai pas ici, mais il a pris des engagements envers moi. Il a dit : « Voilà ce que nous voulons. Nous ne voulons pas que la Chambre aille plus loin ». Ils ont reconnu quatre groupes. Ils ne voulaient pas aller au-delà. Ils ont été clairs. La sénatrice Saint-Germain en témoignera, tout comme le sénateur Tannas, j’en suis sûr, et la sénatrice Cordy. Ils confirmeront que c’est ce que le ministre LeBlanc a dit : « Nous ne voulons pas aller plus loin ».

Si le gouvernement avait voulu que vous ayez le pouvoir que vous avez maintenant obtenu par des moyens détournés — car les francs moyens ne fonctionnaient pas —, il vous les aurait donnés. Il s’en serait chargé.

Comme l’a dit la sénatrice Lankin plus tôt aujourd’hui, pourquoi confier la question au Comité du Règlement? C’est « le comité où les choses n’aboutissent pas. » De plus, les comités sont incapables de fonctionner par consensus. Comment cela se fait-il? Nous avions des comités qui fonctionnaient par consensus à l’époque où les seuls partis au Sénat étaient les partis les plus partisans au Canada. Toutes les décisions du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration étaient prises par consensus. Sénateur Housakos, vous y étiez, tout comme le sénateur Furey. Nous réussissions à fonctionner par consensus lorsqu’il n’y avait que deux partis politiques au Sénat, mais maintenant, nous avons soudainement un Sénat non partisan et nous n’y arrivons plus.

Chers collègues, lorsque vous dites que vous rendez le Sénat moins partisan, songez à cela, car ce n’est pas le cas.

J’admets qui je suis. Je suis un conservateur et fier de l’être. Je suis fier d’avoir des valeurs conservatrices. Si vous êtes fiers d’avoir des valeurs libérales, alors dites-le franchement. Ne nous dites pas que vous êtes indépendants et que vous allez voter selon votre conscience pour ensuite appuyer le gouvernement 96 % du temps.

Le sénateur Gold a affirmé que nous avions un accord ou, du moins, qu’il avait proposé un accord. Dans mon ancienne vie, j’ai souvent eu à négocier. J’ai négocié pour des municipalités et pour différentes organisations. Pour qu’il y ait négociation, il doit y avoir au moins deux parties qui discutent.

La vérité, chers collègues, c’est que le sénateur Gold a affirmé lundi dernier, c’est un fait, qu’il voulait que le projet de loi soit adopté au plus tard jeudi de la semaine dernière. C’est vrai — je ne le remets pas en question.

Habituellement, le sénateur Gold demande d’abord à la sénatrice Saint-Germain quels sont les sénateurs qui auront l’occasion d’intervenir. Il me le demande ensuite. Il passe habituellement ensuite au sénateur Tannas, puis à la sénatrice Cordy et il leur demande leur avis. C’est ce qu’il a fait. Je ne vous dirai pas quelle était l’opinion des autres sénateurs, mais je vous dirai quelle était la mienne. J’ai répondu : « Sénateur Gold, il n’y a pas de motion. Vous me demandez combien il y aura d’intervenants de notre parti, mais je n’ai pas de motion. Je voudrais avoir une motion et, ensuite, je pourrai en débattre et en discuter. » Je crois que personne ne peut nier que c’est ce qui s’est dit. Il ne comprenait pas pourquoi.

Une des personnes présentes a dit : « On parle d’une motion qui tient sur deux lignes. Cela ne devrait pas prendre trop de temps. » J’ai répondu : « C’est vrai. Combien de temps vous faudrait-il pour produire la motion? » Mon personnel aurait besoin d’environ 10 minutes. Le gouvernement a eu deux semaines, et cette motion qui tient sur deux lignes n’a pas été produite. Pourquoi?

Ce retard commençait à éveiller mes soupçons : pourquoi ne présentaient-ils pas une motion? Ce serait très simple. J’ai donc dit : « Demain, quand nous verrons la motion », parce qu’on m’avait dit que nous la recevrions avant minuit. Mon chef de cabinet l’a reçue avant minuit, en effet, mais pas moi, parce que j’étais couché et qu’il a judicieusement choisi de ne pas me réveiller. Il m’a simplement donné la motion le lendemain.

Ce jour-là, nous avons débattu de la motion. Le sénateur Tannas a proposé un amendement. Le lendemain, le gouvernement a accepté son amendement. Les discussions se poursuivaient. Le sénateur Gold m’a appelé au sujet de cet amendement et m’a demandé si nous comptions le soutenir ou non. Je lui ai suggéré que nous attendions au moins jusqu’au lendemain — et j’ai dit que nous allions probablement soutenir l’amendement, mais que j’aimerais attendre jusqu’au lendemain parce que je voulais y réfléchir puisque je n’en avais pas encore parlé avec mon groupe parlementaire. Je ne veux pas mettre des mots dans votre bouche, sénateur Gold. Il a dit : « D’accord, laissez-moi y réfléchir. » Ensuite, il m’a rappelé et il m’a dit : « Non, nous avons l’intention d’aller de l’avant ce jour même. » Je lui ai dit : « D’accord, sénateur Gold, mais nous ne pouvons pas soutenir cela aujourd’hui; nous accepterons donc l’ajournement et nous adopterons probablement l’amendement demain », ce que nous avons fait. Nous l’avons adopté le lendemain. Il n’y a pas eu de vote; nous avons accepté. Le sénateur Gold m’a dit : « Don, je pense que vous et moi devrions discuter plus longuement cette semaine. »

(2220)

Honorables sénateurs, je parle en toute honnêteté. Je ne croyais pas qu’il imaginait encore obtenir l’approbation du projet de loi jeudi. Je lui ai dit : « Oui, nous devrions discuter. Je serais heureux de discuter. » J’ai dit que nous pourrions en parler avant notre réunion des leaders de lundi suivant. Il m’a répondu : « Eh bien, je crois que nous devrions discuter plus tôt. » Je lui ai dit : « D’accord, nous pourrions peut-être en parler jeudi. » Cependant, j’ai dit : « Sénateur Gold, j’espère que vous comprenez que nous ne sommes pas prêts à nous prononcer sur cette question jeudi. » Je serai le premier à admettre cela.

Il n’y a pas de négociation, chers collègues. Nous n’avons même pas encore commencé à débattre. Nous n’avons même pas commencé à débattre dans cette enceinte, et il veut que, en une journée, j’accepte quelque chose qui a mis deux ans et demi à faire son chemin dans le processus législatif. Je ne vois vraiment pas comment le Président pourrait rendre aujourd’hui une décision à cet égard, parce que le sénateur Gold nous a donné moins de 30 heures pour traiter d’un projet de loi qui est à l’étude depuis trois ans. Est‑ce ainsi que les décisions doivent être prises?

Encore une fois, honorables sénateurs, quelle que soit notre allégeance politique, nous avons une obligation à l’égard des Canadiens. Le Parti conservateur du Canada représente plus de 7 millions de Canadiens. Nous avons remporté le vote populaire lors des deux dernières élections. Nous avons le devoir — nous sommes tenus par l’honneur — de parler au nom de ces 7 millions de Canadiens, et il y en aura encore plus après les prochaines élections. Nous avons un devoir, et je trouve vraiment déconcertant que, lorsque nous défendons les valeurs conservatrices, nous soyons considérés comme des personnes qui font de l’obstruction et qui ne coopèrent pas au Sénat.

On m’a demandé dernièrement — et je sais que beaucoup d’entre vous m’encourageraient à suivre le conseil de certaines personnes et à dire — : « Don, pourquoi te casser la tête? Pourquoi ne pas prendre ta retraite du Sénat? » Je sais que certains seraient probablement heureux de m’offrir un cadeau de départ si je le faisais, mais je dis qu’il y a toujours plus de bons jours que de mauvais. J’ai encore de l’espoir. Je l’ai dit à un couple qui se trouvait dans mon bureau aujourd’hui. Je continue à croire que je parle au nom de nombreux Canadiens et je veux continuer à les soutenir. Je veux parler au nom de ces Canadiens.

Comme je l’ai dit, il ne s’agit pas de savoir si nous soutenons ou non la fixation de délai. Je n’ai jamais dit, sénateur Gold, que nous ne la soutenions pas. Sénateur Gold, je m’attendais à ce que si nous ne faisions pas avancer ce projet de loi dans la semaine ou les deux semaines à venir... et vous et moi avons eu ces discussions, sénateur Gold. Vous et moi avons eu ces discussions il y a quelques mois lorsque vous avez fait votre offre. Vous avez dit : « Don, si vous avez besoin d’aide, je peux probablement vous aider. » Il ne fait aucun doute que nous nous attendions à disposer d’un temps limité pour débattre de ce projet de loi dans cette enceinte avant que vous n’essayiez au moins d’avoir recours à la fixation de délai.

Est-ce que les choses se seraient déroulées de la même manière aujourd’hui? Oui, nous aurions probablement fait la même chose parce que je suis toujours convaincu que vous n’avez pas le droit. Selon le Règlement, vous n’avez pas la légitimité pour un certain nombre de questions, comme je l’ai souligné plus tôt. Nous aurions tout de même fait valoir cet argument. Toutefois, sénateur Gold, vous nous auriez donné une occasion. C’est une occasion que vous retirez aux Canadiens, et non pas à l’opposition. Nous sommes ici, prêts à débattre de cette question.

J’ai effectivement proposé un amendement l’autre jour. J’ai proposé un amendement très raisonnable qui prévoyait de répondre une fois au gouvernement que nous nous attendons à ce qu’il accepte notre amendement. C’était tout. Cet amendement n’avait rien de répréhensible. La réalité, c’est que nous connaissons tous les procédures et nous devions veiller à ce que nous ne soyons pas — la sénatrice Lankin et moi, nous nous sommes affrontés il y a quelques années au sujet d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Elle a remporté cet affrontement. Je la félicite; je n’en éprouve aucune rancune.

Devons-nous nous assurer que cela ne se produira pas? Oui. Est-ce que cela signifie que nous comptons faire de l’obstruction pendant trois mois? Non. Nous savions pertinemment, sénateur Gold, que le moment viendrait où vous alliez probablement — à part si nous laissions la mesure aller de l’avant — faire ce que vous avez fait ce soir, et nous espérions que la bonne décision serait rendue. De toute évidence, vous croyez que c’est le cas, et il n’y a rien de mal à cela. Nous en débattrons un autre jour.

Toutefois, nous ne croyions pas que vous feriez cela après six heures de débat — six heures, lors de la toute première journée du débat —, que vous refuseriez de parler au leader de l’opposition, d’aller le voir. Dans de telles situations, je parle toujours au leader à la Chambre des communes. Quand Mark Holland prévoit présenter une motion d’attribution de temps, il en informe Andrew Scheer, ainsi que les leaders des autres partis. Et vous, sénateur Gold, que faites-vous? Jeudi, je me suis rendu devant votre pupitre, et je vous ai demandé si nous devrions avoir une réunion. Vous m’avez répondu que le moment n’était pas bien choisi. Or, une demi-heure plus tard, votre préavis de motion était présenté, et vous laissez entendre que nous ne sommes pas dignes de confiance et que nous ne sommes pas honorables. Je trouve ce genre de comportement fort douteux.

Je vous ai demandé si nous devrions nous rencontrer. Quelle différence cela fait-il que ce projet de loi soit adopté ce jeudi, mardi prochain ou même jeudi prochain? À moins que le premier ministre ait pris peur et qu’il souhaite quitter Ottawa pendant un certain temps et qu’il dise « sénateur Gold, sénateur Furey, vous devez m’aider. On ne peut rester à Ottawa ». Vous secouez la tête. Nous verrons si cela a la moindre pertinence, car sinon, sénateur Gold, quelle différence une semaine de plus peut bien faire pour un projet de loi qui est au Sénat depuis trois ans? Je ne parviens pas à comprendre cela.

Sénateur Gold, vous auriez pu venir me voir à n’importe quel moment et me dire « Don, si vous ne laissez pas aller ce projet de loi d’ici cette date, je vais devoir recourir à la fixation de délais. » Cela aurait été la chose professionnelle et honorable à faire. Je l’aurais accepté. J’aurais pris la parole ici même et j’aurais probablement poussé les hauts cris, comme je le fais en ce moment, et déclaré que vous n’avez pas le droit de faire cela, mais au moins cela aurait été la façon appropriée d’agir, au lieu d’utiliser cette manière détournée. Je ne le prends pas.

Vous insinuez que j’ai rompu un accord. Non, c’est le gouvernement qui a rompu un accord. Vous savez très bien — et je ne vais pas le soulever — quelle est l’entente que nous avions convenue vous et moi, sénateur Gold, et que vous n’avez pas respectée. Je vous invite à la plus grande prudence sur le nombre de fois que vous m’accusez d’avoir brisé une promesse avant que je ne mentionne cette fameuse entente, car celle-là était de nature beaucoup plus personnelle que l’autre. Vous ne voulez pas que j’en parle ici, sénateur Gold. Je vous invite à la plus grande prudence sur le nombre de fois que vous m’accusez d’avoir rompu un accord. Je n’ai brisé aucun accord. C’est le gouvernement qui n’a pas respecté sa parole. Le gouvernement n’a pas mené les consultations attendues de sa part. J’ai donc dit, sénateur Gold, que le gouvernement n’avait pas assumé ses responsabilités, qu’il n’avait pas fait ce qu’il était censé faire ni ce qu’il affirmait avoir fait, et que nous ne pouvions pas continuer ainsi. Cela n’avait rien à voir avec les vidéos de Pierre Poilievre ou du sénateur Housakos. Il était question de défendre les intérêts des Canadiens.

(2230)

On ajoute maintenant une couche de censure à propos d’un projet de loi de censure.

Pour conclure, sénateur Gold, je dirai qu’on récolte ce qu’on a semé. Vous pouvez m’adresser la même observation si vous le souhaitez. Aux prochaines élections, vous récolterez ce que vous avez semé. Le Sénat redeviendra une Chambre de second examen objectif où régnera le respect mutuel. C’est ce qui se passera après les prochaines élections, que cela vous plaise ou non. Les sénateurs auront de nouveau du respect les uns pour les autres, qu’ils soient du côté du gouvernement ou de l’autre côté. Nous travaillerons dans le respect, même lorsque la colère nous gagne comme cela est arrivé ce soir. Je prendrai l’avion vendredi matin avec des collègues manitobains. Pendant la fin de semaine, nous allons nous côtoyer et nous dire comment nous nous apprécions mutuellement puis, lundi ou mardi, nous reviendrons ici et nous continuerons de travailler comme nous l’avons fait aujourd’hui, car c’est ainsi, chers collègues, que le Sénat devrait fonctionner. Merci beaucoup.

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Merci, Votre Honneur. Chers collègues, même si je siège dans cette Chambre depuis un peu plus de six ans, je prends la parole pour la première fois afin de participer à un débat sur une motion de fixation de délai. Cela, a priori, m’amène à faire deux constats importants : le premier est que la fixation de délai est une procédure d’exception, un outil puissant et draconien aux conséquences définitives. Mon deuxième constat, c’est que cette mesure a été traitée avec la retenue qui est exigée à son égard par les représentants du gouvernement, les sénateurs Harder et Gold successivement. C’est d’ailleurs, il faut le souligner, la toute première fois que cette pratique d’exception est utilisée depuis l’arrivée au pouvoir de ce gouvernement en 2015 et, par le fait même, depuis l’amorce de la réforme du Sénat.

[Traduction]

Je vais commencer mon intervention sur cette première motion de fixation de délai au Sénat de la part du gouvernement en disant que je souscris à bon nombre des arguments que le sénateur Marc Gold a présentés pendant son discours d’aujourd’hui et dans le cadre du discours qu’il a prononcé mardi, lorsque le Sénat a été saisi du message de l’autre endroit sur le projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne. Je ne vais pas répéter tous les arguments du sénateur Gold, mais je vais insister sur un point, c’est-à-dire la façon dont le rôle que nous devons jouer et les mesures que nous devons prendre sont définis par la Convention de Salisbury, ainsi que le rôle complémentaire du Sénat par rapport à la Chambre des communes.

Il est indéniable que le projet de loi C-11 faisait partie du programme électoral du Parti libéral du Canada. D’ailleurs, cette mesure législative avait déjà été présentée avant les dernières élections, sous la forme du projet de loi C-10, et on en avait amplement débattu à l’autre endroit. Ainsi, nous pouvons seulement conclure que les Canadiens ont élu ce gouvernement en étant bien au fait de l’objet du projet de loi et en sachant très bien qu’il serait présenté de nouveau au cours de la nouvelle législature. Par conséquent, en tant que sénateurs, nous pouvons examiner attentivement le projet de loi, proposer des modifications et des amendements, entendre l’avis de spécialistes et de témoins, et transmettre de nos préoccupations, comme nous l’avons fait. Cependant, nous ne pouvons pas agir d’une façon qui pourrait entraîner le rejet de ce projet de loi ou le faire mourir au Feuilleton à nouveau à cause de tactiques dilatoires.

La Convention de Salisbury est un guide, un rappel à la retenue face à la volonté d’une Chambre élue dans notre système parlementaire bicaméral de Westminster.

Je suis surprise lorsque j’entends des sénateurs, habituellement si prompts à défendre les vertus du système de Westminster traditionnel, ignorer soudainement l’une de ses conventions directrices parce que cela correspond aux intérêts partisans du moment.

Chers collègues, c’est avec regret que je dois dire que cette motion de fixation de délai est justifiée et qu’elle nous est même imposée par les circonstances. Elle est proposée aujourd’hui non pas par choix du gouvernement, mais en raison de l’abus de tactiques dilatoires jusqu’à présent.

Bien que la fixation de délais soit utilisée pour limiter les débats, personne ne peut sérieusement prétendre que le projet de loi C-11 et le projet de loi C-10, d’ailleurs, n’ont pas été suffisamment débattus. Au cours de la législature précédente, le projet de loi C-10 a été débattu sur huit journées à l’autre endroit, entre novembre 2020 et juin 2021. En comité, il a été étudié pendant 62 heures et pas moins de 142 témoins ont été entendus. Le projet de loi C-11, qui lui succède, a fait l’objet d’un examen encore plus approfondi puisqu’il a été débattu de l’autre côté de la Colline pendant 10 jours, entre février 2022 et juin 2022, que 80 témoins ont été entendus et que plus de 100 amendements ont été discutés et examinés.

Au Sénat, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a tenu 31 réunions totalisant 67 heures et 30 minutes, au cours desquelles 64 amendements ont été examinés et 26 ont été adoptés.

Nous avons débattu de ce projet de loi au Sénat au cours de six séances distinctes entre juin 2022 et février 2023.

Que dire d’autre? Ceci : l’idée selon laquelle la population canadienne ne veut pas du projet de loi C-11 ou qu’il ne lui plaît pas est fausse. En fait, c’est tout le contraire. Des sondages ont démontré qu’une majorité de Canadiens appuie le projet de loi C-11 et son objectif de réglementer la télédiffusion dans Internet. Un des sondages, commandé l’année dernière par le Globe and Mail, a révélé que 63 % des Canadiens appuyaient cet effort visant à réglementer le contenu d’Internet, tandis que seulement 37 % s’y opposaient. Je ne veux pas dire par cela qu’il n’est pas nécessaire d’écouter 37 % des Canadiens; je crois qu’ils ont été entendus. Cela est particulièrement vrai dans ma province, le Québec, où une majorité écrasante d’intervenants et d’artistes attendent avec impatience que le projet de loi C-11 reçoive la sanction royale.

Permettez-moi maintenant de prendre un instant pour vous parler du Groupe des sénateurs indépendants et du travail rigoureux que nous avons fait à l’égard de ce projet de loi. J’aimerais en particulier remercier les membres du groupe qui ont travaillé inlassablement pour améliorer le projet de loi au Comité des transports : les sénateurs Clement, Cormier et Dasko, la sénatrice Miville-Dechêne, la vice-présidente, les sénatrices Simons et Sorensen, ainsi que les sénateurs de tous les groupes qui l’ont étudié et qui se sont exprimés à son sujet au Sénat. Vous avez maintenu avec brio un état d’esprit indépendant et critique et vous avez voté selon votre conscience et votre opinion personnelle. Je peux dire fièrement que vous avez accompli le travail que l’on attend des sénateurs. Tout au long de cette étude, le Groupe des sénateurs indépendants s’est toujours montré prêt à examiner méticuleusement la teneur du projet de loi, ce qui a donné lieu, selon moi, à une étude très complète.

Pas une seule personne ayant manifesté le désir de témoigner devant le comité ne s’en est vu refuser l’occasion. Nous n’avons écourté aucun débat. Nous avons présenté de nombreux amendements, et un nombre considérable d’entre eux font partie de la version finale du projet de loi. Ce travail a donné lieu à un meilleur projet de loi, dans l’intérêt des Canadiens. En tout, nous avons proposé 64 amendements, et la Chambre des communes a accepté 20 des 26 que nous avions adoptés.

Sur une note moins positive, chers collègues, alors que de nombreux sénateurs travaillaient à améliorer le projet de loi C-11, certains de nos collègues avaient des objectifs différents. Qu’est-ce qui est en jeu ici? Soyons clairs : j’ai la conviction qu’ils agissent de bonne foi, qu’ils considèrent réellement que le projet de loi à l’étude est mauvais et qu’il faut empêcher par tous les moyens qu’il soit adopté. Or, chers collègues, même si nous aurions voulu que l’autre endroit et le gouvernement acceptent tous nos amendements, il est temps de passer à autre chose. La motion de fixation forcée d’un délai dont nous débattons aujourd’hui est le seul moyen de dénouer l’impasse et de passer à l’adoption du message que nous avons reçu sans avoir à avancer à pas de tortue, de sonnerie d’une heure en sonnerie d’une heure.

Parlons maintenant de démocratie. D’abord et avant tout, nous sommes ici pour défendre la démocratie. Nous ne sommes pas des élus. Tout le monde ici est au courant. Nous sommes cependant membres d’une institution de second examen objectif, un partenaire réfléchi de la Chambre des élus. Nous faisons bien partie du système parlementaire canadien.

(2240)

À la base de tout système démocratique se trouve le concept de vote. Or, c’est précisément ce que l’autre endroit nous demande de faire : voter.

Bonsoir, sénateur Plett.

Certains collègues savent qu’ils perdront un vote libre et démocratique dans cette Chambre. Nous avons déjà adopté une version de ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture, et il y a fort à parier que si nous devions voter sur ce message, le projet de loi C-11 prendrait le chemin de la sanction royale. Des sénateurs font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la tenue d’un vote. Est-ce vraiment démocratique que de faire de la désinformation et de la démagogie, avec des propos incendiaires, tout en refusant de procéder à la mise aux voix? Je sais que mes propos surprendront certains de mes estimés collègues, mais je tiens à le dire clairement aux fins du compte rendu et pour les Canadiens qui suivent ce débat : le projet de loi C-11 n’est pas une atteinte à la liberté d’expression ou d’opinion. Ne soyons pas victimes de la démagogie.

Lors de l’étude du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, certains ont dit que le projet de loi C-11 nous ramènerait à l’époque de Cicéron, une époque dangereuse où les libres-penseurs étaient punis par amputation pour leur désaccord avec le régime. Je considère plutôt le projet de loi C-11 comme la voie d’accès au XXIe siècle, à une nouvelle ère de communication et de radiodiffusion. J’y vois un moyen pour les artistes et les créateurs canadiens de rayonner et de faire l’objet d’une promotion équitable. Je pense que cela fait longtemps qu’un tel projet de loi aurait dû être adopté.

Alors, si des tactiques dilatoires et des propos alarmistes démagogiques peuvent empêcher un vote sur un message émanant d’une Chambre élue, remplissons-nous notre rôle démocratique en tant que sénateurs? Croyons-nous vraiment que c’est ainsi que nous rétablissons la crédibilité du Sénat? La population attend-elle de nous, en tant que parlementaires non élus, que nous retardions le projet de loi adopté par ses représentants?

[Français]

Comme on dit en français, poser la question, c’est y répondre.

[Traduction]

La réponse est évidente : bien sûr que non.

Chers collègues, si nous ne limitons pas le débat aujourd’hui pour qu’il y ait un vote, je crains que nous n’ayons jamais l’occasion de remplir notre devoir en tant que parlementaires et de voter sur le message, ce qui rendrait un bien mauvais service à la démocratie.

[Français]

En conclusion, ce que nous demandons aujourd’hui, c’est la tenue d’un vote. Ce que nous demandons, c’est le respect de la démocratie parlementaire, la tenue d’un vote libre en toute indépendance sur la limitation du débat, mais également un vote sur le message de la Chambre des communes, afin qu’une décision soit prise sur l’avenir du projet de loi C-11.

J’ai commencé ce discours en soulignant la nature exceptionnelle de cette motion et sa nature forcée. À mes yeux, limiter un débat parlementaire doit demeurer une exception.

Cela dit, je réitère que les circonstances auront forcé le représentant du gouvernement, un gouvernement démocratiquement élu, à recourir à cette option draconienne et prévue dans nos règles parlementaires. Il est désormais nécessaire de conclure le débat sur la réponse du gouvernement et de la Chambre des parlementaires élus sur les amendements que nous leur avons proposés au projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne, et de continuer notre travail sur d’autres projets de loi tout en regardant vers l’avenir.

Merci. Meegwetch.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénatrice Saint-Germain?

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Certainement.

Le sénateur Housakos : Merci, madame la sénatrice.

[Traduction]

J’ai écouté l’histoire racontée par la sénatrice Saint-Germain et même, plus tôt, celle du sénateur Gold, qui ont dit « heureusement qu’il y a le Groupe des sénateurs indépendants, que nous avons eu des témoins très solides devant le comité, que nous avons eu autant de témoins, que nous avons tenu autant de réunions, que nous avons proposé autant d’amendements », et ainsi de suite.

Mais la vérité, chers collègues, c’est qu’en fin de compte, si nous n’avions pas fait d’obstruction, si nous ne nous étions pas battus à tout bout de champ au comité et ici même, nous aurions eu un vote. Si j’avais écouté mon collègue et la très compétente vice‑présidente, nous aurions voté sur ce projet de loi il y a un an parce qu’il était très urgent de l’adopter.

On m’a demandé tous les mois...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Housakos, avez-vous une question?

Le sénateur Housakos : Bien sûr que j’ai une question. Je ne me tiendrais pas debout si je n’avais aucune question à poser.

Sénatrice Saint-Germain, au bout du compte, à plus d’une occasion, nous avons proposé des amendements, et les amendements proposés par vous et vos collègues du comité avec notre appui, étaient des versions diluées pour protéger le contenu généré par les utilisateurs, si on les compare aux versions originales ayant été rejetées.

Ma question est donc la suivante: pourquoi le Sénat n’insisterait-il pas une fois de plus auprès du gouvernement pour qu’il écoute — comme vous l’avez souligné — les milliers de créateurs de contenu généré par les utilisateurs et de témoins? Pourquoi ne lui dirait-il pas que nous insistons pour maintenir les amendements raisonnables tels qu’ils ont été proposés par le Groupe des sénateurs indépendants, avec l’appui de tous les membres du comité, et que c’est dans l’intérêt des voix de la raison au pays qu’il appuie ces amendements?

La sénatrice Saint-Germain : Merci de cette question, sénateur Housakos. C’est une bonne question et je suis d’accord avec vous pour dire que le Sénat a fait un travail réfléchi.

J’ai eu l’occasion de dire qu’aucun témoin ne s’est vu refuser la possibilité d’être entendu par le Comité des transports et des communications. Félicitations à tous les membres du comité.

Par ailleurs, nous devons écouter les témoins et interpréter leurs témoignages pour ce qu’ils sont. Nous nous sommes rendu compte que, dans tout le pays, l’industrie, les artistes et de nombreuses parties prenantes souscrivaient au projet de loi, en particulier à certains amendements que le comité a entendus et que cette Chambre a entendus. Mais, en définitive — et je me réfère à la convention de Westminster et à notre système parlementaire —, nous avons fait notre travail et nous avons présenté les amendements au gouvernement. Parmi les 26 amendements proposés, 20 ont été acceptés et, en fin de compte, si vous n’acceptez pas de vous en remettre à l’autre Chambre et au gouvernement, vous avez une décision à prendre, et cette décision consiste à vous porter candidat aux prochaines élections.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je vais prendre quelques instants pour participer au débat de ce soir sur la motion de fixation de délai du sénateur Gold. Je veux être claire dès le début : je parle en mon nom, et non en tant que représentante des membres de mon groupe. Les membres de mon groupe sont libres de voter comme bon leur semble, mais j’appuierai la motion.

Si une telle procédure peut sembler nouvelle à beaucoup de sénateurs, ce n’est vraiment pas le cas. Je siège au Sénat depuis assez longtemps pour avoir entendu les deux points de vue qui s’opposent dans ce débat. Par exemple, en 2014, mon ami le chef de l’opposition a déclaré ce qui suit :

J’aimerais dire que, en fait, la fixation de délai avive le débat. Nous sommes actuellement en train de débattre. Nous discutons de la fixation de délai. Nous discuterons ensuite de la motion. En fait, c’est l’ajournement du débat qui étouffe celui‑ci.

Bien sûr, Stephen Harper était premier ministre à l’époque.

Par le passé, je me suis opposée à la fixation de délai et à la fréquence où cet outil était utilisé, particulièrement sous le gouvernement précédent. Le sénateur Gold a parlé dans son discours de la question de la fréquence. J’aurais préféré — comme nous tous, j’en suis sûre — une entente qui aurait permis à tout le monde de se prononcer, puis de passer au vote. Comme cette option n’était pas possible, je dois tenir compte de tous les facteurs de la situation particulière que nous vivons. J’ai aussi tenu compte du fait que c’est la première fois que le leader du Sénat, le sénateur Gold, présente une motion de fixation de délai.

Le sénateur Harder a déjà donné un préavis de motion de fixation de délai, mais il a été retiré avant que le débat n’ait lieu. Contrairement aux fixations de délai précédentes — et il y en a eu beaucoup —, il ne s’agit pas ici d’un débat de fond sur le projet de loi. En fait, il s’agit d’un débat sur la fixation d’un délai.

Honorables sénateurs, nous débattons maintenant d’une motion visant à accepter le message de l’autre endroit. Beaucoup de temps et d’efforts ont été consacrés à l’examen des mérites de cette mesure législative, tant au Sénat que lors des audiences des comités. Comme d’autres l’ont dit, le Comité des transports et des communications — et je tire ces statistiques du discours du sénateur Housakos sur le rapport du comité — a tenu 31 réunions au total et entendu 138 témoins. Il a reçu 67 mémoires. Au total, le comité s’est réuni pendant près de 68 heures. Neuf réunions ont été consacrées à l’étude article par article. Les membres du comité ont examiné 73 amendements, dont 26 ont été adoptés. Il est certain qu’il y a eu beaucoup de témoins, beaucoup de temps pour les questions et beaucoup de débats au sein du comité et dans cette enceinte.

Notre ancien collègue, le sénateur Dawson, a été chargé de piloter ce projet de loi au Sénat, et il a fait un excellent travail en amenant le projet de loi C-11 jusqu’à la fin de l’étape de la troisième lecture. En tant que sénateurs, nous avons fait preuve de diligence raisonnable et avons envoyé nos amendements à l’autre endroit. La plupart ont été acceptés, et d’autres, rejetés. Deux ont été modifiés, puis, comme le veut la tradition, le Sénat s’en remet aux élus de l’autre endroit.

(2250)

Pour ceux qui disent que nous n’avons pas encore eu le temps de débattre du message reçu de la Chambre des communes, je ne suis pas d’accord. Nous avons passé beaucoup moins de temps à débattre dans des circonstances bien plus compliquées. Lorsque le projet de loi C-69 a été présenté au Sénat, il était tout aussi litigieux, comme certains d’entre vous s’en souviennent peut-être. Comme l’a noté notre ancien collègue Grant Mitchell dans son discours sur le message du 17 juin 2019, « le gouvernement a accepté d’entrée de jeu 62 amendements ainsi que 37 autres avec quelques modifications, pour un total de 99 ».

Un autre sénateur a pris la parole ce jour-là, et le débat a été ajourné. Le 20 juin, le débat a repris avec une heure et demie de discours, une sonnerie de 15 minutes et un vote. C’est tout. En fin de compte, le Sénat a accepté la volonté des élus de l’autre endroit et n’a pas insisté sur ses amendements restants, tout cela en moins de temps que nous le ferons pour débattre de cette motion de fixation de délai.

Si la motion du sénateur Gold est adoptée, je dirais que nous pouvons facilement achever nos délibérations sur ce message dans les six heures à venir. Je serais même étonnée qu’on y consacre toute cette période.

Notre droit de parole n’est pas restreint de façon tangible. Je suis très à l’aise avec la voie que nous choisissons aujourd’hui. Je considère que la fixation de délai est une solution acceptable en l’occurrence, et je voterai en faveur de la motion. Merci.

L’honorable Pamela Wallin : Je veux dire quelques mots à propos de la clôture — ou de la fixation de délai dans ce cas-ci — en partie parce que nous sommes rassemblés en tant que groupe, et qu’il y a de nombreux nouveaux membres dans notre groupe et au Sénat. Même si nous mettons la mesure législative de côté pour un instant, je crois qu’il est important de comprendre les principes régissant le fonctionnement de cette assemblée.

Je pense qu’il faudrait présenter les motions de fixation de délai avec prudence et retenue, et seulement quand aucune autre solution n’a fonctionné. La même règle s’applique pour les contestations des décisions réfléchies rendues par le Président du Sénat.

Nous sommes ici ce soir parce que certains d’entre nous ont des opinions arrêtées sur le projet de loi C-11. Je ne considère pas cela comme un enjeu partisan. Ce projet de loi nous touche de manière très personnelle et particulière. J’ai passé la grande partie de ma vie adulte dans le secteur du journalisme et des médias. J’ai des opinions bien arrêtées. Elles ne sont pas partisanes. Vous croyez peut-être, comme le gouvernement le prétend, que cette mesure législative n’est qu’une simple mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion. Cependant, pour moi et d’autres, elle représente une menace à la liberté d’expression. Cette opinion ne fait pas de moi une démagogue. J’ai travaillé dans ce domaine, et je comprends le projet de loi en question.

La liberté d’expression n’est pas qu’un slogan. Ce n’est pas seulement la capacité de s’exprimer librement sur une bannière. La liberté d’expression va vraiment dans les deux sens : le droit de parler librement, mais aussi le droit d’entendre un large éventail de points de vue, de s’informer et d’échanger des points de vue possiblement opposés. C’est le cœur d’une démocratie.

Qu’il s’agisse du projet de loi ou du recours à la fixation de délai, la question est un aspect plutôt fondamental du fonctionnement du Sénat. Nous assistons au conflit de deux principes fondamentaux de notre tradition parlementaire. Les gouvernements sont effectivement élus et devraient s’attendre à ce que leur projet de loi soit adopté dans un délai raisonnable. Cependant, lorsque les gouvernements traitent les gens cavalièrement, ils peuvent s’attendre à une résistance. C’est ce qui s’est passé à l’autre endroit pendant l’étude au comité.

La fixation de délai est un peu le rejeton de la clôture, je suppose. C’est un outil que le gouvernement a tout à fait le droit d’utiliser, mais l’opposition a également le droit d’utiliser les outils à sa disposition pour retarder les votes et prendre des pauses d’une heure avant de faire retentir la sonnerie pour que nous votions, aussi agaçant et frustrant que cela puisse être. Cela nous ramène à l’éternel débat sur le rôle du Sénat. Il nous appartient de proposer, voire d’imposer de temps à autre, un second examen objectif, que le gouvernement le veuille ou non. Nous ne sommes pas obligés de nous en remettre à l’autre endroit. C’est un choix que nous ferons au Sénat.

Je dois dire que ce qui m’a particulièrement frappée dans ce débat, c’est le comportement des comités de la Chambre des communes. Le processus a été tout simplement épouvantable. Des débats ont été sommairement interrompus et des motions ont été adoptées en secret. Des débats ont été suspendus et des témoins renvoyés chez eux. L’obligation qui nous incombe dans cette enceinte n’en est que plus forte et plus importante. Donner une voix à ceux qui n’en ont pas eu — c’est notre travail. C’est la définition même du Sénat. C’est l’essence même de notre rôle de parlementaires. Nous ne sommes pas une Chambre secondaire. Nous ne sommes pas quelque chose qui vient simplement s’ajouter au processus qui se déroule à l’autre endroit. Nous avons un rôle à jouer en tant que parlementaires.

Pour beaucoup d’entre nous, ce projet de loi pose problème. Certains d’entre nous le trouvent vraiment offensant. En fin de compte, toutefois, nous nous rendons également compte que le gouvernement fera ce qu’il veut. Ce sera un peu désordonné. Ce n’est certainement pas efficace, mais la démocratie s’exprime de façon désordonnée. Les deux camps des deux Chambres qui débattent doivent tenir compte des conséquences de leurs actions. Si le gouvernement veut que ses projets de loi soient adoptés, il doit s’engager dans la discussion et la négociation. Je n’aime pas le fait que demain les réunions de nos comités seront probablement annulées pour que nous poursuivions le débat. Si vous voulez que votre projet de loi soit adopté, vous devez créer les conditions permettant à nos comités de siéger. L’opposition doit également prendre en compte les conséquences de cette situation.

Un esprit plus vif que le mien a déjà dit, « le premier geste de toute persuasion, c’est d’avoir un objectif clair ».

Ce ne sera pas notre dernier débat controversé au sujet d’un projet de loi, mais nous devons à tous ceux que nous représentons un objectif clair, soit de tenir un débat honnête. Plus important encore, nous leur devons de respecter les points de vue fondamentalement différents des Canadiens et des sénateurs à l’égard de ce projet de loi ou du droit du gouvernement de limiter le débat, car, si l’on ne peut pas offrir aux gens une vision de ce qu’ils devraient faire, on ne pourra jamais les persuader des choses qu’ils devraient éviter de faire. Voilà un défi pour les leaders du Sénat, ainsi que pour chacun des sénateurs. Merci.

Le sénateur Housakos : Merci, chers collègues. Je fais écho à tout ce que la sénatrice Wallin a dit de façon si éloquente. Aucun d’entre nous ne prend position en fonction de la politique partisane; nous prenons position pour défendre les Canadiens. Je l’ai dit tout au long du débat sur le projet de loi C-11. Je n’ai jamais caché mes intentions au sujet du projet de loi C-11. Je n’ai jamais caché que je voulais protéger la liberté de parole et protéger ce que les créateurs numériques canadiens peuvent publier et regarder sur Internet. Je préférerais qu’on débatte du contenu du projet de loi ce soir comme je l’ai fait à chaque étape, au lieu d’avoir une discussion sur la fixation de délais avec un leader du gouvernement qui prétend ne pas être un leader du gouvernement, mais plutôt un représentant du gouvernement.

Tout au long du processus, il a dit qu’il ne représente pas le gouvernement, qu’il n’est qu’un indépendant. Vous l’avez dit à plusieurs occasions. Vous prenez un air choqué chaque fois que je dis que vous avez nié être un leader partisan du gouvernement, être un représentant du gouvernement et représenter le Parti libéral du Canada dans cette Chambre. Vous l’avez dit. Vous avez dit que vous n’êtes pas le leader du gouvernement, mais voilà que vous demandez la fixation de délais en utilisant une règle à laquelle seul un leader du caucus du parti libéral au pouvoir au Sénat devrait recourir.

(2300)

Je tiens à dire clairement que je ne suis pas contre cette motion en particulier. Je pense que c’est un moyen formidable. Je l’ai déjà dit auparavant lorsque j’étais Président, je l’ai dit lorsque j’étais membre du caucus d’un gouvernement majoritaire. Bon nombre d’entre vous ne sont pas membres du caucus d’un gouvernement majoritaire, mais de façon très lucide, vous soutenez tous le gouvernement libéral. Vous le démontrez dans vos propos et vos discours, et surtout dans votre façon de voter. Il n’y a rien de mal à cela.

Ce que le sénateur Plett et bon nombre d’entre nous avons essayé de dire tout au long de la soirée, c’est que nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que le gouvernement dise qu’il est le gouvernement. Nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que les libéraux disent qu’ils sont libéraux. Ce n’est pas une insulte. Je sais que, ces temps-ci, il est un peu difficile d’admettre qu’on est libéral, mais au bout du compte, c’est un parti qui a une longue histoire dans ce pays. Je ne vois pas pourquoi on userait de faux-semblants en disant qu’on a des allégeances un jour, mais qu’on n’en a pas un autre jour. Au bout du compte, les Canadiens vous jugeront en fonction de votre façon de voter. C’est une réalité indéniable, monsieur le leader du gouvernement.

Il y a toujours de la frustration lorsque nous abordons ce sujet. Je pense que la partie la plus importante de notre travail ici est d’être transparent, de rendre des comptes à la population canadienne, d’exprimer notre opinion et de voter sans ambiguïté.

Nous avons été transparents. Le projet de loi C-11 est un projet de loi terrible, et durant le temps qui nous sera alloué — malheureusement, nous n’aurons que peu de temps — nous exprimerons à nouveau avec clarté les raisons pour lesquelles ce projet de loi est si terrible. Nous avons entendu des témoins et des témoignages expliquant à quel point ce projet de loi est épouvantable. Je comprends que le gouvernement ne veuille pas en parler parce qu’il veut s’assurer que les projets de loi qui ne sont pas populaires soient balayés sous le tapis et qu’ils soient adoptés le plus rapidement possible. Voilà pourquoi les gouvernements ont recours à la fixation de délai.

Sénatrice Saint-Germain, vous parlez de « démocratie ». Or, la vérité, c’est qu’au Sénat, le vote ne reflète aucunement la composition démocratique du pays, je regrette. Prenez par exemple les deux ou trois dernières élections. Le Sénat ne reflétait la composition démocratique du pays à aucune de ces élections. En 2015, le gouvernement libéral a été élu avec une écrasante majorité, et le Sénat a mis quelques années à représenter cette réalité. Grâce aux compromis de l’opposition, cela ne nous a pas empêchés de fonctionner au meilleur de nos capacités. En 2019, les Canadiens ont élu un gouvernement libéral minoritaire. En 2021, le gouvernement actuel a remporté les élections avec 32 % des votes, le pourcentage le plus faible de l’histoire du pays. Par conséquent, sachant que 75 % des sénateurs actuels ont été nommés par le parti au pouvoir, croyez-vous que chaque fois que nous votons sur un projet de loi d’initiative ministérielle, le résultat représente la composition démocratique du pays? Je vous en prie. Le résultat représente la volonté du gouvernement.

Il s’agit d’un aspect important du Sénat. On désigne un leader du gouvernement pour s’assurer de faire progresser les mesures législatives, ainsi qu’un leader adjoint du gouvernement qu’on a maintenant affublé d’un titre qui m’échappe. S’il y a une chose que nous savons, c’est que vous êtes membre d’office des comités. À ce titre, vous venez aux comités pour l’étude article par article des projets de loi afin d’y défendre la position du gouvernement, ce que vous faites très bien, sénateur Gold. Il n’y a rien de mal à cela. Tout comme la plupart des sénateurs que le premier ministre Trudeau a nommés, vous vous sentez obligés de défendre son programme, car vous partagez les mêmes valeurs politiques que lui. Cependant, sénatrice Saint-Germain, la démocratie, au Sénat, s’exprime dans les débats, et non dans le vote. Le vote n’est qu’un aspect mineur du processus, dans le cadre duquel le gouvernement finit par l’emporter, quels que soient les chiffres. C’est dans les débats que la démocratie s’exprime.

Je l’ai appris à la dure, parce que, en 2008, lorsque je suis arrivé ici, je faisais partie d’un caucus conservateur majoritaire de sénateurs nommés par un premier ministre et qui, comme bon nombre d’entre vous, partageaient tous la même vision du monde. Pendant quelques années, les sénateurs Mercer et Dawson et la sénatrice Fraser me frustraient, et je me demandais sans cesse pourquoi, avec seulement 30 %, ils pouvaient nous dire ce que nous pouvions et ne pouvions pas faire. Nous sommes le gouvernement. Passons au vote. Assez, passons à autre chose. Ce n’est pas cela la démocratie.

J’ai appris au fil des années en discutant avec des gens comme le sénateur Lowell Murray et le sénateur Serge Joyal — ces noms vous disent quelque chose? —, des monuments de la démocratie parlementaire, et ils m’ont dit : « Vous savez, sénateur, je comprends, vous êtes assis dans la troisième rangée et il y a 60 conservateurs et vous en avez assez, mais nous parlons au nom des parties intéressées et des Canadiens, et, ce qui compte le plus, c’est que nous reconnaissons que, en démocratie, le pouvoir corrompt, mais que le pouvoir absolu corrompt absolument. »

Évidemment, c’est naturel pour le premier ministre Trudeau d’être assis dans son bureau de l’édifice Langevin, comme le faisait le premier ministre Harper en 2014, et de se demander : « Pourquoi les sénateurs retardent-ils mes dossiers? Allez ouste, qu’ils accélèrent la cadence pour qu’on en finisse. » Savez-vous pourquoi les sénateurs retardent les dossiers? Peu importe s’il s’agit de mesures législatives comme le projet de loi C-377, auquel vous avez fait référence en parlant de la décision que j’avais rendue quand j’étais Président, ou des travaux que nous exécutons au nom des intervenants. Les sénateurs parlent au nom de millions de Canadiens qui veulent s’exprimer. La valeur de cette institution prend tout son sens quand, chaque jour de la semaine, quelques centaines ou quelques milliers de Canadiens pensent que des personnes dans cette enceinte défendent leurs intérêts.

On ne peut mesurer cela. Le baromètre pour ce type de démocratie ne se limite pas à 70 votes, sénateur Gold. Il pourrait y avoir seulement 15 votes, mais ils représentent des millions de voix. Alors, en ce qui concerne l’argument selon lequel nous devons faire avancer la démocratie, cette dernière prend diverses formes, surtout dans une Chambre élue. Je tiens à rappeler à toutes les personnes présentes que nous marchons sur un terrain très glissant aux yeux du public canadien et que nous le faisons depuis très longtemps parce qu’il remet en question la pertinence de notre institution.

On ne peut pas prétendre qu’il y avait un consensus autour du projet de loi C-11, ni que tout était clair. Il reste encore beaucoup d’incertitudes et le Sénat a une obligation à cet égard, mais pas dans une optique partisane. Oui, je sais, sénateur Gold, que l’autre endroit est immensément partisan, mais il nous incombe de ne pas l’être nous aussi. Vous croyez que nous le sommes, je le sais, parce que nous insistons constamment pour que le gouvernement écoute la voix de la raison, mais nous n’agissons pas ainsi à la demande de Pierre Poilievre. Nous agissons ainsi à cause des milliers de gens que je rencontre au quotidien.

J’irai à Toronto la fin de semaine prochaine. J’y animerai des tables rondes à propos du projet de loi C-11. Je vous invite à venir avec moi et à rencontrer des groupes de Canadiens. Ces gens ne sont pas membres du Parti conservateur. Ce sont de jeunes Canadiens préoccupés par la liberté d’expression et de parole, par les changements qui seront apportés aux algorithmes, par la façon dont on manipulera les plateformes dont ils se servent pour communiquer, et par les raisons de tous ces changements, leurs coûts et leurs conséquences. Nous débattrons aussi de ces questions pendant les quelques heures que vous nous avez allouées cette semaine.

Honorables sénateurs, un autre élément important est que, chaque fois que le leader du gouvernement prend la parole, il utilise des mots pour qualifier le gouvernement Trudeau de « curatif » et de « progressiste ». Vous ne vous en rendez peut-être même pas compte, mais vous avez parlé tout à l’heure de l’action du gouvernement Trudeau comme étant curative, vous avez dit essentiellement qu’il accomplissait l’œuvre de Dieu en ce qui concerne le projet de loi C-11, et que nous devions poursuivre dans cette voie. Je vous invite à écouter l’enregistrement. Dans le même souffle, vous avez dit que l’opposition faisait de l’obstruction et abusait de ses pouvoirs.

Si c’est là le point de départ d’un débat juste et ouvert dans une institution comme celle-ci — quand le gouvernement nous accuse d’inconvenance et affirme que nous faisons de l’obstruction et que nous sommes partisans — ce sont les termes que vous utilisez dans votre allocution quand vous vous adressez à nous. Le gouvernement, lui, est curatif et merveilleux, mais nous faisons obstruction à la démocratie dans sa forme la plus aboutie. C’est à ce moment que la frustration monte. Nous consacrons plus de temps à ce genre de discussion qu’au contenu même du projet de loi, monsieur le leader du gouvernement. Évidemment, c’est à ce moment que la frustration se fait sentir.

Je tiens simplement à réaffirmer que je n’ai pas de problème avec la prémisse de la motion, tant que l’on s’y prend de manière honnête et transparente. Inscrivez-vous en tant que leader du gouvernement. Constituez votre groupe parlementaire. Vous n’avez besoin que de neuf personnes; je pense que vous trouverez neuf personnes qui admettront être libérales. Merci.

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion de fixation d’un délai pour le projet de loi C-11. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’une journée extraordinaire au Sénat. Pourtant, à certains égards, c’est du pareil au même.

Je commencerai par dire que je soutiens la motion. Nos collègues conservateurs — et ce sont nos collègues — ont une fois de plus exposé à peu près tout ce qu’ils n’aiment pas d’un Sénat indépendant. En outre, il est devenu de plus en plus évident, au fil des jours, que nos collègues conservateurs auraient été heureux de voir ce projet de loi tomber à l’eau. Je ne suis certainement pas du même avis.

(2310)

« Nous aurions dû changer le Règlement », nous a-t-on dit aujourd’hui. Eh bien, nous avons essayé, et nous avons été confrontés à un barrage d’obstacles. Il fallait s’y attendre, car nos amis conservateurs ont trouvé tous les moyens possibles pour faire échouer cette tentative au Comité du Règlement. Ils aiment le monde tel qu’il est, et je les comprends. C’est le propre d’un conservateur et d’un réfractaire au changement.

Nos collègues conservateurs ont fait valoir que le représentant du gouvernement au Sénat n’avait pas le pouvoir de proposer la fixation d’un délai parce qu’il est un sénateur non affilié; il n’est pas membre d’un parti politique. Ils préféreraient voir un bureau du représentant du gouvernement dépourvu de tout pouvoir, tout en conservant, à leur convenance, tous les pouvoirs qu’ils ont pour retarder les choses. Ce serait très pratique, en effet, n’est-ce pas? C’est ce que nous avons entendu aujourd’hui.

Personne ne s’étonne que nos collègues conservateurs ne soient pas étrangers à la fixation de délai, et on en a déjà parlé. Cette mesure a été adoptée pour la première fois au Sénat en 1991. Depuis, elle a été utilisée 68 fois. Au cours de la 41e législature, sous le gouvernement conservateur précédent, un préavis de motion de fixation de délai a été donné 24 fois au Sénat. À deux reprises, l’avis a été retiré. Par conséquent, les sénateurs conservateurs ont eu recours à la fixation de délai 22 fois au cours de la 41e législature.

Le sénateur Gold a souligné certaines des motions de fixation de délai les plus audacieuses et les plus expéditives des conservateurs, et elles concernaient des projets de loi très importants. Il s’agissait notamment du projet de loi C-23, la Loi sur l’intégrité des élections, qui proposait des changements radicaux à la Loi électorale du Canada, et du projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015, qui élargissait les pouvoirs de l’État, de la police et de la sécurité nationale, tout en sapant les libertés civiles et les droits démocratiques. Ces deux projets de loi ont été contestés en vertu de la Charte après leur adoption rapide.

Pour nos collègues conservateurs, c’était comme d’habitude. Je trouve donc un peu fort que nos collègues aient entendu raison, du moins temporairement, en accusant le gouvernement de clore le débat sur un projet de loi qui, comme nous l’avons déjà entendu, est à l’étude au Parlement depuis deux ans, a été analysé par 142 témoins et a bénéficié d’un temps considérable pour les débats et les délibérations, et qui était une promesse lors de la dernière campagne électorale. Il est de notre devoir, en tant que sénateurs, de veiller à ce que le projet de loi puisse faire l’objet d’un vote final.

C’est de toute évidence la première fois en sept ans que le représentant du gouvernement a recours à la fixation de délai. On nous a dit que cette motion a suivi de nombreuses tentatives de conclure une entente, de négocier et de passer au vote final sur le projet de loi. La fixation de délai est une voie qui n’était souhaitée par personne, mais, après un examen approfondi, le représentant du gouvernement a évidemment décidé, comme il en a le droit, qu’il était justifié de soumettre le projet de loi au vote en utilisant l’outil qui est à sa disposition : la fixation de délai. Nous savons, et le Président l’a confirmé ce soir, que cette façon de faire est admissible conformément au Règlement.

Nous avons entendu que le projet de loi C-11 est la mesure législative la plus débattue de l’histoire canadienne. Par conséquent, aucun d’entre nous ne peut raisonnablement dire que nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour l’étudier. Nos collègues à la Chambre ont parlé longuement des objectifs clairs du projet de loi, ainsi que des détails techniques sur la façon dont la mesure législative créera de nouvelles exigences réglementaires pour les diffuseurs traditionnels du Canada et les plateformes de réseaux sociaux en ligne. Nous avons appris, chers collègues, tout ce que nous pouvions, et il est temps de soumettre le projet de loi à un vote final.

De toute évidence, il importe, dans n’importe quel contexte, d’équilibrer les règles. Certaines règles ont mené à un Sénat improductif et divisé par des conflits, où la capacité de l’opposition officielle de retarder indéfiniment la progression des projets de loi — en demandant un ajournement — est contrebalancée théoriquement par la capacité du gouvernement de recourir à la fixation de délai, tout en coupant court aux débats sur les projets de loi. Dans le pire des cas, notre Règlement permet à un seul sénateur de retarder l’adoption d’une mesure législative pendant des mois et — comme nous l’avons vu dans certains cas — pendant des années, en empêchant le Sénat de tenir un vote à son sujet. Nous en avons vu de nombreux exemples.

Ce soir, il est clair encore une fois que les sénateurs conservateurs sont mécontents depuis le début du passage à un Sénat plus indépendant et moins partisan. Ce n’est pas surprenant, n’est-ce pas?

Aujourd’hui, nous avons entendu le sénateur Plett — je suis content que vous trouviez cela si amusant — continuer de se lamenter sur la perte du duopole, à savoir l’époque où les libéraux et les conservateurs se relayaient au pouvoir. Or, nous avons dû plaider notre cause, et nous avons dû négocier — lorsque nous sommes arrivés ici comme sénateurs indépendants — pour obtenir des bureaux, des ressources, des sièges au comité et, à plus long terme, un traitement plus équitable dans la réglementation complexe de cette assemblée. Rien n’a été facile pour nous. Évitez donc de nous conseiller de modifier le Règlement si nous ne sommes pas contents.

Et ce n’est pas tout. Nous sommes arrivés dans un Sénat encore sous le choc d’un rapport cinglant du vérificateur général concernant des dépenses scandaleuses, des problèmes d’éthique, le manque total de responsabilisation de la structure de direction de l’administration sénatoriale et un climat d’inquiétude concernant le harcèlement sexuel. Voilà le contexte dans lequel nous sommes arrivés.

Les sénateurs indépendants se sont attaqués un à un à ces problèmes qui existaient et qui avaient été ignorés depuis trop longtemps. La recommandation portant sur l’importance de mettre en place une vérification indépendante a été prise en compte, ce qui n’avait que trop tardé. Nous nous sommes battus avec acharnement et avons réussi à faire adopter une politique beaucoup plus stricte en matière de harcèlement sur le lieu de travail, malgré des retards et une opposition considérables. Le Sénat est aujourd’hui plus sain et plus efficace.

Ainsi, chers collègues, alors que certains ici déplorent l’ancien duopole, il est évident qu’ils préfèrent l’ancienne politique intransigeante. Soit dit en passant, je ne crois pas un instant que les dernières années du gouvernement de Stephen Harper aient été une période faste, pleine de douceur et de lumière, pour les libéraux de l’opposition dans cette assemblée. Je pense que mon constat est assez juste.

Permettez-moi de conclure en disant que, comme d’autres sénateurs indépendants, je suis heureux de ne pas avoir à recevoir d’instructions de Pierre Poilievre ni de Justin Trudeau. Je ne voudrais pas qu’il en soit autrement. Je travaille avec mes collègues pour faire le meilleur travail possible pour les Canadiens, en adoptant une approche politique plutôt qu’une approche politicienne.

Ma dernière observation est que j’ai beaucoup de respect pour mes collègues de tous les caucus et de tous les groupes du Sénat. Nous pouvons accomplir de grandes choses si nous collaborons plus efficacement.

La nature oppositionnelle de certaines observations que nous avons entendues au cours des derniers mois et des dernières années — ainsi que ce soir — me dit que nous avons du chemin à faire avant d’y arriver, mais je crois tout de même que cela vaut la peine. Merci, chers collègues.

Le sénateur Housakos : Le sénateur Dean accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dean : Non.

Le sénateur Housakos : Il a peur.

[Français]

L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je prends la parole sur la motion tendant à fixer un délai pour l’étude de la motion, telle que modifiée, pour répondre au message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-11. Tout d’abord, je suis très impressionnée par les débats éloquents des sénateurs.

Je compte voter en faveur de cette motion tendant à fixer un délai. C’est une journée historique sur le chemin vers la modernisation du Sénat, vers un Sénat moins partisan. J’en dirai un peu plus ultérieurement pour répondre aux commentaires de mes collègues conservateurs.

Aujourd’hui, nous avons, en quelque sorte, brisé un plafond de verre dans notre processus de modernisation du Sénat. Nous nous prononçons sur une motion tendant à fixer un délai dans le contexte d’un Sénat où siègent quatre groupes, en plus du représentant du gouvernement. Cette situation est tout à fait nouvelle. Auparavant, on adoptait des motions tendant à fixer un délai alors que deux groupes seulement siégeaient au Sénat depuis toujours, soit les conservateurs et les libéraux. L’un des deux partis détenait toujours la majorité et, ainsi, la motion tendant à fixer un délai était adoptée dans le but d’accélérer le débat.

(2320)

À l’époque, les deux caucus étaient affiliés à leur parti et avaient des réunions avec leur parti. Pour le gouvernement, l’objectif était d’essayer que ses projets de loi soient adoptés ici, ou qu’ils soient étudiés, mais assez rapidement. Maintenant, avec plusieurs groupes, on ne peut pas aller aussi rapidement. Ce n’est pas facile pour un gouvernement d’imposer sa volonté. Je pense que c’est la différence entre le Sénat d’aujourd’hui et le Sénat d’hier. Dans le Sénat de la 41e législature et avant, puisque le gouvernement détenait souvent la majorité dans les deux Chambres, il pouvait imposer sa volonté, et le seul moyen pour le parti de l’opposition de faire valoir son point, c’était d’utiliser des procédés dilatoires. Conséquemment, la motion de fixation de délai était là pour empêcher ces mesures dilatoires.

Dans le contexte actuel, tout a changé, et je pense que tant qu’il y aura des groupes au Sénat qui utiliseront des stratégies avec leurs collègues de l’autre endroit, il est fort possible que des mesures dilatoires soient utilisées. Le chapitre 7, qui traite des motions de fixation de délai, est un outil éminemment important pour régler cette question de mesures dilatoires, qui sont si frustrantes, parce qu’elles nuisent au débat. Elles nous empêchent aussi de jouer notre rôle de second examen objectif et de tenir des votes.

Aujourd’hui, grâce à la décision du Président, qui a été appuyée par tout le monde, on a brisé un plafond de verre. Cela ne veut pas dire qu’on utilisera souvent cette pratique. Je ne crois pas que le représentant du gouvernement au Sénat et sa petite équipe ont intérêt à le faire, parce que cela ne passera pas nécessairement, étant donné le nombre de groupes. Donc, la motion de fixation de délai sans accord sera utilisée tant qu’il y aura des mesures dilatoires.

Toutefois, si tous les groupes travaillent dans le but d’exercer réellement leur rôle de second examen objectif, peut-être qu’un jour on utilisera non pas l’article 7-2, mais l’article 7-1, qui traite de la fixation de délai avec accord, pour dire qu’on a assez discuté. Puisqu’il n’y a pas de limite, on pourra prendre le temps nécessaire. Notre imagination permettra de tenir des débats ordonnés, comme on l’a fait pour l’aide médicale à mourir, pour le projet de loi sur la légalisation du cannabis et pour d’autres projets de loi.

Mon intervention vise simplement à souligner ce point, surtout pour les nouveaux sénateurs qui se demandent peut-être dans quoi ils sont tombés. Je pense qu’aujourd’hui, c’est une journée importante, mais je ne crois pas que cette pratique sera utilisée très souvent.

Je vais donc voter en faveur de la motion. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Claude Carignan : J’aimerais dire quelques mots seulement, compte tenu de l’heure tardive, pour préciser certains points. Le premier est que l’on fait grand cas du fait que c’est la première fois qu’on utilise une motion de fixation de délai depuis que le gouvernement Trudeau est au pouvoir. Je voudrais souligner que la raison de cela est assez simple : c’est parce que le Règlement ne le permet pas. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas eu de motion de fixation de délai auparavant, simplement parce que le Règlement est assez clair à ce sujet. Je comprends qu’aujourd’hui, au moyen d’une manœuvre, le sénateur Gold a décidé d’en faire une motion, mais il reste que le Règlement est très clair.

Deuxièmement, on a également fait grand cas de l’utilisation de la fixation de délais pour des projets de loi. Nous en sommes à l’étape de la réponse au message de la Chambre des communes, une étape on ne peut plus finale pour un projet de loi — ce que l’on voit plutôt rarement, d’ailleurs. Ce n’est pas souvent arrivé dans l’histoire qu’il y a eu un message à la Chambre des communes avec des amendements, qui est revenu au Sénat et avec une réplique par la suite.

De mémoire, je n’ai jamais vu la motion de fixation de délai utilisée à l’étape de la réponse au message de la Chambre des communes. On a parfois invoqué l’article 7-1 du Règlement sur un projet de loi, sur des amendements ou à l’étape des différentes lectures, mais je n’en ai jamais vu sur un message des Communes.

C’est assez décevant, parce que ce débat se déroulait quand même assez bien, au-delà de la question de savoir si on a pris trop de temps ou pas assez. Le sénateur Gold a mentionné qu’il avait conclu une entente avec les leaders et que le projet de loi devait être adopté avant le 10 ou le 11, mais cela n’a pas été fait.

Heureusement, d’ailleurs, parce que le débat a continué et que des amendements ont été proposés — des amendements qui venaient de l’autre groupe. Je ne sais plus comment l’appeler, car il y a plusieurs groupes avec des noms différents. Il m’arrive de me tromper, mais ils ont tous des couleurs qui ressemblent à la Chambre du Sénat. Ces amendements ont été adoptés et renvoyés à l’autre endroit, et la majorité de ces amendements ont été acceptés. Le débat n’a donc pas été futile; le fait qu’il ne se soit pas tenu à l’intérieur du délai initial prévu par le leader du gouvernement a permis de poursuivre le débat et de proposer des amendements qui ont été acceptés par la Chambre des communes.

Même si je ne suis pas d’accord sur le fait que d’autres amendements auraient pu être proposés, le débat s’est quand même déroulé de bonne façon, ce qui a amené des améliorations au projet de loi. De plus, même si je trouve qu’il aurait eu besoin d’autres amendements, il reste qu’un consensus se fera par le vote. Je suis triste qu’on en arrive là à la toute fin de ce processus. Nous sommes à l’étape du message, tout se passait bien, on avait un certain succès — pas moi, comme conservateur qui ne suis évidemment pas d’accord avec le projet de loi dans sa totalité —, mais au moins le processus était complet, respectueux, et il a permis de faire des améliorations au projet de loi, dont plusieurs ont été acceptées par la Chambre. On arrive à la toute fin, lorsqu’on est presque à la ligne d’arrivée et là, on fait un croc-en-jambe au coureur; on le fait tomber. On arrête de courir, c’est ici que la course s’arrête. Je trouve que c’est une fin disgracieuse pour un processus qui s’est quand même fait dans les règles de l’art.

La sénatrice Bellemare a parlé de manœuvres dilatoires. Je vous invite à lire l’ouvrage de Serge Joyal sur le Sénat. Le pouvoir du Sénat d’adopter une motion de fixation de délai est un acte important pour s’assurer que le débat est complet dans le contexte du processus qui se fait ici, dans cette Chambre.

Je trouve malheureux que l’on termine tout ce processus avec une fixation de délai sur un projet de loi qui touche particulièrement la liberté d’expression, au moment où l’on était à quelques jours de clore ce débat, et que le leader du gouvernement utilise une motion de fixation de délai pour répondre au message à la Chambre des communes. Je trouve cela triste, et c’est la première fois que je vois une fixation de délai à cette étape. Je crois que ce n’était pas le moment idéal pour créer ce précédent.

(2330)

Encore une fois, Votre Honneur, je pense qu’on doit malgré tout être respectueux des règles et respectueux entre nous, mais c’est une fin décevante à ce processus, qui avait été quand même exemplaire jusqu’à maintenant.

[Traduction]

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je prends la parole à cette heure tardive non pas pour offrir une analyse révolutionnaire au sujet, bien débattu, de la fixation de délai, mais simplement pour faire part de mon opinion, à l’instar d’autres collègues.

Ce débat a été controversé et parfois houleux, tout comme le débat sur le projet de loi C-11, en général. Bien que le recours à la fixation du délai suscite bien des désaccords, il est évident que tous les sénateurs agissent dans ce qu’ils estiment être l’intérêt des Canadiens.

J’appuie la motion. Je ne suis pas d’accord pour dire que le gouvernement étouffe le débat, car les faits n’appuient tout simplement pas cette affirmation. Chers collègues, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a fait un travail extraordinaire relativement au projet de loi C-11. Son étude a été longue et exhaustive. Rien qu’au Sénat, le projet de loi C-11 a fait l’objet d’une étude préalable amorcée le 31 mai l’an dernier, puis, à compter du 25 octobre 2022, le Comité des transports et des communications a tenu 31 réunions et consacré 67,5 heures à son étude, au cours de laquelle il a entendu 138 témoins. En plus du nombre incroyable de témoins qui ont comparu devant lui, le comité a reçu 67 mémoires au sujet de ce projet de loi. Sur les 31 réunions qu’il a tenues, 9 ont été entièrement consacrées à l’étude article par article, qui s’est amorcée le 23 novembre dernier.

Pendant l’étude article par article, 73 amendements ont été proposés, dont 26 qui ont été adoptés concernant 11 articles. Treize sous-amendements ont été proposés et deux ont été adoptés; il y a également eu huit votes par appel nominal.

Ayons une pensée pour les greffiers et du personnel des comités qui ont courageusement géré tout cela. Chers collègues, ces chiffres ne mentionnent même pas les huit jours au total pendant lesquels des débats ont eu lieu au sujet des messages échangés entre le Sénat et la Chambre des communes du 2 février au 19 avril de cette année.

Il y a, bien sûr, tout le travail accompli par le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Le comité a reçu 80 témoins lors de 12 réunions, pour un total de 32 heures, à partir du moment où il a entrepris son étude, le 24 mai 2022, et il a débattu d’une centaine d’amendements au cours des trois séances de son étude article par article, lancée le 14 juin de l’année dernière. Le comité a également reçu 52 mémoires. Chers collègues, je parle uniquement de ce qui concerne le projet de loi C-11.

Évidemment, une étude complète avait également été menée lors de la législature précédente au sujet du prédécesseur du projet de loi C-11, le projet de loi C-10, par le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, et le Sénat avait entamé le débat à l’étape de la deuxième lecture avant la dissolution de la 43e législature.

Le Sénat a consacré plus de temps au projet de loi C-11 — cela a été répété par tout le monde — qu’à toute autre mesure législative dans ses 156 années d’existence.

Bien honnêtement, chers collègues, que pourrais-je dire de plus? Le Sénat, et surtout les membres du Comité des transports et des communications, s’est dépassé dans l’accomplissement de son travail. Le comité a écouté et il a débattu, tout comme le Sénat. Soutenir que le gouvernement étouffe le débat, ce n’est tout simplement pas vrai.

C’est la première fois que le gouvernement impose la fixation du délai au Sénat depuis le début de la quarante-deuxième législature en décembre 2015, il y a près de sept ans et demi. Cependant, lors de la quarante et unième législature, sous le gouvernement précédent, on a imposé la fixation du délai 21 fois en moins de quatre ans. Il semblerait que l’appui de la fixation du temps dépend du côté du Sénat où l’on siège.

Chers collègues, je termine en réitérant que la fixation du temps est appropriée dans la situation actuelle, où le projet de loi dont nous sommes saisis a fait l’objet d’un débat approfondi, et où son principe a été débattu au cours de deux différentes législatures. Il ne reste plus rien à dire sur ce projet de loi qui n’a pas déjà été dit plusieurs fois. Je vous remercie, chers collègues.

[Français]

Son Honneur le Président : Sénateur Carignan, voulez-vous poser une question?

Le sénateur Carignan : Oui.

Le sénateur Boehm : Non, merci, sénateur Carignan.

Le sénateur Carignan : Ce n’est pas à la hauteur de votre...

[Traduction]

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion du gouvernement visant à invoquer la fixation de délai sur le débat du Sénat concernant le message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-11. Comme vous l’avez entendu tout au long de ce débat, les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-11 sont le fruit d’un processus rigoureux d’étude au comité. Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a entendu près de 70 heures de témoignages de 140 témoins, et a reçu 67 mémoires supplémentaires. Le comité a étudié cette question avec rigueur.

Depuis que nous avons reçu le message de la Chambre des communes sur le fruit de l’étude du comité, nous avons pu en débattre pendant seulement six heures avant que le sénateur Gold ne donne avis de l’intention du gouvernement d’invoquer la fixation de délai. Depuis des années, les leaders du gouvernement au Sénat, à commencer par le sénateur Harder, puis le sénateur Gold, se vantent du mépris du gouvernement pour la fixation de délai et du fait qu’il n’est pas nécessaire d’y avoir recours. Par conséquent, comment se fait-il que le gouvernement décide maintenant d’invoquer la fixation de délai?

Après presque huit ans au pouvoir, il est consternant de voir le gouvernement Trudeau décider d’imposer la fixation de délai pour la première fois au Sénat, dans le cadre du projet de loi C-11. En agissant ainsi, le gouvernement Trudeau cherche à censurer le débat sur un projet de loi de censure.

Honorables sénateurs, l’ironie de la situation n’échappe pas aux Canadiens. Les Canadiens ont grandement perdu confiance dans le gouvernement Trudeau tandis que le projet de loi franchissait les étapes du processus parlementaire. La réaction des Canadiens a été rapide et furieuse, car les citoyens, en particulier les jeunes, n’apprécient pas la tentative du gouvernement d’interférer avec le contenu auquel les Canadiens peuvent accéder et celui qu’ils peuvent produire en ligne.

Honorables sénateurs, je sais que vos boîtes de réception de courriels et vos boîtes vocales sont comme les miennes : elles débordent de courriels et d’appels de Canadiens opposés au projet de loi C-11. C’est parfois accablant, mais cela montre bien que de nombreux Canadiens comprennent que le projet de loi menace leur liberté d’accès à l’information et leur liberté d’expression. Des gens, en particulier des jeunes, m’arrêtent régulièrement pour me faire part de leur opposition au projet de loi, tant des conservateurs que de nombreuses personnes qui ont voté précédemment pour le gouvernement Trudeau et des personnes qui ne s’étaient jamais intéressées à la politique auparavant.

Les producteurs nationaux de contenu en ligne du Canada — musiciens, artistes et influenceurs — sont largement unis contre le projet de loi en raison des implications négatives de sa limitation de leur portée en ligne et de la perte d’une partie de leur gagne-pain qui en découle.

La fixation de délai est l’une des procédures parlementaires les plus politiques. De nombreux sénateurs dans cette enceinte affirment être indépendants et dépourvus d’affiliation partisane, mais ils finissent par faire volte-face et voter en faveur du recours à la guillotine législative sur le projet de loi C-11 dans le simple but d’appuyer le gouvernement Trudeau.

Honorables sénateurs, ne soyez pas dupes. La fixation du délai n’est qu’un outil très brutal du gouvernement pour couper court au débat et imposer son programme au Parlement.

Dans cette enceinte, l’un de nos rôles en tant que sénateurs est de préserver les droits et les intérêts des minorités qui risquent d’être bousculées dans une Chambre des communes élue selon le principe de la représentation par population. En quoi l’imposition de la fixation du délai est-elle conforme à cette aspiration, honorables sénateurs? Je soutiens qu’elle fait fi des intérêts des minorités que les sénateurs ont juré de protéger.

Pourquoi le gouvernement Trudeau insiste-t-il autant pour que le projet de loi C-11 soit adopté par les deux Chambres du Parlement le plus tôt possible? Le moment choisi est peut-être curieux, mais il n’est pas difficile à comprendre. Le Canada est au cœur d’une crise nationale de l’abordabilité. En effet, les Canadiens éprouvent des difficultés à se procurer les produits de première nécessité, comme un toit au-dessus de leur tête et de la nourriture sur leur table. Pendant ce temps, le gouvernement Trudeau a augmenté le coût de la bureaucratie de 50 %, tout en se retrouvant mêlé à la plus grande grève de la fonction publique de l’histoire du Canada, ce qui n’a pu être accompli que par ses gestionnaires financiers les plus incompétents.

Une fois que le projet de loi C-11 aura été adopté, je soupçonne que le gouvernement Trudeau aura tôt fait de demander la prorogation du Parlement pour tenter de calmer le jeu et détourner l’attention des nombreux scandales auxquels il est mêlé — et il y en a vraiment beaucoup, honorables sénateurs.

Il y a d’abord et avant tout, bien sûr, le scandale de l’ingérence présumée de Pékin dans les élections, qui continue de talonner le premier ministre Trudeau, comme une mauvaise odeur. Le pétrin dans lequel la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, de sa famille, s’est empêtrée est lié à cette question. On nous dit un jour que le premier ministre n’a aucun lien avec cette fondation depuis 10 ans même si son frère a signé l’entente pour un don discutable qui pointe directement vers le gouvernement communiste chinois. En fait, vous pourriez être tentés d’accorder au premier ministre le bénéfice du doute jusqu’à ce que vous lisiez dans le journal que son cabinet a organisé une rencontre entre la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau et des hauts fonctionnaires du gouvernement dans le Cabinet même du premier ministre.

(2340)

On dirait que chaque jour apporte plus de mauvaises nouvelles pour le premier ministre, et nous savons que répondre de son comportement n’est pas en tête de sa liste de priorités. La prorogation présente l’avantage de tenir le premier ministre bien à l’écart des questions embêtantes et indiscrètes de l’opposition et des médias sur la Colline du Parlement. Au lieu de cela, il peut se cacher, bien à l’écart, en attendant que son rapporteur spécial révèle, comme par magie, juste avant la longue fin de semaine de mai, que — surprise — il n’est pas nécessaire de lancer une enquête publique sur l’ingérence étrangère de Pékin, alors le premier ministre est libre de se rendre dans autant de villas luxueuses au bord de la mer qu’il voudra, à 9 000 $ par nuitée. Surfons!

Entretemps, le projet de loi C-11 ayant été adopté à toute vapeur au Parlement, le long bras du gouvernement Trudeau lui permettra de manipuler et d’influencer les informations que les Canadiens voient ou produisent en ligne, juste à temps pour de nouvelles élections. Quel beau hasard!

Honorables sénateurs, vous n’avez pas à offrir une couverture politique au premier ministre Trudeau en adoptant ce projet de loi. Notre Sénat a présenté 26 amendements très solides et raisonnables au sujet du projet de loi C-11 après des semaines d’un examen minutieux, de recherches et de témoignages d’experts. Qu’a fait la majorité libérale-néo-démocrate à la Chambre des communes de ces amendements? Elle en a effectivement accepté 20 sur 26, ce qui peut sembler être une victoire, jusqu’à ce qu’on y regarde d’un peu plus près et que l’on constate qu’elle a rejeté certains des amendements les plus importants, dont celui prévoyant l’exemption du contenu généré par les utilisateurs proposé par la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Simons, toutes deux nommées par Trudeau et provenant du groupe le plus important au Sénat.

Le gouvernement Trudeau a adopté le projet de loi amendé puis l’a renvoyé au Sénat, où nous devons encore une fois faire un choix. Le gouvernement refuse toujours de protéger le contenu généré par les utilisateurs dans le projet de loi actuel, insistant plutôt sur le fait qu’ajouter une promesse à cet effet dans le libellé de la motion fera l’affaire. Cette motion est la suivante :

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [...]

Honorables sénateurs, je ne suis pas née de la dernière pluie. J’ai vu les promesses libérales du premier ministre Trudeau aller et venir. Vous souvenez-vous de la réforme électorale, de la plantation de 2 milliards d’arbres, de l’eau potable dans toutes les réserves et d’une taxe sur le carbone plafonnée à 50 $ la tonne? C’est bizarre comme toutes ces promesses se sont tout simplement évaporées. Ce sera également le cas pour celle-ci.

Le gouvernement Trudeau veut que les sénateurs et, par le fait même, les Canadiens lui accordent toute leur confiance. Un peu de la même façon que le leader du gouvernement au Sénat a consulté notre leader avant de déclarer qu’une promesse avait été brisée et de proposer une motion de fixation de délai. S’agit-il de ce type de confiance? Il n’y a aucune raison de croire que cette promesse libérale sera respectée plus que toutes les autres promesses auxquelles les libéraux n’ont pas donné suite.

Les libéraux ont précipité la préparation de ce message à l’autre endroit, et ils veulent maintenant faire la même chose au Sénat en imposant une motion de fixation de délai. Honorables sénateurs, c’est votre chance de prouver votre indépendance. Nous avons la possibilité et l’obligation de prendre notre temps pour le bien de tous les Canadiens qui accordent de la valeur à la liberté de pensée et d’expression. Si ceux d’entre vous qui ont été nommés par le premier ministre Trudeau votent selon la volonté du gouvernement pour mettre fin au débat, alors soyez assurés que cela sonnera la mort du Sénat indépendant de Trudeau. Vous détenez la majorité dans cette enceinte, alors c’est à vous de trancher. J’espère que vous ferez un choix judicieux. Merci.

[Français]

Son Honneur le Président : Voulez-vous prendre la parole ou poser une question, sénatrice Audette?

L’honorable Michèle Audette : J’aimerais poser une question à la sénatrice Batters.

Son Honneur le Président : Vous avez droit à une minute.

La sénatrice Audette : Avec plaisir. Je suis très fatiguée. Sénatrice Batters? Non? D’accord. C’est la démocratie.

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, j’ai écouté très attentivement la discussion de ce soir. Il s’agissait parfois d’une discussion claire sur le bien-fondé du recours à la fixation de délai à cette étape-ci, et parfois d’échanges sur la réforme du Sénat, la direction que nous avons prise ou celle que nous devrions prendre. Il reste assurément beaucoup de divergences d’opinions. J’espère que nous poursuivrons ces discussions jusqu’à pouvoir imaginer, peut-être, une voie que nous pourrons suivre ensemble.

Je tiens à dire que tous les discours que j’ai écoutés ce soir contenaient des éléments avec lesquels j’étais d’accord. Par contre, je n’étais pas du même avis que les sénateurs à propos de certains points.

Étant donné mon tempérament, je ne peux pas garder le silence quand le sénateur Plett dit certaines choses — tout comme il ne peut pas se taire quand je dis certaines choses — ce qui a du bon des deux côtés de la Chambre. Toutefois, je trouve particulièrement difficile de ne pas réagir quand l’opposition présente son comportement comme méritoire en disant qu’elle ne fait que parler au nom des Canadiens. Nous parlons tous au nom des Canadiens. Certains Canadiens ont des points de vue polarisés à propos du projet de loi à l’étude et d’autres mesures.

C’est le cas des deux côtés. Je le dis aussi bien pour le bureau du représentant du gouvernement que pour l’opposition. Il n’y a pas de monopole lorsqu’il s’agit de représenter le point de vue des Canadiens. Les gens d’en face nous manifestent un profond mépris; ils disent douter de notre indépendance et ils nous taxent de partisanerie. Cela répondrait à leurs préoccupations quant à la perte du statut d’opposition officielle dans un Sénat réformé. Nous savons que ces choses sont en jeu, mais toutes les personnes présentes sont ici pour faire entendre les voix des Canadiens.

Comme on l’a dit, votre tâche consiste à faire connaître et à mettre en évidence les points de vue des Canadiens qui ne sont pas entendus dans le cadre d’autres processus. Cela ne signifie pas que nous adhérions nécessairement à tout ce que ces voix ont à dire. C’est comme il y a quelques heures, peut-être, lorsque le sénateur Plett s’en est pris à moi en disant que j’avais déclaré que le Comité du Règlement travaillait par consensus et que cela ne devrait jamais se produire. Eh bien, non, sauf que je ne pense pas que le Comité du Règlement fonctionne par consensus; je pense que le Comité du Règlement prétend travailler par consensus et que certaines personnes disent : « Non, non, non. Il n’y a pas de consensus. » Pour moi, cela revient essentiellement à exercer un droit de veto.

Il y a des tensions, et je crois qu’elles sont issues d’une conception et d’une volonté différentes concernant l’orientation du Sénat.

Pour ce qui est de la motion de fixation de délai dont nous sommes saisis, j’ai eu l’expérience de la partisanerie politique et je déteste les motions de fixation de délai. Je pense que les gens doivent être suffisamment responsables pour laisser le débat suivre son cours aussi longtemps que nécessaire pour entendre l’ensemble des opinions, tout en veillant à ce que les discussions se déroulent de manière à ce que nous puissions nous écouter mutuellement.

Rien dans cette enceinte ne justifie de telles motions.

Quand j’ai été nommée, j’ai été choquée de constater qu’une personne pouvait avoir la parole et qu’une autre pouvait l’interrompre et proposer l’ajournement. Il pouvait s’écouler parfois deux à trois semaines avant qu’on revienne à cette personne. Comment pouvons-nous nous écouter les uns les autres et nous assurer de mener des débats cohérents à l’avenir? On m’avait pourtant avisée que les sénateurs ont besoin de temps pour se préparer après avoir entendu les autres.

Ce n’est peut-être pas un bon exemple, c’est peut-être juste un exemple de ce que j’ai vécu à l’Assemblée législative de l’Ontario, mais lorsque nous avions des débats et des discussions sur un projet de loi dont nous étions saisis, nous faisions des efforts, et nous ne passions pas notre temps à tergiverser et à ajourner le débat pour ne plus nous pencher sur la question. Nous discutions. La plupart du temps, on pouvait présenter les arguments de façon responsable. On pouvait les entendre en comité, et on s’assurait d’entendre l’avis d’une foule de témoins. D’ailleurs, tous les groupes pouvaient proposer des témoins, alors on pouvait ainsi entendre une foule d’avis sur la question. Ensuite, on en débattait à l’assemblée législative, et on finissait pas voter sur la question.

Ici, le problème — et c’est la raison pour laquelle je vais appuyer la motion de fixation de délai à contrecœur —, c’est que j’ai vu que nous avons amplement débattu de ce projet de loi. D’ailleurs, personne n’a vraiment parlé du fait que nous avons déjà étudié un projet de loi identique, le projet de loi C-10, lors de la législature précédente. Nous avons débattu de ces mesures à quelques reprises ici. Nous avons amplement débattu de cette question dans cette enceinte. Nous avons étudié ces mesures en détail au comité. S’il y avait des lacunes à l’autre endroit, alors, comme la sénatrice Wallin l’a indiqué, nous y avons remédié.

Je trouve malheureux que, plus tôt ce soir, le leader de l’opposition ait dit notamment qu’on tente de faire adopter ce projet de loi à toute vitesse. Je ne pense pas que cela décrit bien la situation. Nous sommes à l’étape du message. Pour ceux qui nous écoutent et qui se demandent de quoi il s’agit, nous ne sommes pas saisis du projet de loi en ce moment. Nous débattons de l’imposition d’une limite de temps pour débattre du message qui nous est parvenu de l’autre endroit, et la question fondamentale est de savoir si nous acceptons ce message ou si nous le renvoyons. Pourtant, un certain nombre de sénateurs estiment que les six heures qui ont été réservées à ce débat sont insuffisantes, sont le résultat d’une tentative du représentant du gouvernement d’imposer sa volonté, et ne respecte pas le point de vue des sénateurs. À mon avis, rien de tout cela n’est vrai.

(2350)

J’aimerais que nous puissions tenir un véritable débat sur la vision de la réforme du Sénat. Si l’opposition en a assez d’avoir l’impression de ne pas être respectée, je dirais que je respecte ce qu’elle dit. Je ne respecte pas souvent la manière dont elle se comporte, mais je dois dire qu’il m’arrive parfois de m’abaisser au même niveau dans cette enceinte, ce dont je m’excuse, monsieur le Président, car c’est vous qui devez gérer ce type de situation.

Toutefois, je serais ravie d’avoir cette discussion. Je ne suis pas opposée à ce que les voix de l’opposition et les valeurs conservatrices soient mises en avant. Je crois en la diversité cognitive. Je crois qu’il est nécessaire que tous les points de vue soient mis sur la table. Je m’oppose à ce que vous essayiez de coller une étiquette à mes opinions politiques, comme quand le collègue directement en face de moi m’a dit ce soir : « Vous êtes une libérale. » C’est intéressant. J’ai voté pour les conservateurs et j’ai voté pour les néo-démocrates. Désolé, monsieur le premier ministre, mais je n’ai jamais voté pour votre parti.

Ne me dites pas qui je suis. J’ai mes propres valeurs et mes propres idées politiques, et je les applique du mieux que je peux dans l’esprit et dans le respect de ce qui est, selon moi, la raison d’être de cette Chambre. Le problème fondamental, c’est que je ne pense pas que nous soyons d’accord sur la raison d’être de cette Chambre.

Merci beaucoup, Votre Honneur.

[Français]

L’honorable René Cormier : Je prends la parole au sujet de la motion de fixation de délai. Je ne le fais pas en pensant au gouvernement ni au leader de l’opposition. Je ne le fais pas en pensant au leader du gouvernement du Sénat ni au président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Je ne le fais pas pour convaincre ou prouver à quiconque dans cette Chambre que je suis un sénateur indépendant. J’ai passé une partie de ma vie à défendre mon identité, et ce n’est pas dans cette Chambre qu’on va m’imposer une identité à laquelle je ne m’identifie pas.

Quand je pense aux citoyens de ma province et du Canada, j’ai un travail beaucoup plus important à faire. Je me lève en pensant aux artistes et au secteur culturel qui participent, grâce à leurs créations, à leur vision du monde et à leur humanisme, au développement économique, culturel et social de notre pays et au rayonnement de notre culture dans le monde.

Les points soulevés au cours des dernières heures remettent sur la table les importants enjeux qui entourent la modernisation du Sénat. La modernisation de notre institution prend tout son sens quand nous nous retrouvons dans des situations comme celles-ci, et je remercie tous ceux et celles qui élèvent le débat de façon constructive.

Je prends la parole en tant que sénateur issu du secteur des arts et de la culture, mais surtout en tant que membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a étudié le projet de loi C-11 et qui a été aux premières loges du cheminement de ce projet de loi depuis le début de son étude préalable, le 31 mai 2022.

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a entendu 138 témoins et tenu 31 rencontres, dont 9 réunions pour l’étude article par article. Nous avons tenu, en tout, 67,5 heures de réunions. Cela a permis au comité de faire une étude exhaustive, et je pèse bien ce mot. Nous avons entendu les témoignages de créateurs de contenu, d’experts de la radiodiffusion, de représentants du milieu académique et d’anciens présidents et commissaires du CRTC; des associations qui représentent des artistes et des travailleurs du secteur de la musique et de l’audiovisuel; des associations qui représentent les intérêts des personnes autochtones, noires et racisées; des personnes en situation de handicap; des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Un travail considérable a été effectué par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications et j’ai été impressionné par le travail des membres du comité, l’expertise autour de la table, la diversité des points de vue, la pertinence des questions et la valeur des modifications. Je remercie tous les membres du comité de leur travail remarquable.

En plus du travail en amont qui a été fait et durant l’étude du comité, mon équipe et moi avons reçu de nombreux appels et courriels de la part d’artistes inquiets, d’associations du milieu de l’audiovisuel, de réalisateurs et de producteurs du milieu de la musique et de l’édition musicale, tant des milieux anglophones que francophones. Tous nous ont demandé d’adopter rapidement le projet de loi C-11.

Pour témoigner de ce qui précède, je reprendrai ici la courte séquence des témoignages publics que le sénateur Dalphond a soulignés dans l’un de ses discours de la semaine dernière, qui fait état du sentiment du secteur culturel autour du projet de loi C-11.

Le 31 mars dernier, après l’adoption par les députés du message proposé par le gouvernement, le coprésident de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, Bill Skolnik, a déclaré ce qui suit :

Dans un climat acrimonieux et marqué par la désinformation, nous saluons le travail et le courage des élus qui, depuis deux ans, appuient sans relâche le secteur culturel et veillent à la pérennité de notre souveraineté culturelle.

Hélène Messier, coprésidente du même organisme, a pour sa part indiqué ce qui suit :

Au cours des derniers mois, les sénateurs et sénatrices se sont livrés à une analyse rigoureuse du projet de loi, lui apportant certaines améliorations. Nous saluons leur travail, mais les invitons aujourd’hui à prendre acte des décisions des élus et à faire cheminer le plus rapidement possible le projet de loi dans sa forme actuelle vers la sanction royale.

Alors qu’un récent article du Globe and Mail rapportait que le projet de loi C-11 était probablement le projet de loi qui a été le plus longtemps à l’étude dans l’histoire du Sénat, je ne peux que saluer la patience et la résilience des travailleurs du milieu des arts et de la culture, qui sont touchés de près ou de loin par le projet de loi C-11. Nous ne pouvons laisser pour compte les milieux de la musique et de l’audiovisuel canadiens. Cela n’est pas une option : ils attendent ce projet de loi depuis beaucoup trop longtemps.

Chaque semaine durant laquelle le projet de loi C-11 n’est pas adopté signifie que le CRTC a une semaine de moins pour entamer son travail de consultation des parties prenantes. Le CRTC effectuera ce travail incommensurable en plus ou moins deux ans. C’est à la suite de ces consultations que les mécanismes qui permettront aux plateformes de contribuer au contenu canadien et à sa découvrabilité verront enfin le jour. Autrement dit, c’est à ce moment-là que nos artistes et notre milieu culturel pourront enfin bénéficier de ce projet de loi.

La culture acadienne est au cœur de ce que je suis. La musique acadienne m’a permis de gagner ma vie et a fait en sorte que je suis devant vous aujourd’hui. Elle a forgé le peuple dont je suis issu, le peuple acadien. Le secteur de la musique en Acadie s’est développé grâce à des initiatives d’un ensemble structuré de réseaux et de professionnels qui ont découvert et soutenu les talents acadiens.

Je citerai ici un extrait de l’ouvrage L’état de l’Acadie, qui fait un tour d’horizon de l’Acadie contemporaine :

Alors que l’industrie musicale s’est complètement transformée et que l’écoute en ligne entraîne une baisse de revenus et met en péril l’écosystème de l’industrie musicale, en particulier celle des joueurs les plus fragiles qui se produisent en milieu minoritaire francophone, la solution passe indéniablement par une réglementation favorisant un partage plus équitable des revenus entre les différentes composantes de l’industrie musicale.

Le projet de loi C-11 est porteur d’un projet sociétal culturel important. La motion de fixation de délai a été mûrement réfléchie et, à mon point de vue, elle est appuyée par un argumentaire solide. Je crois avoir exprimé, par cette prise de parole, les raisons pour lesquelles six heures me semblent insuffisantes. Quand on est en processus de création, il arrive un moment où l’on s’est posé des questions, où l’on voudrait aller plus loin, ou l’on voudrait approfondir encore plus. Toutefois, quand on fait de la création et qu’on pense au public qui nous attend, on se dit qu’il est temps d’adopter cette création, dans ce cas-ci le projet de loi C-11. Je vous remercie.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, vous le savez, deux heures et demie avaient été prévues pour le débat concernant cette motion. Nous sommes à deux minutes de l’heure de la mise aux voix. À moins qu’un sénateur souhaite prendre part au débat pendant ces deux minutes, je vais mettre la motion aux voix. Dois-je mettre la motion aux voix maintenant?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Gold propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Gagné, que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étude de la motion, telle que modifiée, tendant à répondre au message de la Chambre des communes concernant les amendements du Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

(0000)

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Maintenant, avec le consentement du Sénat.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu maintenant.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot Gold
Audette Greenwood
Bellemare Harder
Bernard Hartling
Boehm Klyne
Boniface Kutcher
Bovey LaBoucane-Benson
Burey Lankin
Busson Loffreda
Cardozo Marwah
Clement Massicotte
Cordy McCallum
Cormier McPhedran
Cotter Mégie
Coyle Miville-Dechêne
Dagenais Omidvar
Dalphond Osler
Dasko Patterson (Ontario)
Deacon (Nouvelle-Écosse) Quinn
Deacon (Ontario) Ravalia
Dean Ringuette
Dupuis Saint-Germain
Forest Smith
Gagné Sorensen
Gerba Woo
Gignac Yussuff—52

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Martin
Batters Oh
Carignan Pate
Housakos Plett
MacDonald Seidman
Marshall Wallin—12

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(À 0 h 08, conformément à l’article 3-4 du Règlement, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures, plus tard aujourd’hui.)

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